Année politique Suisse 2000 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Organisation militaire
Figure emblématique de l’armée suisse, le fort de Savatan (VS) a abrité pour la dernière fois une école de recrues d’infanterie de montagne. Inaugurées en 1964, les différentes casernes du site surplombant Saint-Maurice ont vu défiler 43 325 recrues. La position stratégique du fort ne répond plus aux critères de l’armée moderne, mais ce dernier restera opérationnel pour recevoir, en juillet 2001, les jeunes décidés à accomplir le «service long» de l’armée: 300 jours en un seul bloc. L’infanterie de montagne quitte Savatan pour Drognens, dans le canton de Fribourg [25]. Cette restructuration a par ailleurs fait l’objet de critiques de la part des officiers en charge de la division de montagne 10 (20 000 hommes) appelée à disparaître. Ceux-ci se sont inquiétés de la place accordée à l’armée de montagne dans la future armée [26].
Une commission du Conseil des Etats a demandé sous la forme d’une motion que le gouvernement maintienne le niveau des dépenses des secteurs de l’armée et de la protection de la population tel qu'il a été fixé dans le plan financier sous revue. Cette perspective devrait rester en vigueur jusqu'à une décision définitive sur la structure d’«Armée XXI» et sur l'avenir de la protection civile. Après ratification de la motion par le Conseil fédéral, celle-ci a été accepté par les deux Chambres [27]. Toutefois, le Département des finances a élevé la voix pour demander à Adolf Ogi d’envisager des économies en termes de frais administratifs au sein du DDPS. La quote-part des dépenses d’exploitation serait ainsi passé de 47% en 1990 à 60% dix ans plus tard. Le Département de la défense a rétorqué en retour avoir réduit de 8211 postes son personnel sur la même période, remplissant ainsi un objectif important d’Armée 95. Ces chiffres ont été immédiatement contestés par Kaspar Villiger qui a rappelé que cette réduction touche essentiellement le personnel des entreprises d’armement nouvellement privatisées, ne portant qu’à 4459 le nombre d’emplois supprimés. Sur ce chiffre, plus de la moitié (2321 postes) représentent des suppressions d’emploi réalisées dans ces mêmes entreprises d’armement, avant leur privatisation. Avec 81 instructeurs et 167 maîtres spécialisés de plus qu’en 1990 – alors que les jours de service ont entre temps diminués de moitié – l’administration militaire demeure encore trop fournie aux yeux du DFF [28]. Par ailleurs, le calcul des dépenses de la troupe pour l’exercice 1999 (logement, nourriture, solde, transport) s’est élevé à 211,7 millions, soit une hausse de 10% par rapport à l’année précédente. Près de 225 000 Suisses ont effectué leurs obligations militaires, ce qui représente plus de 6,5 millions de jours de service, dont 300 000 consacrés à l’encadrement de réfugiés ou à la surveillance des missions diplomatiques [29].
Le Conseil national a aussi transmis un postulat de Josef Leu (pdc, LU) demandant la prise en compte de certaines activités à l’étranger pour les obligations militaires. Cette proposition visait principalement les missions à l’étranger de citoyens helvétiques dans le cadre de l’aide humanitaire. Le Conseil fédéral s’est déclaré prêt à accepter le postulat [30]. Il a aussi adopté une motion par la commission de l’économie et des redevances l’enjoignant de modifier la LACI ainsi que le régime des APG afin que les jeunes se trouvant entre deux périodes de service militaire ou entre la fin de leurs études et leur service militaire puissent obtenir les indemnités du chômage [31].
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Réforme de l’armée
L’année a été marquée par la bataille des chiffres d’«Armée XXI», qui ont donné lieu à nombre de spéculations aussi bien sous la Coupole que dans les débats publics. Principal objet de querelle au sein du Conseil fédéral, la taille – et le budget relatif – de la future armée ont été abondamment discutés. Le conflit entre les intérêts de l’économie suisse et l’organisation militaire du pays fut largement cristallisée en une opposition personnelle entre Pascal Couchepin et Adolf Ogi, au point que leur controverse a fait l’objet d’une discussion lors d’une séance du Conseil fédéral, afin que les différents entre ses membres ne s’expriment plus sur la place publique [32]. Cette «micro-crise» entre le domaine économique et militaire a rythmé l’élaboration finale de la réforme, entre un ministre de l’Economie qui s’est maintes fois engagé en faveur d’une armée réduite – moins de 120 000 hommes, sans réservistes – et un chef de la Défense partisan d’une armée forte d’au moins 200 000 soldats. Les prises de position de Kaspar Villiger (voir supra) et de diverses associations patronales en faveur d’un amaigrissement des troupes, de leur budget et des contraintes militaires, ont été fréquentes. Dans le camp des défenseurs d’une armée aux larges épaules, la Société suisse des officiers (SSO) s’est prononcé pour un effectif de 180 000 hommes, dont 70 000 réservistes, rejoignant les projections d’Adolf Ogi [33].
Celui-ci, pressé par ses collègues de donner des informations concrètes afin de couper court aux spéculations de toutes sortes [34], a officialisé en juin les grandes lignes d’«Armée XXI». Les effectifs en ressortent très amaigris: 119 000 soldats, avec une réserve variable de zéro à 80 000 hommes. Si à première vue ces chiffres abondent dans le sens de Pascal Couchepin et des ténors de l’économie helvétique, le nombre des réservistes constitue une fourchette conséquente. Le budget militaire devrait atteindre un plafond de 4,3 milliards de francs en 2003, date de sa mise en application. Ce chiffre porterait à environ 10% la part des dépenses militaires dans le budget de la Confédération, contre 35% en 1960. Après que le Conseil fédéral a donné son aval à la fin de l’année, les derniers points ont été précisés: l’âge limite du service sera porté à 30 ans, le nombre de jours sous les drapeaux sera de 280 et l’école de recrue durera six mois d’affilée. Elle devra être effectuée entre 18 et 22 ans. Les cours de répétition seront au nombre de six, dureront chacun 19 jours et retrouveront le rythme annuel d’avant 1995. La porte est plus que jamais ouverte à un «service long» d’une seule traite, qui devrait occuper environ 4000 soldats par école de recrue. «Armée XXI» s’articulera sur un système souple de «modules», avec pour noyau six à huit brigades de combat. S’y ajouteront des formations logistiques et de soutien au combat, ainsi que des forces aériennes opérationnelles. Les corps d’armée et les régiments disparaîtront. Les quatre corps d’armée actuels, flanqués de l’état-major général, du commandement des Forces terrestres et de celui des Forces aériennes, laisseront la place à deux entités: l’armée de terre et l’armée de l’air. Le commandement sera assuré par un triumvirat comprenant les chefs des Forces terrestres et aériennes ainsi que le chef de l’état-major général. Fidèles à RAPOLSEC 2000, les objectifs de «Armée XXI» se fixeront sur trois missions de base : défense, soutien à la paix et sauvegarde des conditions d’existence (aide en cas de catastrophes, etc.). Si l’armée demeurera de milice, la part des professionnels devrait s’élever jusqu’à 5000 ou 8000 soldats, contre 3600 actuellement. Le projet sera soumis à la consultation en janvier 2001, afin que le Conseil fédéral livre son projet au parlement en juin suivant. D’ores et déjà, les réactions partisanes à ces nouvelles directives ont divisé la sphère politique: trop cher pour le PS, trop long pour le PRD, seuls le PDC et l’UDC abondent du bout des lèvres dans le sens du DDPS. La Société suisse des officiers (SSO) a émis des réserves quant aux références et aux objectifs de l’armée, fixés hâtivement selon elle [35].
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Nominations
Le Genevois Alain Rickenbacher (55 ans) a été nommé commandant de corps par le Conseil fédéral, au terme d’un débat interne fourni. Le nouveau gradé prendra la tête du 1er corps d’armée suisse au 1er janvier 2001, succédant ainsi au Vaudois Jean Abt. Le Conseil fédéral a aussi nommé le divisionnaire bernois Christian Schlapbach au poste d’adjoint du chef des Forces terrestres, ainsi que le colonel d’état-major Rudolf Steiger à la direction de l’Ecole militaire supérieure de Zurich [36].
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Propagande dans l’armée
A la Chambre du peuple, le parlementaire Alexander Baumann (udc, TG) a lancé un débat sur un supposé effritement de neutralité politique au sein du corps des officiers. Dans ce qu’il a nommé un «endoctrinement politique», le conseiller national a stigmatisé l’aspect partial des présentations et des conférences tenus par les commandants des grandes unités lors de leurs rapports. Au cours de ces présentations, certains discours auraient véhiculés des opinions sur la ligne politique a adopter, en particulier vis-à-vis du référendum contre les missions à l’étranger des soldats suisses armés. Le Conseil fédéral a rappelé que la liberté d’expression des militaires doit être respectée et ne peut être assimilée à un endoctrinement, même si les opinions émises ne doivent avoir pour but de créer une polémique entre partis [37].
 
[25] Lib., 22.11.00.25
[26] TG, 29.1.00.26
[27] BO CN, 2000, p. 753; BO CE, 2000, p. 652.27
[28] TG, 12.8.00.28
[29] LT, 2.5.00.29
[30] BO CN, 2000, p. 843.30
[31] BO CN, 2000, p. 1193.31
[32] LT, 4.5.00.32
[33] LT, 13.5.00.33
[34] LT, 15.4.00.34
[35] Presse du 2.6 et du 21.12.00.35
[36] Lib.,13.4.00.36
[37] BO CN, 2000, p. 848.37