Année politique Suisse 2000 : Wirtschaft / Landwirtschaft / Produits alimentaires
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Alimentation et génie génétique
En tout début de l’année sous revue, le Conseil fédéral a présenté son message sur la «Gen-Lex», jetant dans l’arène publique un débat virulent entre représentants de l’économie et groupes écologistes et associations de consommateurs. L’avant-projet «Gen-Lex» avait été mis sur pied, notamment, pour contrer l’initiative populaire «contre les manipulations génétiques» rejetée en juin 1998 par les cantons et le peuple. Le texte a fondamentalement ratifié la volonté de l’exécutif de s’engager dans la voie des organismes génétiquement modifiés (OGM) et de refuser l’idée un moratoire sur le sujet. Toutefois, il a mis en évidence plusieurs critères supposés ménager la chèvre et le chou dans un dossier délicat. Dans la balance écologique, il a déposé des prescriptions de responsabilités civiles plus contraignantes pour le producteur d’OGM: les actions en réparations pourront s’étendre sur trente ans au lieu de dix, prenant en considération que les dommages génétiques peuvent se transmettre d’une génération à l’autre. De plus, les produits traités génétiquement devront être préalablement soumis à une autorisation d’un comité éthique de douze scientifiques et éthiciens, alors que l’Office fédéral de l’environnement conservera un droit de veto important. Autres mesures: les manipulations devront respecter les principes de «dignité de la créature» prévue par la Constitution, et présenter un avantage pour la communauté dans son ensemble [37].
Malgré ces prescriptions, le texte gouvernemental a essuyé les foudres de la gauche. Les Verts ont immédiatement appelé à un moratoire soumis à ratification populaire, se basant notamment sur les décisions à cet endroit prises en 1999 par un publiforum entre citoyens et scientifiques. L’UDC, les radicaux et le PDC ont par contre applaudi la démarche plutôt libérale du Conseil fédéral. L’Union suisse des paysans s’est prononcée fermement contre la dissémination d’OGM dans l’agriculture et pour un moratoire de dix ans dans le domaine, récusant ainsi le projet du gouvernement. Plus tard, la commission du Conseil des Etats, première Chambre à empoigner le dossier, a elle aussi mis sur le tapis l’idée d’un moratoire. La commission a insisté sur le caractère sensible et complexe du dossier qui met en jeu aussi bien la santé publique que l’économie suisse, à la pointe de la recherche mondiale dans le domaine génétique [38].
Toujours concernant les OGM, le gouvernement a fixé à 0,5 % le seuil de tolérance d’impuretés génétiquement modifiées présentes dans les semences conventionnelles. Dans une ordonnance entrée en vigueur en milieu d’année, le Conseil fédéral a posé une limite relativement sévère que les importateurs étrangers seront contraints de respecter. Deux-tiers des semences utilisées en Suisse sont issues de l’importation. L’association Greenpeace s’est élevée contre cette mesure jugée par elle encore trop laxiste, arguant que le tolérance zéro, si elle ne peut être absolument atteinte dans les faits, doit au minimum constituer un principe essentiel au niveau politique. Selon Greenpeace, un 0,5% de semences modifiées fertiliserait déjà plus de 30 millions de plants de maïs transgéniques [39].
Autre opposition aux OGN, les Verts ont déposé une motion afin d’interdire l’utilisation des aliments contenant des gènes résistants aux antibiotiques. Cette motion visait tout particulièrement le cas du maïs Bt-176, autorisé par la Confédération en 1998. Le groupe écologique, se basant sur des travaux médicaux récents, espérait ainsi obtenir à la fois l’interdiction de ce type d’organismes et l’institution d’un moratoire afin de mieux cerner les tenants et aboutissants de cette nouvelle forme d’agriculture. Le Conseil national a, dans un vote très serré, accepté la partie de la motion qui demandait, sous forme de postulat, une interdiction de la dissémination d’OGM contenant des gènes résistants aux antibiotiques [40].
 
[37] FF, 2000, p. 2283 ss.; presse du 20.1.00 (réactions); APS 1999, p. 149. Voir aussi infra, part. I, 6d (Environnement) et 8a (Forschung).37
[38] LT, 28.4.00 (USP); Lib., 17.8.00 et LT, 15.11.00 (commission parlementaire).38
[39] Presse du 6.6.00.39
[40] BO CN, 2000, p. 883 ss.40