Année politique Suisse 2000 : Wirtschaft / Landwirtschaft
 
Sylviculture
L’ouragan « Lothar » qui s’était abattu sur le centre de la Suisse aux tout derniers jours de l’année 1999 a provoqué de nombreux dommages aux forêts: quelques jours après la tempête, on dénombrait 12 millions de mètres cubes d’arbres abattus, soit deux ans et demi de coupe normale – au prix de 100 francs le mètre cube, l’on pouvait évaluer à un milliard de francs le montant potentiel de ce stock de bois abattu. Rapidement, une cellule de crise a été mise en place, réunissant inspecteurs cantonaux des forêts, Institut fédérale de recherche sur la forêt, la neige et le paysage, association des scieries, Caisse nationale d’assurance, WWF et Pro Natura. Un état-major national a été constitué de six personnes choisies parmi ces représentants, afin de définir une stratégie adéquate pour parer aux mesures urgentes. Le groupe a en premier lieu dû répondre aux demandes pressantes de le la Commission de l’économie du bois (CEB) et de l’Association des scieries et de l’industrie du bois. Principales créances : la fixation de prix seuils – une réduction de 5 à 10% au maximum du prix des arbres abattus en novembre et décembre 1999 –, des interdictions d’abattage et des exemptions pour les gros transporteurs routiers de 40 tonnes. Avant d’adopter un train de mesures financières, l’état-major a confirmé que tous les arbres à terre ne seraient pas déblayés, contrairement au nettoyage aussi zélé que coûteux (400 millions de francs) qui avait suivi la tornade « Vivian » en 1990. Depuis 1993, la loi n’oblige plus à reboiser un vide dans un délai de trois ans. Le bois restera donc sur place dans les régions escarpées ou reculées, mesure qui ne devrait pas porter atteinte au biotope naturel. Dans le canton de Berne, particulièrement touché par « Lothar » (4,5 millions de mètres cubes de bois renversés), 30% des arbres resteront ainsi au sol [45].
La réponse politique à «Lothar» a été donnée d’abord par le Conseil fédéral qui a aussitôt soumis aux Chambres deux projets de loi et d’arrêté fédéraux urgents et limités afin de débloquer les fonds nécessaires. Les deux objets fédéraux ont été adoptés au National (tous deux par 135 voix contre 1). En tout, le gouvernement prévoyait d’insuffler 483 millions de francs pour l’ensemble des opérations de déblayage, de soins aux forêts, de remise en état des routes et d’aide à la vente du bois. La Chambre basse est allé dans le sens du gouvernement, soustrayant toutefois 26 millions prévus pour l’entreposage du bois. Une somme finale de 483 millions de francs a été votée, à laquelle s’ajoutait les 120 millions de francs alloués pour le remboursement direct des propriétaires de forêts victimes de l’ouragan. Mesure supplémentaire, une dérogation spéciale à la circulation des 40 tonnes a été publiée, valable pour l’ensemble du territoire suisse. Après avoir remanié le texte sur quelques détails, la Chambre des cantons l’a adopté à l’unanimité. Lot de consolation pour cette année de sinistrose, la Suisse est arrivé en tête du classement établi par le WWF regroupant les pays européens qui gèrent le mieux leurs forêts. Avec un « score » de 62 points sur 100, la Suisse a été félicité pour la valeur sociale et culturelle qu’elle accorde à ses forêts et ses données fiables et régulières [46].
Afin de lutter contre les dommages causés aux forêts tropicales, une motion Eymann (pl, BS) enjoignait le Conseil fédéral à adopter une législation claire et stricte sur la provenance des bois vendus en Suisse. La proposition imaginait un suivi du parcours du bois, un peu sur le modèle du suivi des viandes. Le gouvernement est allé dans le sens des inquiétude du parlementaire et s’est dit prêt à accepter la motion, adoptée au National (72 voix contre 57) et transformée en postulat sur l’injonction du Conseil des Etats (22 contre 11) [47].
L’Office fédérale de l’environnement, de la forêt et du paysage (OEFP) a été tout particulièrement visée à travers une motion déposée en début d’année par le parlementaire John Dupraz (prd, GE) et appuyée par 72 conseillers nationaux de droite. La motion demandait que le secteur de la forêt, de la chasse et de la pêche soit détaché de l’OEFP et rattaché à l’agriculture au sein du Département de l’économie publique, sur la base de la fonction économique de la forêt, selon les initiants. Alors que le texte attend d’être traité aux deux Chambres, le Conseil fédéral a d’ores et déjà proposé de rejeter la motion, rappelant que la fonction économique de la forêt ne peut être séparée de son importance dans l’écosystème suisse et que, partant, l’OEFP se trouve en parfaite position pour contrôler ces deux aspects [48].
 
[45] Sur «Lothar», cf. APS 1999, p. 152 et 228; Lib., 5.1.00 (état-major); 24h, 6.1.00 (revendications); TG et Bund, 19.1.00 (déblayage).45
[46] FF, 2000, p. 1201 ss.; BO CN, 2000, p. 220 ss., 900 ss. et 1209; BO CE, 2000, p. 289 ss. et 722 ss.; Lib., 21.1.00 (classement WWF).46
[47] BO CN, 2000, p. 691 ss.; BO CE, 2000, p. 868 ss.47
[48] TG, 24.3.00.48