Année politique Suisse 2000 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation
 
Poste et télécommunications
Répondant aux injonctions du PRD et de l'UDC lui demandant une libéralisation et une privatisation de Swisscom, de la Poste et des CFF [47], le Conseil fédéral a présenté son projet de vendre des actions Swisscom afin de financer la création d'une banque postale et des mesures d'accompagnement à l'attention des régions périphériques. Pour Berne, la vente devait aussi donner la possibilité à Swisscom de rester concurrentiel dans un marché en pleine mutation (fusion, acquisition, prises de participation), car pour l'instant le pourcentage étatique (65%) était trop important pour que l'entreprise ne s'émancipe. La loi actuelle autorise les autorités à céder 15% supplémentaire, mais pour descendre au-dessous de la barre des 50%, il serait nécessaire de modifier la loi sur les télécommunications. A l'identique, le Conseil fédéral estimait que la transformation de PostFinance en une véritable banque était cruciale, car les bénéfices dégagés permettraient de garantir la bonne marche de la Poste et le maintien du service public de base sur tout le territoire. La loi sur la Poste n'autorise PostFinance qu'à exercer dans les activités financières passives (épargne, prévoyance) à côté du trafic des paiements et non à être plus actif. Pour que PostFinance puisse octroyer des crédits, une modification de la loi était nécessaire. La création de Banque Postale impliquerait une augmentation de capital de dotation de La Poste de plus d'un milliard de financement. Celle-ci resterait intégré à la Poste et serait soumise aux mêmes conditions de concurrence que les autres établissement bancaire: société anonyme, soumission à la législation sur les banques et renoncement à la garantie d'Etat [48].
En septembre, le Conseil fédéral a décidé de donner une base constitutionnelle à la création d'une banque postale et à l'abandon de la majorité du capital détenu dans Swisscom. Cependant, il conservera un veto de vente pour protéger l'entreprise de reprises inamicales et de droit national. Le gouvernement a agi ainsi pour éviter tout litige de constitutionnalité retardant le projet et pour couper court au référendum annoncé par la gauche contre la privatisation. Avec ces deux articles constitutionnels, le Conseil fédéral a aussi frappé un coup à gauche et à droite. En élevant au niveau constitutionnel les deux problématiques, il a contribué à générer un équilibre entre elles et à les rendre moins vulnérables. Ces deux projets se répondaient ainsi l'un l'autre et ils apparaissaient donc comme les deux volets d'une même politique. Leur ancrage dans la constitution implique aussi qu'une votation populaire obligatoire soit tenue. L'UDC, le PDC et le PRD se sont déclarés plutôt satisfaits, sans cacher leur opposition à une banque postale. Par contre, le PS et les syndicats se sont opposés à la privatisation de Swisscom. La teneur explosive du sujet a engendré de nombreuses requêtes (interpellations, postulats et motions) de tout bord afin de réclamer soit une libéralisation pour la droite soit un maintien du service public pour la gauche. Le Conseil fédéral a calmé le jeu en répondant que tous les scénarios seraient étudiés pour la mouture finale [49].
Pour la loi sur la surveillance de la correspondance postale et des télécommunications, voir supra, part. I, 1b (Strafrecht).
Les concessions de boucle locale sans fil (Wireless Local Loop/WWL) ont été mises aux enchères par l'Office fédéral de la communication (OFCOM). La mise en service de réseaux WLL, prévue pour 2002, permettra aux suisses de s'affranchir de Swisscom, car jusqu'alors ce dernier était le seul à posséder un réseau reliant tous les bâtiments du pays. Face à ce monopole, les autres opérateurs devaient lui louer une partie de son réseau et ainsi répercuter ces coûts d'interconnexion sur leurs clients. Sur les 48 licences WLL, 34 ont trouvé preneur pour un montant de 582 millions francs. Les trois concessions nationales ont atteint des sommes supérieures à celles estimées: la première licence est partie pour 120 millions à United PanEuropean Communications (GB/PB) (17 fois la mise de départ), la seconde pour 134 millions à FirstMark (USA) et la troisième pour 55 millions à Callino (ALL). Malgré le succès des enchères, 14 licences n'ont pas trouvé preneur: une en Suisse orientale, trois au Tessin et dix couvrant les Grisons et le Valais. L'OFCOM a décidé que les fréquences encore disponibles dans ces régions-là seraient attribuées sur demande dès juin, avec la possibilité de former de plus petites régions. L'offre n'a pas trouvé d'acquéreur [50].
Le système UMTS (Universal Mobile Telecommunication Standard) a aussi été mis aux enchères en automne. Celui-ci succédera au réseau GSM utilisé par les téléphones mobiles actuels. L'UMTS ouvrira la voie vers de nouveaux services interactifs dont le Visiophone et Internet à haut débit. La mise en service des premiers réseaux UMTS en Suisse – comme en Europe – est prévue pour 2002. Le DETEC a mis en jeu quatre concessions pour l'exploitation d'un réseau UMTS sur l'ensemble du territoire helvétique. L'octroi de la concession était lié à une obligation de couverture de 50% de la population. La vente des concessions laissaient présager une promesse de pactole pour la Confédération, vu les chiffres record qui avaient été atteints en Angleterre. Les autorités l'estimaient en juin entre 6 et 10 milliards de francs, puis entre 3 et 6 milliards vu le semi-échec néerlandais et allemand. A la clôture des inscriptions, dix candidats s'étaient annoncés. Le nombre des prétendants s'est au fur et à mesure réduit à l'approche de la vente. Les raisons à cette défection étaient principalement dues à l'absence de liquidités d'investissement, déjà mobilisées dans d'autres pays où les enchères s'étaient envolées. Dans l'objectif d'obtenir une concession, Swisscom s'est allié à Vodafone. La veille de l'enchère, il ne restait plus que cinq opérateurs en course pour 4 concessions et un coup de théâtre s'est produit dans l'heure précédent la date butoir: Tele Danemark était parvenu à prendre le contrôle de deux prétendants – Diax et Sunrise – et à les faire fusionner. Informé de la naissance du numéro deux de la téléphonie en Suisse, l'OFCOM a gelé les enchères, car l'acheteur était inconnu. La Commission de la concurrence ayant statué que la fusion Diax-Sunrise ne portait pas atteinte à la concurrence dans le marché futur de l'UMTS, la vente des quatre licences aux quatre candidats restant a pu avoir lieu. Elles ont été adjugées pour 205 millions de francs, soit à peine 5 millions de plus que les mises de départ de 50 millions l'unité. Les acquéreurs des licences, qui auront une durée de vie de 15 ans, étaient: Swisscom, Telefonica, Dspeed (Diax et Sunrise) et Orange. Ce dernier avait été le seul à surenchérir symboliquement de cinq millions. Le manque à gagner par rapport aux estimations prévues de 4 à 7 milliards a retenu l'attention de certains parlementaires qui n'ont pas hésité à demander la tenue d'une enquête pour établir les responsabilités de cette débâcle. L'obtention par Swisscom de sa licence, condition sine qua non de l'entrée pour Vodafone dans le capital de Swisscom a eu comme effet que celui-ci procédera à une prise de participation de 25% dans le capital de la future filiale de téléphonie mobile Swisscom Mobile. En autorisant Swisscom, dont elle est actionnaire majoritaire à faire alliance avec l'opérateur Vodafone, le Conseil fédéral a amorcé une "sous-privatisation" et a donné son acceptation implicite pour la holding [51].
En juillet, Diax a demandé à la Commission fédérale de la communication (ComCom) une libéralisation totale du dernier kilomètre du réseau de Swisscom afin de faciliter la mise en place de services de connexion à haute vitesse chez les usagers. Le "dernier kilomètre" ou "boucle locale" désigne la liaison par fils de cuivre ou fibre optique entre les centres téléphoniques et les prises chez les particuliers ou les entreprises. Celui-ci est symbolisé par la taxe de raccordement obligatoire perçu par Swisscom. S'appuyant sur l'expertise de la Commission de concurrence et dans le cadre des mesures provisionnelles, la ComCom a estimé que Swisscom avait une position dominante dans les raccordements et qu'il n'y avait pas d'alternative satisfaisante. Par conséquent, elle a imposé à Swisscom l'ouverture de son réseau à Diax; le dégroupage partiel du raccordement des usagers a été prévu en trois étapes échelonnées sur neuf mois. L'autorité de surveillance des télécommunications a aussi demandé aux deux opérateurs d'élaborer une offre en vue d'une ouverture totale de la boucle locale, car elle obéissait aux mêmes principes que l'interconnexion: pas de discrimination et des prix conformes aux coûts. Swisscom a réagi en faisant recours au Tribunal fédéral, estimant que la décision de l’autorité de surveillance des télécommunications le désavantageait et ne reposait sur aucune base légale. Les mesures provisionnelles ne concernaient que la transmission des données et non la téléphonie vocale. Saisis, les juges fédéraux ont accordé l'effet suspensif à la décision de la ComCom obligeant Swisscom à ouvrir partiellement le dernier kilomètre à Diax. La décision sur le fond a été prévue pour 2001. L'ouverture à la concurrence du dernier kilomètre téléphonique a aussi été débattue au Conseil national. Par 89 voix contre 6, ce dernier a refusé en décembre l'initiative parlementaire de Theiler (prd, LU), demandant d'ôter le monopole dont dispose Swisscom. L'initiative a été victime du camp rose-vert, opposé au démantèlement de l'ex-régie, et des représentants des cantons de montagne du PDC, soucieux d'éviter toute menace d'abandon de desserte dans les régions périphériques. De plus ces derniers craignaient qu'une libéralisation de la boucle locale ne permette à la ComCom d'ordonner le découpage de la boucle locale, pratique amorcée en Europe [52].
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Swisscom et autres opérateurs
A l'instar des CFF, Swisscom a abandonné le statut de fonctionnaire. La convention de collective de travail (CCT) a été signée par la direction et les associations de personnel en juin. Le document entrera en vigueur le 1er janvier 2001 pour une durée de trois ans. Le CCT prévoit la semaine de 40 heures, soit une réduction d'une heure par rapport à l'ancienne situation, ainsi que cinq semaines de vacances par an. Elle introduisait aussi un nouveau système salarial incluant une part au mérite et tenant compte du succès de l'entreprise sur le marché. Se basant sur la CCT de Swisscom, le Syndicat de la communication a exigé que tous les travailleurs du secteur des télécommunications soient protégés de la même façon [53].
En automne, Swisscom a annoncé son intention de vendre ses 3000 antennes radio-télévision répartis sur 400 sites. Le bénéfice escompté était supérieur à 550 millions de francs. Cette décision de vendre les émetteur à ondes ultracourtes (OUC) et à faisceaux dirigés a inquiété l'état-major de l'armée qui a alarmé les commissions du parlement. Le Conseil des Etats a accepté une motion de sa Commission de la politique de sécurité. La commission correspondante du Conseil National a soutenu cette motion et a déposé une deuxième de la même teneur. La première demandait au Gouvernement de définir les besoins vitaux du pays en matière de télécommunications et de prendre les mesures pour les définir. Dans la seconde motion, la Commission du National exige que soit pris en compte la sécurité intérieur et extérieur de la Suisse ainsi les intérêts stratégiques du pays et que soit étudié les conséquences d'une vente à un opérateur étranger. Tenant compte des objections suscitées dans le monde politique et militaire, Swisscom a renoncé à vendre son système d'antennes radio-TV [54].
Swisscom s'est transformé durant l'été en holding chapeautant des sociétés autonomes. Quatre sociétés se voient accorder plus de lest que ce qu'elles ne disposaient: Bluewin (internet), Debitel (téléphonie mobile en Allemagne), Conextrade (Commerce en ligne) et Mobile Com. Celles-ci restent des filiales de Swisscom à 100%. La holding Swisscom proprement dite s'occupera avant tout de gestion financière et de stratégie [55].
Intervenue dans le cadre des enchères UMTS, la Commission de la concurrence a donné son feu vert à la fusion entre les opérateur Diax et Sunrise. L'examen a conclu que l'opération n'était pas à même de créer une position dominante sur le marché des télécommunications (voir supra).
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Poste
Le projet Optima a entraîné une levée de boucliers en Suisse. La pétition du Syndicat de la Communication contre la fermeture d'offices postaux intitulée "Touche pas à ma Poste!" a récolté 120 000 signatures qui ont été déposées au DETEC. Le Syndicat exigeait que la majorité des prestations soit offerte dans tous les offices postaux. Le Grand Conseil genevois, via une motion de la gauche et des radicaux, l'a accepté à l'unanimité et invité le gouvernement genevois et les autorités fédérale à faire pression sur La Poste pour qu'elle revoit la copie de son projet Optima. Le Conseil national a transformé la motion du genevois Spielmann (ps, GE) en postulat. Celle-ci demandait au Conseil fédéral d'obliger La Poste à renoncer à ses projet. Le Conseil fédéral a répondu à son inutilité vu que les termes de la restructuration étaient réétudiés par La Poste, par contre les frais non couvert de 500 millions de francs pour le réseau postal nécessitaient des solutions. Les adversaires à la restructuration des offices postaux ont obtenu une victoire avec le maintien de la Poste de St Jean à Genève. Cette dernière symbolisait le premier mouvement de résistance populaire à la suppression d'un office postal. La Poste a fait marche arrière et a réouvert un guichet à mi-temps. En contrepartie, la ville de Genève s'engageait à prendre en charge les frais de location et la gestion de la moitié du bâtiment. Le cas genevois est annonciateur d'un état de fait où les autorités devront prendre en charge une partie des frais nécessaires au service public de base. En effet, La Poste est tiraillée entre son devoir de service public déficitaire et l'obligation d'être rentable. Malgré les protestations, les contours d'Optima ont été révélés. La Poste prévoit un classement des offices en trois catégories: les petits (P) offrant les prestations de base (paiement, distribution et prise en charge du courrier et des colis), les moyens (PP) assurant en plus certains services financiers et les gros (PPP) offrant la gamme complète. Le réseau de vente sera organisé dans sept régions de vente. Le redimensionnement et les fermetures se feront entre 2001 et 2004 [56].
En janvier, le directeur Reto Braun a démissionné. Il est parti en laissant l'entreprise en bonne posture, malgré de graves dysfonctionnements dans le secteur des colis et une vive polémique sur la fermeture des offices postaux. Ulrich Gygi, directeur des Finances fédérales, a été nommé comme son successeur par le conseil d'administration de La Poste [57].
Le bénéfice de La Poste pour l'an 2000 s'est élevé à 118 millions de francs et le chiffre d'affaires net à 6,022 milliards de CHF. Les débuts dans l'e-business de la société affiliée Yellowworld ont occasionné d'importants frais de développement et d'organisation. Le résultat d'exploitation avant amortissements, intérêts et impôts, d'un montant de 412 millions de francs, a baissé de 23 millions par rapport à l'exercice précédent. La Poste a conclu que la dégradation de la situation financière et la réduction du rendement sur chiffre d'affaires à 2,0% constituaient une base financière insuffisante pour l'évolution future du Groupe, compte tenu de l'accroissement des risques courus par l'entreprise. D'après elle, la rentabilité et la valeur ajoutée exigées par le Conseil fédéral pour garantir un service public suffisant nécessitaient des mesures supplémentaires. Un programme d'amélioration des résultats a donc été mis en place avec les priorités suivantes: lancement de nouveaux produits (principalement dans le secteur des médias électroniques), poursuite de l'optimisation des processus de distribution et de transport des envois postaux, ajustement des capacités de traitement dans les nouveaux centres Colis et mesures permettant une facturation intégrale des prestations fournies par les unités Courrier et Colis et destinées notamment aux clients importants [58].
 
[47] BO CN, 2000, p. 769.47
[48] TG, 19.2.00; presse du 14.6.00.48
[49] Projet du CF: presse du 7.9.00. Interventions parlementaires: BO CN, 2000, p. 1195, 1199, 1205, 1599 et 1607; BO CE, 2000, p. 799.49
[50] Presse du mois de mars et du 17.5.00.50
[51] LT, 10.3.00; presse d'août, novembre et décembre 2000.51
[52] LT, 6.9.00; presse de novembre 2000; BO CN, 2000, 1586 ss.52
[53] Lib., 15.3.00; LT, 12.7 et 13.12.00.53
[54] BO CE, 2000, p. 799 ss.; motion du CN no 00.3610; presse de novembre et du 8.12.00.54
[55] Presse du 26.8.00.55
[56] BO CN, 2000, p. 1195 (Spielmann); presse de janvier 2000 (Optima/St Jean); CdT, 10.2.00 (pétition); TA, 2.3.00 (Optima); TG, 3.4.00 (St Jean).56
[57] NZZ, 29.2.00.57
[58] Rapport de Gestion 2000 de La Poste.58