Année politique Suisse 2001 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik
Organisations internationales
Acceptée par le Conseil fédéral en 2000,
l’initiative populaire «pour l’adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies» a animé le débat politique suisse au cours de l’année. En première étape de consultation parlementaire, la nouvelle initiative a recueilli l’assentiment du Conseil des Etats. Un résultat tranché 37 oui, 2 non qui faisait écho au très net agrément, quelques jours plus tôt, de la commission des affaires extérieures de la même chambre 11 voix contre 1. A la Chambre des cantons, seules deux voix UDC ont rompu l’harmonie de l’ensemble
[34]. Dans la foulée de ce bon résultat, les milieux économiques se sont engagés derrière le Conseil fédéral pour le plébiscite d’une adhésion à l’ONU. Economiesuisse s’est présenté comme l’acteur principal de la campagne. Dans le camp des opposants, l’UDC a proposé au National un contre-projet à l’initiative populaire. Plaçant toujours la notion de neutralité en axiome helvétique indépassable, le parti a déposé un texte en deux propositions: inscrire dans la Constitution l’obligation pour la Suisse de défendre son indépendance aussi face aux organisations internationales, ce qui lui permettrait de revendiquer un statut à part à l’ONU, une adhésion partielle avec des prérogatives spécifiques. Seconde proposition, une adhésion sans obligation de participer à des sanctions militaires décidées par l’organisation contre un ou plusieurs pays. Les deux volets du contre-projet n’ont pas résisté au vote de la commission de politique extérieure du Conseil national, qui les a rejeté par 18 voix contre 4
[35]. Dans un débat fleuve 72 parlementaires inscrits pour prendre la parole , la chambre du peuple s’est montré dans son immense majorité favorable à l’initiative. Même l’UDC a dû compter sur quelques voix discordantes parmi ses représentants au parlement. Facteur de coopération internationale pour les promoteurs de l’adhésion ou spécificité intangible pour les opposants, le concept de neutralité a été au centre des débats, si bien que Joseph Deiss s’est engagé à publier avant le vote une déclaration claire et ferme sur le projet de neutralité suisse à inscrire au texte de la demande d’adhésion (voir supra). Finalement, le oui l’a emporté par 153 voix contre 42
[36].
Le texte de l’initiative accepté aux chambres, le Conseil fédéral a inscrit au 3 mars 2002 la votation sur son objet
[37].
La campagne s’est ouverte sur l’annonce par le gouvernement d’un budget de 1,2 million de francs pour la promotion de l’initiative. Au même moment, il a publié comme promis la demande d’adhésion stipulant notamment que «la Suisse est un Etat neutre» et que «la neutralité d’un Etat membre est compatible avec les obligations de la Charte des Nations Unies»
[38]. Du côté de l’économie, un front massif a réuni entre autres Economiesuisse et l’Union suisse des arts et métiers (USAM). En fin d’année, l’USS s’est prononcée en faveur de l’adhésion. Chez les opposants, l’UDC a pu s’appuyer sur le soutien de ses membres, refusant l’horizon onusien par 389 voix contre 44 lors de l’assemblée des délégués. Samuel Schmid, pour le gouvernement, a réfuté les arguments de Christoph Blocher selon lesquels une adhésion serait synonyme d’un alignement aveugle sur les actions militaires de l’ONU. Le président du parti, Ueli Maurer, a rappelé que la non-adhésion figurait au programme de l’UDC depuis des années
[39].
Alors que la campagne était déjà sur les rails en Suisse, le chef de la Mission d’observateur auprès des Nations Unies, l’ambassadeur Jenö Stähelin, a présenté devant le Conseil de sécurité un ensemble de propositions dont l’objectif est d’améliorer l’efficacité du régime des sanctions. Ce dossier est le résultat d’une demande formulée par Kofi Annan en 1998, afin d’aiguiser les instruments de coercition à l’encontre des Etats mais non des populations dans la cible de l’ONU. La Suisse a ainsi financé une recherche d’experts qui se sont réunis à plusieurs reprises à Interlaken (BE) et dont les travaux, connus sous le nom de «processus d’Interlaken», ont été remis sous la forme de deux textes remis aux Nations Unies
[40].
Concernant l’élection d’Adolf Ogi comme délégué spécial de l’ONU pour le sport, voir infra, part. I, 7b (Sport).
Dans un contexte tendu,
Joseph Deiss a effectué une visite en Israël et dans les territoires palestiniens. A Tel-Haviv et à Gaza, où le conseiller fédéral a rencontré Yasser Arafat, le responsable des affaires étrangères a abordé la question des droits de l’homme et l’éventualité d’une conférence sur la Quatrième Convention de Genève, dont le texte, reconnu par l’ensemble de la communauté internationale à l’exception d’Israël, aurait dû réglementer les agissements de l’Etat hébreu dans les territoires palestiniens. Sans l’agrément d’Israël, ni celui des Etats-Unis, cette conférence a eu lieu à Genève en fin d’année. La déclaration finale qui est sortie rappelle que la Quatrième Convention de Genève est applicable aux territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est. Elle appelle toutes les parties en conflit à respecter les clauses et les garanties humanitaires de la Convention
[41].
Déposée en 1998 par Remo Gysin (ps, BS), l’initiative parlementaire pour une
approbation par le parlement des augmentations de capital du FMI a été discutée par les deux Chambres en cours d’année. Au Conseil des Etats, le projet visant à opérer un contrôle plus strict vis-à-vis des flux financiers manipulés par le FMI a reçu une approbation unanime. Au National, 186 parlementaires contre 4 ont accepté le texte
[42].
Lors de la quatrième conférence ministérielle de l’OMC à Doha (Qatar), Pascal Couchepin a soutenu un programme de négociation visant à encourager le développement d’un système commercial multilatéral. Pour ce faire, le chef de la délégation helvétique a invité les membres présents à signer une initiative visant à transformer l’Agence de coopération et d’information sur le commerce international (ACICI), sise à Genève, en une organisation internationale. L’initiative se fonde sur l’agence ACICI lancée par la Suisse en 1998 pour soutenir les pays les moins favorisés dans leurs efforts visant à développer une diplomatie commerciale plus active. En 2001, l’agence fonctionnait avec un budget de deux millions de francs intégralement financé par la Suisse. Face à la perspective d’une libéralisation toujours croissante, les syndicats, des oeuvres d’entraide, des associations paysannes et des organisations de défense de l’environnement ont demandé sans succès au Conseil fédéral de s’engager plus fermement en faveur d’une nouvelle appréciation des problèmes rencontrés par les pays en développement, et de se focaliser sur la cohérence des dossiers en cours plutôt que d’ouvrir de nouveaux cycles de négociation. La conférence s’est achevé sur la
décision commune de lancer un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales, le «Doha Development Agenda» qui devrait être bouclé en 2005. En Suisse, des manifestation pacifiques ont accompagné la tenue du sommet de l’OMC à Doha
[43].
Alors que de nombreux Etats annonçaient leur adhésion à la Cour pénale internationale qui, à La Haye (NL), sera chargée de réprimer les crimes de génocide, de guerre et contre l’humanité, la commission de politique extérieure du National a apprécié favorablement la demande d’adhésion suisse (19 à 2 et une abstention) malgré une opposition de l’UDC sur des points de souveraineté de la justice nationale. La chambre du peuple a ensuite largement validé le texte par 135 voix contre 26: l’UDC s’était à nouveau élevée contre le bien-fondé de la demande d’adhésion, proposant de la soumettre au référendum obligatoire, projet refusé par 131 voix contre 31. Après une adoption unanime du Conseil des Etats,
la Suisse a officiellement transmis sa demande d’adhésion, devenant ainsi le 43e pays à déposer les instruments de ratification, sur un quorum de 60 Etats nécessaires à l’entrée en fonction de la Cour. Celle-ci, qui sera permanente, succédera aux Tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Elle n’interviendra que lorsque les justices nationales ne seront pas en mesure de traiter un dossier
[44].
Joseph Deiss, lors de sa rencontre avec le président du Comité international de la Croix-Rouge, Jakob Kellenberger, a annoncé une
augmentation du soutien de la Confédération à l’institution. Une enveloppe de 100 millions de francs lui sera allouée en 2002, contre 99,6 millions en 2001. Le CICR a de plus inauguré à Versoix (GE) son nouveau centre de formation: le bâtiment d’«Ecogia», restauré à hauteur de 9,6 millions de francs, accueillera les débutants et les délégués plus expérimentés pour mieux les préparer aux nouveaux visages des conflits armés. Des partenariats avec d’autres associations humanitaires sont aussi prévus
[45].
En outre, le Conseil fédéral a présenté un message posant les modalités de sa participation au financement de la
Fondation du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Entre 1997 et 2000, le Musée genevois – qui attire plus de 60 000 visiteurs chaque année – a bénéficié d’une subvention fédérale annuelle de 840 000 francs, auxquels s’ajoutent les 430 000 francs du canton de Genève et les 200 000 francs du CICR. Pour la période 2002-2005, l’arrêté propose une augmentation de l’aide gouvernementale, pour un chiffre de 964 000 francs annuels. Le message du Conseil fédéral a suscité l’adhésion unanime du parlement
[46].
Dans son rapport désormais annuel sur les activités des organisations internationales en Suisse, le Conseil fédéral a mis en perspective les avantages économiques pour Genève: 2,8 milliards de francs annuels seraient échangés dans le canton grâce à la présence des OI sur son sol. Mais il a aussi relevé que la Cité de Calvin allait atteindre certaines limites au niveau de ses infrastructures. De plus, la concurrence d’autres villes de renom – Montréal, Stockholm, Bonn et Vienne dans le cas de la future Agence mondiale anti-dopage – rendent la course aux OI plus compliquée. De ce point de vue, le texte recommande à Genève d’adapter ses conditions d’accueil et de cibler ses choix dans les candidatures. La Confédération aimerait à terme que le rayonnement international de Genève profite à l’ensemble de la Suisse, tant pour l’accueil de conférences que pour l’installation d’OI. Dans un premier temps, la coopération avec Vaud apparaît essentielle: sur les 40 000 employés d’organisations internationales et leur famille installés sur les bords du Léman, 10% habitent dans le canton de Vaud. Au vu de ces chiffres,
les autorités vaudoises ont annoncé l’octroi d’une
subvention d’un million de francs –200 000 francs annuels –
au centre d’accueil Genève internationale, afin d’aider à l’encadrement des fonctionnaires internationaux qui arrivent en Suisse
[47].
Entre temps,
Genève a décroché l’organisation de la première phase de la conférence sur la société de l’information, prévue en 2003. Après une année de réflexion, l’Union internationale des télécommunications (UIT) a préféré Genève à sa rivale Tunis, qui abritera la suite de la Conférence deux ans plus tard. La conférence genevoise se proposera de mettre internet au service de tous, de garantir la diversité culturelle et de donner un visage humain et social aux nouvelles technologies. En abritant déjà l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’OMS, l’OIT, le Haut-commissariat aux droits de l’homme, l’OMC, la Cité de Calvin réunissait plusieurs atouts pour accueillir une telle conférence
[48]. Dans son élan, Genève s’est porté candidat pour abriter le siège de la nouvelle organisation qui va naître de la fusion des deux plus grandes associations mondiales des villes, la Fédération mondiale des cités urbaines (FMCU) et l’International union of local authorities (IULA), englobant près de 90% des villes du globe. Barcelone, la Haye, Lille et Varsovie ont aussi annoncé leurs candidatures
[49].
En revanche, Genève n’a pas été choisie pour héberger
la réunion interafghane sous l’égide des Nations Unies. Celles-ci ont jeté leur dévolue sur Berlin pour y organiser le sommet où le futur politique de l’Afghanistan a été discuté
[50].
Après une année de fonctionnement, le
Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) a dressé un premier bilan positif de ses services. Trente pays ont rejoints son Conseil de fondation, dont la Russie, les Etats-Unis et presque tous les pays européens. La Confédération a décidé de porter sa contribution de 5 à 7 millions de francs pas an – contre 0,5 million de la part des autres Etats membres. Surtout, le DCAF a reçu un important mandat du gouvernement yougoslave, portant sur six domaines: bases pour une nouvelle politique de sécurité, réforme des secteurs de la sécurité, adaptation des bases légales, réforme de l’armée, réforme de la police et contrôle des services de renseignements. Ce projet mobilise une centaine d’experts de 25 pays. Depuis octobre 2000, le centre a en outre réuni un millier d’experts au cours d’une vingtaine de conférences internationales
[51].
[34]
BO CE, 2001, p. 442 et 677 s. Voir
APS 2000, p. 70.34
[36]
BO CN, 2001, p. 991 ss. et 1454.36
[37]
FF, 2001, p. 5473 s. et 5733 ss.37
[39] Presse du 26.11.01.39
[41]
LT, 23.3 et 6.12.01.41
[42]
FF, 2001, p. 2789 s.;
BO CN, 2001, p. 952 ss.;
BO CE, 2001, p. 247 s. et 472.42
[43] Presse du 10 au 13.11.01.43
[44]
FF, 2001, p. 359 ss. et 2801 s.;
BO CN, 2001, p. 156 ss.;
BO CE, 2001, p. 465 ss.;
Lib, 2.2.01 (commission);
LT, 13.10.01 (dépôt de l’adhésion). Voir aussi
APS 2000, p. 21 s. et 72.44
[45]
LT, 3.11.01 (Confédération);
LT, 9.5.01 (Ecogia).45
[46]
FF, 2001, p. 1467 ss.;
BO CN, 2001, p. 989 ss. et 1455;
BO CE, 2001, p. 186 s. et 711.46
[47]
LT, 9.3 et 28.3.01.47
[50] Presse du 21.11.01.50
[51]
24h, 16.10.01. Voir aussi
APS
2000, p. 72.51
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