Année politique Suisse 2001 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung / Défense nationale et société
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Réduction ou suppression de l’armée
Transmise aux Chambres par le Conseil fédéral sur un avis défavorable, l’initiative du GSsA «Pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée», déposée en 1999 [1], a été discutée par le Conseil des Etats au début de l’année sous revue [2]. Ce projet, à l’instar de l’initiative refusée par le peuple en 1989, avait pour objet d’abolir l’institution militaire en Suisse et de la remplacer par un effort accru en matière de politique de prévention des conflits. Une perspective qui n’a pas convaincu les parlementaires du Conseil des Etats, qui ont fait front commun contre le projet et l’ont refusé par 38 voix unanimes [3]. Principal reproche développé par la Chambre haute: un excès de naïveté et d’utopie dans le texte des initiants, critiques reprises quelques mois plus tard au Conseil national par l’ensemble des partis de droite et une minorité de socialistes. Après avoir été repoussée par la commission de la politique de sécurité du National (18 voix contre 2), l’initiative a été ensuite rejetée par 108 voix contre 33 (socialistes et verts) [4]. Le GSsA a néanmoins décidé de maintenir son texte et de le soumettre en votation populaire à la fin de l’année sous revue [5], espérant ainsi consolider son demi-succès de 1989 via l’initiative «Pour une Suisse sans armée et pour une politique globale de paix» [6].
La campagne du GSsA a coïncidé avec l’onde de choc des attentats contre les Twin Towers de New York. Dans le flottement médiatique de cette période, le groupe a toutefois essayé de mettre en lumière le caractère obsolète des menaces militaires traditionnelles que, selon lui, «Armée XXI» prend en seule ligne de mire [7]. Tiraillés entre leurs velléités pacifistes et leur position gouvernementale, les dirigeants du PS ont préféré, à une courte majorité, ne pas donner de consigne de vote sur le premier objet de l’initiative, alors que les second point, «La solidarité crée la sécurité, pour un service civil volontaire pour la paix (SCP)», était favorablement plébiscité. Dans le camp des autres partis gouvernementaux, la fronde a été unanime contre le projet du GSsA. Si ces premiers n’ont jamais vraiment craint une acceptation de l’initiative par le peuple, ils ont surtout tenté de contenir un trop fort succès d’estime, comme cela avait été le cas en 1989. Au parlement, 160 élus pdc, radicaux et udc se sont constitués en comité contre l’initiative, mettant en exergue le rôle important de l’armée d’un point de vue évidemment militaire, mais aussi social et économique [8]. Sur ce dernier point, le DDPS a annoncé entre 10 000 et 12 000 emplois supprimés au cas où le texte du GSsA serait accepté, chiffre que ce dernier a réfuté en avançant au contraire les 9 milliards du coût annuel total de l’armée [9].
«Initiative pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée»
Votation du 2 décembre 2001

Participation: 37,9%
Oui: 384 905 (21,9%) / 0 cantons
Non: 1 372 420 (78,1%) / 26 cantons

Mots d'ordre:
Oui: PES (1*), PdT
Non: PDC, UDC, PCS, PL, PdL, PEP, DS, UDF, PRD, Lega; Economiesuisse, USAM
Liberté de vote: PS (8*); USS

*Recommandations différentes des partis cantonaux
Le 2 décembre, les votants ont très massivement refusé les deux objets de l’initiative: avec 78,1% d’entre eux contre la suppression de l’armée et 76,8% contre la réforme du service civil, le résultat des votations fut un camouflet contre les projets pacifistes. Motif évidemment mis en avant par les analystes: la situation internationale – les bombardements américains en Afghanistan au nom de la «lutte antiterroriste» suite aux attentats à New York en deux mois plus tôt – n’a pas aidé à envisager une Suisse sans armée. L’initiative n’a trouvé grâce auprès d’aucun canton, avec un record de non pour Appenzell Rhodes-Intérieures (88,5% de non). Même le Jura, de tradition pacifiste, a refusé le texte: avec 59,9% de non, il demeure toutefois le canton auprès duquel l’initiative a eu le plus d’écho. «Déçus mais peu surpris» au lendemain des votations, les responsables du GSsA ont annoncé penser à de nouveaux moyens d’action, notamment par de nouvelles logiques de mobilisation. Pour Samuel Schmid, dans cette votation, «le peuple a témoigné de sa confiance dans l’armée». Autant que le score très tranché, le niveau de participation très moyen (37%) a démontré le faible enjeu ressenti par les citoyens vis-à-vis de l’initiative. L’analyse VOX démontre quant à elle que les électeurs n’ont pas ressenti de la même façon qu’en 1989 le projet du GssA. Ainsi, les personnes en âge d’effectuer leur service militaire ont cette fois massivement opté pour le non : de 60% favorables au texte du GSsA en 1989, ils ne sont plus que 37% en 2001. Pareillement, les votants de formation universitaire rejettent le texte à 62%, contre 42% douze ans plus tôt. Le front du refus a été net et constant, même si les oui ont été un peu plus présents en Suisse romande qu’en Suisse alémanique [10].
 
[1] Voir APS 1999, p. 114 et 2000, p. 84.1
[2] Concernant le second objet de l’initiative, «La solidarité crée la sécurité, pour un service civil volontaire pour la paix (SCP)», se référer ci-dessous à la partie «Service civil – objection de conscience».2
[3] BO CE, 2001, p. 169 ss. et 473.3
[4] BO CN, 2001, p. 617 ss. et 953.4
[5] FF, 2001, p. 2731 ss.5
[6] Cette initiative avait alors créé la surprise en n’étant refusée «que» par 64,4% des électeurs. Voir APS 1989, p. 82 ss.6
[7] TG, 14.9.01.7
[8] Lib., 19.10.01.8
[9] Lib., 19.11.019
[10] FF, 2002, p. 1156 ss.; presse du 3.12.01. L. Zürcher / F. Mahnig / T. Milic, Analyses des votations fédérales du 2 décembre 2001, Analyse VOX 75, Zurich 2002.10