Année politique Suisse 2003 : Grundlagen der Staatsordnung / Wahlen / Elections fédérales
print
La campagne électorale
L’Institut de sondage GfS a mené une série de six sondages consacrés aux préoccupations des électeurs. Ces derniers ont principalement mentionné cinq thèmes : les retraites (allant de la santé financière au taux de rendement des avoirs du deuxième pilier), la situation économique (chômage et perspectives conjoncturelles), la santé publique (comprenant également la problématique des primes obligatoires, en constante augmentation), l’asile et les finances publiques (fiscalité et comptes publiques). En janvier, la première préoccupation était la question de l’asile. L’actualité de la fin de l’année 2002, avec le rejet de justesse de l’initiative de l’UDC demandant un durcissement en la matière, pouvait expliquer ce choix. En deuxième position, on trouvait la situation économique, suivie de la santé publique, des retraites, de l’Europe puis des finances. Le thème de l’intégration européenne a ensuite perdu en importance, n’entrant plus dans les cinq principales préoccupations des citoyens durant le reste de la campagne. L’économie a toujours occupé la première ou la seconde place durant l’année, terminant en deuxième position. La thématique de l’asile, en disparaissant de l’agenda politique, a suscité un intérêt décroissant durant l’année. Elle ne s’est retrouvée qu’au quatrième rang des préoccupations lors du sondage de septembre. L’importance de l’actualité immédiate a été confirmée par la question de l’âge de la retraite. Alors qu’elle n’était qu’en quatrième position jusqu’à l’été, le débat lancé par Pascal Couchepin en a fait un thème central de la fin de campagne. Un phénomène conjoncturel important a été l’apparition du thème de l’environnement à la fin de l’été, principalement en raison de la canicule ayant frappé toute l’Europe. Concernant la force des partis, l’ordre voyant l’UDC devant le PS, suivi du PRD et du PDC devait être confirmé selon le dernier sondage réalisé par ce même institut. Depuis août 2001, aucun parti gouvernemental n’était parvenu à en dépasser un autre. Quant à la polarisation, elle semblait devoir se poursuivre sous l’effet de deux tendances : d’une part, la progression de la droite et le transfert de nombreuses voix du PRD et du PDC vers l’UDC ; d’autre part, le renforcement des principales forces du camp rose/vert (PS et PES) [12].
A la fin de l’été, le thème des assurances sociales s’est définitivement imposé. Le Conseiller fédéral Couchepin avait ouvert le débat au printemps en évoquant l’augmentation de l’âge de la retraite, dans un horizon de 10 à 20 ans, comme une des solutions pour faire face à la baisse de la proportion entre personnes actives et rentiers. Certains commentateurs ont estimé que cette situation avait facilité la campagne de la gauche et affaibli les radicaux [13].
De nombreux observateurs ont relevé le manque de contenu de la campagne et déploré que des questions fondamentales comme l’état des finances publiques, le système de la santé ou encore l’avenir des retraites n’occupent que des places secondaires dans les débats. Il a notamment été reproché aux partis de céder à la tentation de la provocation et de la surenchère médiatique. En misant principalement sur des affiches et des slogans hostiles à leurs adversaires politiques, ils auraient négligé de traiter des thèmes importants pour l’avenir du pays. La section saint-galloise de l’UDC est ainsi parvenue à faire la une des quotidiens en évoquant le projet d’une affiche, à connotation xénophobe, sans toutefois l’avoir encore diffusée. Une affiche nationale des démocrates du centre, représentant un poulet plumé par la politique des autres partis, a également suscité de nombreuses réactions. Les socialistes y ont répondu en proposant, sur leur site Internet, de plumer à leur tour l’UDC. Les attaques directes contre les conseillers fédéraux des autres formations politiques ont également été nombreuses. Le PS a mené deux campagnes d’affiches contre des membres bourgeois du gouvernement (Couchepin et Deiss). Le PDC, voulant réagir aux attaques, a adressé des critiques directes, par l’entremise d’une lettre ouverte, au ministre socialiste des transports, Moritz Leuenberger, en remettant en cause sa gestion de l’Office fédéral de l’aviation civile. Selon les observateurs, le seul parti gouvernemental à n’avoir pas cherché à mener une campagne spectaculaire a été le PRD. C’est principalement à l’importance croissante des médias dans la campagne qu’a été attribuée cette volonté de frapper les esprits [14]. Le thème des tensions entre les partis est également abordé dans le chapitre qui leur est consacré (partie IIIa, Parteien).
Une présence croissante des conseillers fédéraux, active ou passive, dans la campagne électorale a caractérisé ce scrutin. Outre les attaques directes contre les ministres d’autres partis, c’est l’engagement partisan qui semblait avoir pris de l’importance. Ainsi, si les membres du gouvernement figuraient déjà sur des affiches dans les années 1970, la dimension partisane de cette participation a été perçue comme plus accentuée en 2003. Les membres du PRD et de l’UDC se sont engagés de manière classique en participant à des manifestations de leurs formations. Le PS a utilisé l’image de sa ministre des affaires étrangères. Le PDC a le plus eu recours aux services de ses ministres. Ainsi Ruth Metzler et Joseph Deiss ont très activement participé à la campagne itinérante menée à travers tout le pays. A chaque escale, au moins un des deux ministres devait être présent afin de prendre contact avec la population et participer à la présentation des candidats locaux. Le fait que les thèmes de la campagne électorale soient proches des dossiers traités dans leurs départements respectifs a encore accentué cette impression de fusion entre les ministres et leur parti. Cet engagement partisan a atteint des dimensions qui n’ont pas manqué de faire réagir certains anciens ministres qui, sans condamner catégoriquement tout engagement, ont souligné qu’une politisation excessive du collège gouvernemental pourrait poser quelques problèmes. D’une part, en s’affichant comme représentants exclusifs de leurs partis, les ministres risquaient d’y être étroitement associés par les citoyens et ainsi de perdre une part de leur légitimité de représentant de tous les Suisses. D’autres part, une trop grande implication partisane pourrait nuire à la collaboration avec les autres membres du collège, une fois les élections passées [15].
Estimant que le thème de l’Europe était absent de la campagne, le Nouveau mouvement européen suisse (NOMES) a élaboré un « label Europe » permettant d’identifier les candidats aux Chambres fédérales favorables à l’ouverture de négociations d’adhésion durant la prochaine législature. Lancé à la fin du mois d’août, les candidats ont signé une plate-forme comprenant sept points dont le principal était l’exigence d’ouverture de négociations d’adhésion au cours de la prochaine législature. A quelques jours des élections, 291 candidats, dont 69 sortants, avaient accepté de la signer. Le PS était la formation qui comptait le plus grand nombre de signataires. Malgré ces efforts, cette thématique n’était même pas présente en Suisse romande, région habituellement plus prompte à ouvrir une discussion sur ce sujet [16].
 
[12] La série de sondage était disponible sur la site internet de l’institut GfS; LT, 9.10.03 (concernant le dernier sondage).
[13] NZZ am Sonntag, 17.8.03; NF, 26.8.03; Lib., 27.8.03; Exp., 19.9.03.
[14] BaZ, 12.7.03; NZZ des 31.8 et 9.9.03; presse des 28.7 et 22.8.03; AZ, 10.9.03; SoZ, 21.9.03.
[15] TA, 28.1.03; LT, 27.8.03; Bund. 22.9.03.
[16] Exp., 22.8.03; Lib., 10.10.03; NZZ, 10.10.03.