Année politique Suisse 2003 : Grundlagen der Staatsordnung / Wahlen / Elections fédérales
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Elections au Conseil national : évolution du paysage politique
Pour les résultats détaillés voir aussi les tableaux (anhang_2003.pdf)
Les élections à la chambre basse ont été marquées par une nouvelle progression de l’UDC, ainsi que d’un renforcement du camp rose-vert. Encore à égalité avec les socialistes en 1999 avec 22,5% des suffrages, l’UDC a nettement pris le dessus en obtenant la confiance de 26,7% (+4,2) des électeurs, contre 23,3% aux socialistes (+0,8). Les démocrates du centre ont plus que doublé leur force au cours de ces douze dernières années. Les deux autres composantes de la droite bourgeoise gouvernementale ont subi de nouvelles pertes, respectivement 2,6 points pour le PRD et 1,5 point pour le PDC, par rapport aux dernières élections. En perdant pour la sixième fois consécutive, ces deux partis ont réalisé leur plus mauvais résultat depuis l’introduction des élections à la proportionnelle en 1919. Le bloc bourgeois au gouvernement n’a cependant pas perdu de force (2003 : 58,4%, 1999 : 58,3%), l’UDC compensant les pertes de ses partenaires. Les partis gouvernementaux ont progressé et représentent désormais 81,7% des voix, contre 80,8% en 1999 et 73,7% en 1995.
Le camp de la gauche non-gouvernementale a principalement été renforcé par la forte progression des verts, comprenant le PES (Parti écologique suisse) et les AVF (Alternative socialiste verte et groupements féministes). En atteignant 8% (+2,7), ils se sont rapprochés de leur score historique de 1987 (8,5%, avec les Organisations progressistes suisses, POCH). L’extrême-gauche a obtenu 1,2% des voix. Elle se compose du Parti suisse du travail (comprenant sa section vaudoise du Parti ouvrier populaire), du groupement vaudois « Gauche en mouvement » ainsi que de la formation « SolidaritéS ». Le PST, principalement présent en Suisse romande (Vaud, Genève et Neuchâtel), a perdu 0,3 point et obtenu 0,7% des voix. Quant au mouvement politique « SolidaritéS », présent dans ces mêmes cantons, il s’est maintenu à 0,5% au niveau suisse.
L’érosion des deux principaux partis non-gouvernementaux de droite, le PSL et les DS, s’est poursuivie. De 5% en 1991, le premier n’a atteint que 0,2 % et était présent dans les cantons de Berne, Argovie, Zurich, Thurgovie et Bâle-Campagne. Quant aux DS, ils ont obtenu leur plus mauvais résultat depuis 1971 avec 1% des voix malgré leur présence dans les mêmes cantons que le PSL, ainsi qu’à Saint-Gall, Nidwald, Bâle-Ville, Vaud et Lucerne. Ils sont toutefois parvenus à garder leur siège bernois. La très conservatrice Union démocratique fédérale (UDF), présente dans neufs cantons, s’est maintenue à 1,3% sur le plan national. Elle a conservé son siège bernois, avec 4,1% des voix, et conquis un siège à Zurich, avec 2,1% des voix. En 1999, l’ensemble de ce bloc d’extrême-droite avait subi de fortes pertes au profit de l’UDC et était passé de 9,3% en 1995 à 4,8%. Ce déclin s’est poursuivi en 2003 avec une nouvelle perte de deux points et un résultat final de 2,8% des voix. C’est principalement en Suisse alémanique, où ils ont représenté jusqu’à 12% de l’électorat en 1991, que ces partis recrutent leur électorat (3,1% des voix contre 0,8% en Suisse romande). Phénomène typiquement tessinois, la Lega dei Ticinesi a chuté de plus de 10 points et a obtenu le plus mauvais résultat de son histoire. Elle est passée de 18,5 à 8%, soit de 0,9 à 0,4% sur le plan national.
Les autres partis non gouvernementaux, qui représentaient encore plus de 9% des électeurs dans les années 1980, n’ont mobilisé qu’environ 5% des citoyens. Le Parti évangélique populaire (PEV) s’est présenté dans onze cantons et a progressé de 0,4 point pour totaliser 2,9 % des voix. Il a obtenu ses meilleurs résultats à Zurich (4,1%), Berne (5,1%) et en Argovie (5,2%). Ce meilleur résultat depuis 1919 (2,3%) lui a permis, pour la première fois, de dépasser le Parti libéral Suisse (PLS) en nombre de voix (2,2%). Présent dans les cantons de Vaud, Genève, Neuchâtel et Bâle-Ville, le PLS est passé de 2,3% à 2,2%. La perte de deux sièges ne lui permettra plus de former un groupe parlementaire (de six à quatre représentants). C’est à Neuchâtel qu’il a subi son plus important revers en passant de 24% à 14,4%. Le Parti chrétien social, uniquement présent dans le canton de Fribourg, où son unique élu a été reconduit, s’est maintenu à 0,4%.
Si l’on observe l’évolution des rapports de force entre les blocs politiques, on constate que les partis gouvernementaux bourgeois (UDC, PRD, PDC) et les petits partis de droite (PLS, DS, UDF, PSL, Lega) ont subi une légère baisse (de 65,4% en 1999 à 63,3% en 2003) alors que le camp rose/vert (PSS, PES, PST/POP, Sol., AVF,) s’est notablement renforcé (de 29,2% en 1999 à 32,5% en 2003). Les radicaux et les démocrates-chrétiens, qui représentaient encore 45,3% de l’électorat en 1979, n’ont convaincu que 31,7% des électeurs en 2003, soit une chute de 13,6 points. Ces électeurs ne semblent toutefois pas être passés dans l’autre camp, mais plutôt s’être tournés vers des formations plus profilées de la droite. De 1979 à 1991, ce sont principalement les petits partis de droite (DS, PSL, Lega, UDF) qui ont récupéré cet électorat en passant de 2,2% en 1979 à 10,8% en 1991. Dès 1995, l’UDC a non seulement pris des électeurs aux petits partis de droite (DS, PSL, Lega), mais également aux deux autres formations de droite gouvernementale. Quant au camp rose-vert (PSS, PES, PdT/POP, Sol.) il a atteint, avec 32,5%, son meilleur résultat depuis 1971. Malgré une légère augmentation de l’électorat socialiste (progression de 0,8 points à 23,3), ce sont principalement les verts qui ont contribué à cette amélioration (+ 2,7 points à 8%).
Concernant la force des blocs politiques dans les différentes régions linguistiques, un certain nombre de constats s’imposent. D’une part, les partis bourgeois et de droite ont réalisé leur plus mauvais résultat en Suisse romande et au Tessin depuis 1971. C’est l’inverse en Suisse alémanique où l’obtention de 63,8% des suffrages constitue, à l’exception de 1999, le meilleur score pour cette même période. D’autre part, la gauche rose-verte a atteint son meilleur niveau depuis 1971, et cela indépendamment de la région linguistique.
Le déclin des radicaux et des démocrates-chrétiens en Suisse alémanique a débuté dans les années 1970. Le PRD est passé de 23,5% en 1979 à 17,4% en 2003. Le PDC a entamé son déclin quatre ans auparavant (19,5% en 1975) pour arriver à 12,4% en 2003. Un recul d’une ampleur comparable a été constaté en Suisse romande dès le milieu des années 1990. Ces deux formations ont perdu 6 points depuis 1995 et ont convaincu 14,7% de l’électorat pour les radicaux et 18,5% pour les démocrates-chrétiens en 2003. L’apparition de la Lega dei Ticinesi aux élections fédérales de 1991 a profondément affecté la politique tessinoise. Les radicaux ont, dès cet instant, subi de grosses pertes. Ils se sont ensuite ressaisi pour se stabiliser autour de 30% (30,5% en 1995, 27,7% en 1999 et 29,8% en 2003). Les démocrates-chrétiens tessinois ont enregistré leur principale baisse en 1991 en perdant 11,3 point en une législature (à 26,9%). Ils ont ensuite à nouveau progressé (28,4% en 1995) puis subi deux légères baisses (25,9% en 1999 et 24,6% en 2003). Les électeurs romands se sont progressivement éloignés du PLS, qui est passé de 12,7% en 1991 à 8,3% en 2003.
La structure d’implantation cantonale de l’UDC a continué de se modifier en 2003. Les fiefs traditionnels que sont Zurich, Berne et l’Argovie apportaient 73,6% de ses voix à l’UDC en 1991 et 53,9% en 1999. Cette part est tombée à 45,6% en 2003 grâce à la progression du parti, notamment dans des bastions démocrates chrétiens et en Suisse romande. Ainsi, Lucerne et Saint-Gall, où l’UDC n’avait pas déposé de listes en 1991, représentent désormais 12% de son poids au niveau suisse. Si la contribution de la Suisse romande n’était que de 6,8% en 1991 et de 7,8% en 1999, elle est maintenant de 16,4%. Le parti est donc implanté dans toute la Suisse romande, sa force variant de 8,3% des voix dans le Jura à 22,5% dans le canton de Neuchâtel pour une force moyenne en Romandie de 18,4%. L’UDC est le parti le plus fort dans neuf cantons : Zurich, Berne, Schwyz, Zoug, Bâle-Campagne, Saint-Gall, Grisons, Argovie et Thurgovie. A Bâle-Ville, Genève, Vaud et Neuchâtel, il est devenu le plus fort des partis bourgeois.
Les verts (PES et AVF) ont progressé dans tous les cantons où ils ont présenté une liste, à l’exception de Neuchâtel. Cette progression générale leur a permis d’améliorer leur résultat de 2,7 points pour atteindre 8% des voix, ce qui constitue, à l’exception de 1987 avec 8,5%, leur meilleur résultat depuis 1971. Si leurs bastions sont restés les mêmes (Zurich, Berne et Vaud), ils ont, pour la première fois, obtenu de meilleurs résultats en Suisse romande qu’en Suisse alémanique [18].
 
[18] Lit. Seitz. Voir également APS 1999, p. 57; Seitz, Werner, Les élections au Conseil national de 1999, Neuchâtel (OFS) 1999.