Année politique Suisse 2003 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Relations bilatérales
A la fin du mois de septembre, le
Grand Conseil vaudois a accepté un postulat reconnaissant le génocide des Arméniens. Il a ainsi emboîté le pas à de nombreux pays, ainsi qu’au canton de Genève. Ce dernier l’avait déjà fait en 1998 avec la signature, par son gouvernement, d’une déclaration allant dans ce sens. La conseillère fédérale en charge du DFAE, la socialiste genevoise Micheline Calmy-Rey, était membre de cet exécutif au moment de cette signature. Suite à la décision du parlement vaudois, le gouvernement turc a annoncé à l’ambassadeur suisse à Ankara
l’annulation de la visite en Turquie de la ministre suisse des affaires étrangères. Alors que l’ambassadeur suisse sur place a parlé d’un affront fait à la Suisse et à sa conseillère fédérale, cette dernière a estimé que la réaction turque était excessive. Afin de calmer les esprits, les autorités turques ont, quelques jours après leur décision, parlé de report pour des « raisons techniques » et plus d’annulation. Le voyage d’une délégation de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats a été annulé dans le sillage des événements de début octobre. Une majorité de la commission a estimé que l’atmosphère politique du moment n’était pas propice à cette visite. Son président a précisé qu’il ne s’agissait pas de mesures de rétorsion contre Ankara et que les contacts avec les parlementaires turques étaient maintenus. Les médias ont, à la fin du mois d’octobre, émis une nouvelle hypothèse concernant les motifs de l’annulation du voyage de Micheline Calmy-Rey. Ils ont fait état d’une note des services secrets turcs mettant en cause la ministre des affaires étrangères en lui attribuant des contacts avec des représentants de la minorité kurde en Suisse. Ce qui pouvait apparaître, dans un premier temps, comme une affaire d’espionnage au plus haut niveau, s’est révélé être une erreur d’appréciation des services de renseignement turcs
[38].
Le
postulat du démocrate-chrétien genevois Vaudroz, soutenu par 114 conseillers nationaux et demandant la reconnaissance du génocide des Arméniens de 1925, a été traité par le Conseil national lors de la session d’hiver. Le Conseil fédéral était opposé à ce postulat. Le député genevois n’ayant pas été réélu en octobre de l’année sous revue, le Fribourgeois Dominique de Buman (pdc) l’avait repris à son compte. Il a été
accepté par 107 voix (dont 51 ps, 18 pdc, 15 pe, 8 prd et 7 udc) contre 67 (41 udc, 26 prd). Outre la reconnaissance de ces événements par le Conseil national, le texte demande au Conseil fédéral de prendre acte de cette reconnaissance et de transmettre la position de la chambre basse par les voies diplomatiques usuelles. Le radical bernois Johann Niklaus Schneider-Amman, par ailleurs président de l’association de l’industrie suisse des machines (SWISSMEM), a vainement combattu le postulat. Il a notamment rappelé que la Turquie était un Etat ami, qu’il n’incombait pas à des pays tiers de se mêler de ses affaires internes et qu’elle était un important partenaire commercial. Le démocrate du centre Ulrich Schlüer (ZH) a, au nom de son groupe, recommandé le rejet du projet. Il a condamné une morale sélective qui condamnerait certains massacres et en oublierait d’autres. De nombreux parlementaires se sont toutefois exprimés en faveur de ce texte. La reconnaissance d’une réalité historique, la nécessité d’émettre un signe de justice envers les victimes et leurs descendants, ou encore le souci d’éviter d’autres crimes de ce genre ont été invoqués lors du débat parlementaire. Le Conseil national est devenu le quatorzième parlement national européen à avoir voté cette reconnaissance
[39]. Le gouvernement turc a réagi le jour même de la décision du Conseil national. Il a qualifié d’inacceptable l’utilisation du terme de génocide pour ces événements et prédit des conséquences pour les relations bilatérales. Il n’a jamais été question de rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Le gouvernement turc a toutefois annulé un rencontre devant permettre à des diplomates de fixer une nouvelle date pour le voyage de Micheline Calmy-Rey en Turquie
[40].
[38] Presse des 24.9, 1-3, 6, 27, 28, 30.10 et 1.11.03;
TA, 4.10 et 11.11.03;
SoZ, 5.10.03.
[39]
BO
CN, 2003, p. 2015 ss.; presse des 17 et 18.12.03. Voir également
APS 2002, p. 71 s.
[40] Presse des 17 et 18.12.03.
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