Année politique Suisse 2003 : Wirtschaft / Landwirtschaft / Politique des revenus
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Revenu paysan
Selon la Station fédérale de recherches en économie et technologie agricoles de Tänikon (FAT), les revenus agricoles de 2002 ont été inférieurs à ceux des trois années précédentes. Cette analyse se basait sur les données de 2379 exploitations agricoles qui ont tenue une comptabilité uniformisée pour les périodes analysées. La pondération des résultats individuels a permis de représenter la situation économique de 90% de la surface et de la production. Ces exploitations de référence employaient 1,3 unité de main d’œuvre familiale et 0,4 salarié sur une moyenne de 19 hectares. Le revenu annuel du travail par unité de main d’œuvre familiale, comparable aux salaires non agricoles, s’élevait à 30 262 francs en 2002, contre 33 835 francs en moyenne entre 1999 et 2001 (- 11%). Les régions de montagne (-16%) ont été nettement plus affectées que celles de plaine (-7%). Concernant le revenu agricole par exploitation, il s’est élevé à 51 500 francs pour l’année sous revue, contre 56 966 francs en moyenne pour les années 1999 à 2001. Cette diminution d’environ 10% était moins forte dans les exploitations de plaine (-6%), que dans celles de collines (-11%) et celles de montagne (-14%) [13].
L’OFAG a publié le « Rapport agricole 2003 » en fin d’année. Si, en 2002, le revenu du secteur a été inférieur de 1% à la moyenne des trois années précédentes, il a progressé de 4,7% par rapport à 2001. Pour l’année 2003, la baisse du prix du lait de 4 centimes par kilogramme, ainsi que la sécheresse, devraient toutefois affecter négativement les résultats de la branche. Une baisse de revenu d’environ 13% était ainsi attendue. La différence entre le revenu sectoriel et celui des exploitations de référence, calculée par le FAT (voir supra), s’explique notamment par la réduction des valeurs d’inventaire pour le bétail bovin. Ce document annuel a tenu à relativiser l’affirmation selon laquelle les coûts ne cesseraient d’augmenter dans l’agriculture. Mettant en rapport la croissance des exploitations et les variations des charges (frais de bâtiments, frais généraux d’exploitation, service des intérêts, frais salariaux…), l’analyse a permis de constater que l’évolution des coûts n’était pas le facteur décisif de la stagnation des revenus. Concernant la pertinence des indicateurs en matière de revenus, l’OFAG a estimé que le revenu du travail par unité de main-d’œuvre familiale n’était pas assez significatif pour une analyse réaliste de la situation économique de l’agriculture. Allant de 5000 francs, dans les exploitations du quartile inférieur, à 68 000 francs, dans celles du quartile supérieur, une analyse plus fine s’imposait. De grands écarts, de 48 000 à 110 000 francs, ont également été constatés pour les revenus totaux des familles (revenus agricoles et accessoires). La part du revenu accessoire non agricole (artisanal, de service…) représentait 26% du revenu moyen d’une famille paysanne. Les auteurs du rapport ont dès lors estimé que la décision d’une famille de poursuivre son activité agricole dépendait avant tout du revenu total qu’elle peut réaliser, 5000 francs étant naturellement insuffisants. Ils ont par ailleurs rappelé que la situation allait devenir critique pour les exploitations consommant leur capital durant une période prolongée, ce qui était le cas pour environ un tiers des exploitations de référence pour la période 2000/2002. Sur mandat de l’OFAG, l’EPFZ a mis sur pied un indicateur permettant de constater que les écarts de performance entre les exploitations s’expliquaient principalement par les différences concernant la charge de travail par rapport au chiffre d’affaire. La gestion de la charge de travail est ainsi apparue comme centrale pour améliorer les résultats des exploitations. L’abandon de l’activité agricole n’étant pas forcément nécessaire, une première solution proposée était la croissance des exploitations permettant de mieux mettre à profit la ressource « travail ». Une baisse de cette charge de travail, afin de dégager du temps libre en vue d’une activité complémentaire, était également envisagée. Au niveau de l’évolution structurelle du secteur, l’abandon d’exploitations a été moins important entre 2000 et 2002 (-3116 unités, 2,2% par an) qu’entre 1990 et 2000 (-22 278 unités, 2,7% par an). Suite à l’acceptation d’un postulat du parlementaire André Bugnon (udc, VD) lors de la session d’automne 2002, le Conseil fédéral avait chargé l’OFAG de rédiger un rapport sur la pénibilité du travail et les conséquences sociales de la nouvelle politique agricole. Les conclusions ont été présentées de manière détaillée dans ce Rapport agricole 2003. Si le temps de travail annuel des indépendants occupés à plein temps dans l’agriculture ou la sylviculture est supérieur à celui des indépendants des autres secteurs, il a cependant diminué ces dernières années. De même dans les exploitations de références, malgré leur croissance, la charge de travail par unité de main d’oeuvre a baissé de 1990 à 2001. Quant au travail physique pénible, il a nettement reculé. Le document conclut que, d’une part, les agriculteurs n’ont pas plus de travail en raison de la réforme agricole, et que d’autre part, leur état de santé général s’est plutôt amélioré dans l’ensemble [14].
L’Union suisse des paysans (USP) a réagi à ce rapport en saluant la manière nuancée et instructive de présenter la situation de la branche. Elle a rappelé la nécessité d’analyser de manière approfondie les causes de l’érosion des revenus, estimant qu’elles ne pouvaient pas être uniquement expliquées par des contraintes climatiques. L’organisation paysanne n’a pas partagé les conclusions selon lesquelles il existerait un important potentiel d’amélioration des résultats agricoles, au niveau de la productivité du travail notamment. Acceptant le constat, elle a toutefois rappelé qu’une telle évolution est liée à la réalisation d’importants investissements, difficilement réalisables par de nombreuses exploitations. Elle a également contesté le prétendu potentiel d’économies au niveau de la productivité du travail, spécialement dans la production laitière. Cette dernière branche étant particulièrement touchée par des restructurations et ses problèmes de rentabilité ne lui permettait pas d’investir [15].
 
[13] Communiqué de presse de la Station fédérale de recherches en économie et technologie agricoles de Tänikon du 9.9.2003.
[14] Office fédéral de l’agriculture, Rapport agricole 2003, Berne 2003; communiqué de presse de l’OFAG du 17.11.03 et presse du 18.11.03. Postulat Bugnon: BO CN 2002, p. 1691.
[15] Communiqué de presse de l’USP du 17.11.2003 (réaction de l’USP). Voir aussi le texte Entre multifonctionnalité et globalisation - Rapport de situation 2003, publié par l’USP; presse du 8.1.04.