Année politique Suisse 2003 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation
Trafic aérien
La série noire d’accidents graves qu’a connu l’aviation civile suisse à l’étranger (Halifax-CAN en 1998 et Überlingen-D en 2002) et en Suisse (Nassenwil-ZH en 2000 et Basserdorf-ZH en 2001) a soulevé de nombreuses questions relatives à sa sécurité et à l’organisation de sa surveillance par l’Etat. C’est ce qui a amené le DETEC en 2002 à confier au laboratoire néerlandais NLR le mandat d’examiner ces questions et de formuler des recommandations concernant l'optimisation de ces tâches. Les résultats de l'étude ont conclu que le niveau de sécurité de l'aviation civile suisse était toujours élevé, mais avait baissé au cours des dernières années. Les structures étatiques suisses n'avaient pas été capables de s'adapter à l'évolution rapide du transport aérien. NLR conseillait à la Suisse de passer du contrôle sporadique à une gestion globale de la sécurité. Parmi les principales propositions, le laboratoire néerlandais encourageait les autorités suisses à
dissocier la surveillance de la sécurité des autres activités de l'OFAC. Au niveau du DETEC, le département devait assigner des objets de sécurité à l'OFAC et en contrôler leur réalisation. De plus, la surveillance sur l'OFAC devait être renforcée dans le domaine de la sécurité et à cette fin un poste au sein du DETEC devait être créé
[89].
En vue de concrétiser immédiatement les recommandations émises dans le rapport NLR, Moritz Leuenberger a approuvé un plan d'action. Le conseiller fédéral a nommé un délégué à la sécurité en la personne de Markus Mohler. Ce poste est directement rattaché au ministre. Les autres mesures visaient une
réorganisation de l'OFAC et
l'introduction d'un nouveau système de gestion de la sécurité. Les inspections effectuées par l'OFAC ont par conséquent été intensifiées auprès des entreprises de l'industrie aéronautique (compagnies aériennes, Skyguide, aéroports). De leur côté, Swiss et Skyguide ont été priées de renforcer leur conduite interne
[90].
La première application des recommandations formulées par le NLR n'a pas tardé à faire du bruit. L'OFAC a constaté que
les techniques d'approche de l'aéroport de Lugano-Agno n'étaient pas adaptées pour certains appareils. Le problème résidait dans l'angle d'approche aux instruments très important que les avions devaient adopter durant la courte phase précédant l'atterrissage. Afin de se conformer aux normes de sécurité internationales, l'OFAC a donc exigé une nouvelle procédure d'approche dès le 1er septembre – soit 9 jours plus tard. Ces mesures d'urgence ont été très mal accueillies au Tessin et le canton les jugeait disproportionnées. Devant le tollé tessinois, l'OFAC a accepté de prolonger le délai de consultation accordé à l'aéroport pour prendre position sur les nouvelles normes de sécurité pour les atterrissages
[91]. Début octobre,
l'OFAC a confirmé les mesures décidées en août, mais reportait leur introduction de deux ans afin de tenir compte des intérêts de l'économie tessinoise. Pendant la période transitoire, seuls les avions certifiés pour un angle d'approche de 6 degrés seront autorisés
[92].
Déjà sur la sellette à cause du calendrier de mesures qu'il avait décrétées,
Anders Auer, directeur de l'OFAC, a été remercié par Moritz Leuenberger [93]. Secoué par le rapport hollandais, l'OFAC a présenté, via son directeur ad intérim Max Friedli, le programme Topas (Top on aviation security).
L'office sera divisé en deux domaines autonomes: sécurité et questions politiques. L'OFAC a aussi demandé à son personnel de réfléchir si certaines décisions prises ces dernières années en matière de sécurité aérienne leur paraissent douteuses et le cas échéant de les signaler
[94].
Par 26 voix sans opposition, le Conseil des Etats a suivi le Conseil national et sa Commission des transports en acceptant, à une divergence près,
la fusion des contrôles aériens militaire et civil au sein de la société Skyguide. Il a précisé que la Confédération assume la haute responsabilité en tant qu’organe de surveillance. La nouvelle loi règle en outre le financement des retraites de la centaine de contrôleurs aériens militaires. En votation finale, les deux Chambres ont approuvé la modification sans opposition
[95].
Le cabinet d’audit Ernst & Young a rendu
son rapport sur les responsabilités engagées dans la débâcle de Swissair. Celui-ci a dressé une liste de manquements: politique d’expansion irréfléchie, budgets largement dépassés, compétences outrepassées, absentéisme, devoir de surveillance négligé, non respect du droit européen et comptes inexacts
[96].
Compte tenu du mauvais exercice 2002 (perte de 980 millions), de la fonte de ses fonds propres à 1,7 milliard en décembre 2002, de la conjoncture et de la crise généralisée dans le transport aérien,
Swiss a été obligée de poursuive la restructuration amorcée l’année précédente. Le dégraissage est intervenu pour l’entrée en vigueur de l’horaire d’été. La compagnie a réduit son offre de moyen et court-courriers
[97] de 45 destinations: 25 vols ont été retirés et 20 autres ont vu leur fréquence diminuer. Tous les aéroports suisses ont été touchés. Swiss a supprimé 700 emplois (200 pilotes dont principalement des ex-Crossair, 200 employés dans le personnel de cabine et 300 collaborateurs parmi les cadres et le personnel au sol) et a retiré 20 avions sur une flotte de 129 (1 Airbus A321, 2 Boeing MD-83 et 17 avions régionaux). Les économies escomptées se chiffraient à 100 millions de francs. Bien que les long-courriers n’aient pas été touchés, ces mesures jetaient définitivement le Plan Phoenix aux oubliettes
[98].
En parallèle de cette restructuration, Swiss a demandé à l'aéroport de Zurich-Kloten (Unique) et Skyguide, ainsi qu’à la Confédération de la soutenir. En réponse, le
Conseil fédéral a opposé une fin de non-recevoir aux exigences formulées par Swiss: pas de baisse des impôts sur le carburants, pas de baisse des taxes d’aéroport, pas de rabais chez Skyguide, pas d’injection d’argent public et pas de garantie financière pour l’obtention de crédits. Le gouvernement a par contre institué un comité intitulé "Conditions cadres Swiss" composé de Moritz Leuenberger, Kaspar Villiger et Joseph Deiss. Celui-ci jugera de la nécessité d'agir pour la Confédération et évaluera les conditions cadres, ainsi que les éventuelles mesures de surveillance. Lors de l'assemblée générale, les 860 actionnaires de Swiss, représentant 84,3% des droits de vote, ont approuvé la demande de la compagnie de
réduire de la valeur nominale de l'action de 50 à 32 francs. Cette mesure avait été proposée pour que les fonds propres ne dépassent pas la barre de la moitié du capital-actions
[99].
Additionnés à une baisse des liquidités, les mauvais chiffres du premier trimestre – perte de 200 millions de francs due aux surcapacités du secteur aérien, à la concurrence effrénée entre compagnies, aux conséquences du SARS (pneumonie atypique) et de la guerre en Irak sur la demande –, ont entraîné
une seconde restructuration d'envergure de la compagnie. Pour l'entrée en vigueur de l'horaire d'hiver, l'offre en sièges/kilomètres a été réduite de 27% et la flotte à 81 appareils. 3050 emplois à plein temps ont été supprimés: 700 pilotes, 850 flight attendants et 1500 collaborateurs au sol, dont 850 dans l'administration.
Les économies annuelles induites par ces coupes ont été devisées à
1,6 milliard de francs. Swiss ne desservait plus que 72 destinations contre 96, soit 44 pays reliés depuis les aéroports suisses. Le réseau longue distance a été réduit de 40 à 30 destinations, réparties dans 22 pays, celui européen concernait 42 pays au-lieu de 56, dans 22 pays également. Tous les aéroports ont été touchés par cette restructuration; Berne-Belp a disparu du réseau et Lugano-Agno ne conservait plus que des vols vers Zurich
[100]. La liaison Genève-Lugano a pu reprendre du service via la reprise de la concession par la compagnie suisse "Flybaboo". La desserte sera toutefois assurée jusqu'au 26 mars 2004 par la compagnie allemande Cirrus, à laquelle l'OFAC a octroyé une dérogation
[101].
Analysant la situation, le comité gouvernemental "Conditions cadres Swiss" a considéré les mesures prises comme nécessaires à la survie de l'entreprise. Le Conseil fédéral, partageant cet avis, a estimé que, malgré la cure d'amaigrissement, il avait été juste de s'engager pour Swiss et le secteur aérien suisse un an et demi auparavant.
Le Conseil fédéral a pris deux mesures d'accompagnement destinées à améliorer les conditions cadres de Swiss. La première exonérait la compagnie de l'impôt sur les huiles minérales sur certains vols intérieurs: 6 millions d'économies. La seconde prenait en charge le coût des vols spéciaux (rapatriement des personnes non autorisées à entrer sur le territoire suisse) lorsque le rapatriement a lieu pour des raisons non imputables à Swiss. Les coûts tournent autour de 900 000 francs. Le Conseil fédéral n'a par contre pas pris de décision sur la demande de Swiss de lui pourvoir une déclaration sans engagement ("Letter of Comfort), ni sur celle de savoir si les crédits d'exploitation à long terme accordés par des investisseurs étrangers pouvaient être assurés entre autres par une garantie contre les risques à l'exportation
[102].
L’année 2003 s’est soldée par des chiffres défavorables pour la compagnie aérienne suisse. La perte nette avoisinait les 650 millions de francs, charges de restructuration incluses. De plus, Swiss n’a, hormis une garantie bancaire de 50 millions de British Airways (voir infra), pas obtenu de ligne de crédit auprès des banques. Quant à la Confédération, elle n’a toujours pas donné suite à la demande de « Letter of Comfort »
[103].
Conformément à la décision du Tribunal arbitral de Bâle l’année précédente, la direction de Swiss a accordé aux pilotes de l’ex-Crossair le même nombre de jours de vacances et les mêmes bonus qu'aux ex-Swissair. Par ailleurs, la centaine de pilotes de MD 83 a obtenu un salaire identique à celui des pilotes ex-Swissair de Airbus A320 en vertu du droit à un salaire égal pour travail égal. Devant à nouveau se prononcer sur la querelle entre le syndicat Swiss Pilots et Swiss, le Tribunal arbitral de Bâle a donné une seconde fois raison au syndicat des pilotes de l’ex-Crossair. La compagnie aérienne s’est vue obligée de
respecter une règle de proportionnalité dans les licenciements des pilotes. La Cour a estimé que toute réduction d’effectifs dans le corps des pilotes devait toucher les membres de l’ex-Crossair et de l’ex-Swissair dans une proportion de 4 moyen et long-courriers pour 5 court-courriers
[104], quels que soient le type d’appareils concernés et les besoins de l’entreprise. La règle était valable avec effet rétroactif pour les 169 licenciements prononcés en début d’année et pour toute nouvelle mesure jusqu’à l’expiration du contrat collectif de travail fin octobre 2005. Considérant ces 169 licenciements comme abusifs et discriminatoires, le juge a enjoint Swiss à réintégrer les pilotes, s’il ne trouvait pas d’autre accord avec eux. L’autre requête de Swiss Pilots, demandant que les pilotes de l’ex-Swissair soient les premiers touchés en cas de licenciements, a été rejetée par le tribunal
[105].
Le jugement du Tribunal arbitral n’a toutefois pas été appliqué, car le syndicat, après négociations avec Swiss, a renoncé à demander son application et l’annulation des 169 licenciements de février.
Swiss Pilots acceptait ainsi
le partage inégal des licenciements entre les deux corps de pilotes et la suppression de 559 postes parmi ses membres. En contrepartie, la compagnie leur a octroyé une indemnité de départ de 16 mois de salaire. Les autres pilotes de l’ex-Crossair ont obtenu d’être en partie protégés contre les licenciements jusqu’à la fin octobre 2005. La concession la plus importante de Swiss a été l’abandon de la constitution juridique de la filiale régionale
low cost Swiss Express. Présentée en mai, cette dernière – censée permettre des économies de 20% - était appelée à regrouper tous les vols régionaux en Europe et n’aurait incorporé que des pilotes de l’ex-Crossair. S’estimant relégué à des emplois de seconde zone, Swiss Pilots en avait fait un casus belli. Lors de la votation, la
base de Swiss Pilots
a accepté à 74% l’accord signé par sa direction avec Swiss. La mauvaise situation financière et la volonté de Swiss de rejoindre une des grandes alliances aériennes ont pesé lourd dans l’armistice signée par le syndicat Swiss Pilots
[106].
Après les pilotes et le personnel de cabine,
Swiss a trouvé un accord avec les représentants du personnel au sol. Celui-ci comprend la flexibilisation du temps de travail hebdomadaire compris entre 42 et 37 heures sur une base volontaire, ainsi qu’une réduction correspondante des salaires. Une centaine d’emplois a pu être sauvée grâce à un élan de solidarité des employés. Symbolisée par l’action « sauver un emploi », elle demandait aux membres du personnel de cabine de consentir à offrir une part de leur temps de travail
[107].
Swiss a mis fin à des mois de suspens et de rumeurs en choisissant en septembre de
rejoindre l’alliance Oneworld, plutôt que Lufthansa. L’adhésion à Oneworld sera terminée pour mars 2004. Swiss élargira son réseau de destinations en accédant à celles de ses huit partenaires (Aer Lingus, American Airlines, British Airways, Cathay Pacific, Finnair, Iberia, LanChile et Quantas) et à leurs 220 millions de passagers par an, via des vols en partage de code. La coopération prévoit également un programme de fidélisation des voyageurs. En optant pour Oneworld, la marque Swiss continue d’exister, alors qu’avec Lufthansa une fusion était évoquée à plus ou moins long terme. Les autorités fédérales ont accueilli avec soulagement la nouvelle. L’accord de partenariat avec
British Airways a été officiellement avalisé en octobre. En échange d’une
garantie bancaire de 50 millions de francs, la compagnie suisse a cédé 8 de ses 14 créneaux horaires (slots) à l’aéroport de Londres Heathrow à sa consœur britannique
[108].
La Cour d’appel de Paris a estimé que le Tribunal de Paris était le seul compétent pour départager les compagnies aériennes Swiss et Air Lib. Il a également jugé que Swiss, extension de Swissair, était bien
solidaire des accords passés entre Swissair et Air Lib au moment de la reprise de cette dernière par la holding Holco fin juillet 2001
[109].
Les juges allemands du
Tribunal administratif de Mannheim ont
rejeté la plainte de Swiss et de l’aéroport de Zurich (Unique) à l’encontre des restrictions de survol du sud de l’Allemagne. Les plaignants y voyaient une entrave au développement de l’aéroport et de sa principale compagnie Swiss. Le Tribunal de Mannheim a expliqué que les restrictions étaient valables pour toutes les compagnies et que la liberté du trafic aérien n’était pas violée. Les entretiens exploratoires entre Moritz Leuenberger et son homologue allemand, Manfred Stolpe, n’ont pas permis de rapprocher les points de vue. L’hostilité zurichoise et la fermeté du Bade-Wurtemberg, qui n’était pas disposé à faire des concessions sur la réglementation des vols du week-end, ont eu raison des tentatives de renégociation de l’accord aérien entre la Suisse et l’Allemagne. Au plan national, la fronde d’opposition zurichoise (Unique, Swiss et les autorités cantonales zurichoises) a réussi à peser sur la CEATE-CE, puis sur le
Conseil des Etats afin qu’il donne le
coup de grâce à l’accord aérien. Avec 30 voix contre 13 (5 PS, 4 PRD, 3 PDC et 1 UDC), les élus bourgeois ont enterré le traité, le jugeant discriminatoire et préjudiciable à la Suisse. Les critiques bourgeoises ont porté sur le fait que l’accord reposait sur des mouvements d’avions et non sur des normes de bruit. Aucun aéroport allemand ne devait respecter des directives aussi strictes que celles prévues pour Kloten
[110].
L’Allemagne n’a pas tardé à réagir en
mettant en place des mesures unilatérales. La première étape – le 17 avril, l’interdiction de survol du territoire allemand a été prolongée d’une heure le matin (de 6 à 7 heures) et avancé d’une heure le soir (de 21 à 22 heures). Les altitudes minimales des vols au-dessus du territoire allemand ont été rehaussées de 600 mètres (3600 mètres). L’ordonnance allemande a aussi plafonné les mouvements au-dessus de son territoire: la première année, la limite sera de 110 000, puis l’année suivante (2004), elle sera abaissée à 80 000. Ces chiffres pourraient toutefois être revus selon l’activité de l’aéroport. La deuxième étape – le 10 juillet – prévoyait que les dérogations admises aux interdictions de vol seraient fortement restreintes. Seules les dérogations motivées par des conditions météorologiques seraient désormais autorisées (visibilité inférieure à 1800 mètres), celles fondées sur des raisons d’ordre technique ne le seraient plus. Par ailleurs, elles devraient être approuvées par le service allemand du contrôle aérien. Comme ces mesures prétéritaient une trentaine d’atterrissages par jour, l’aéroport de Zurich a déposé une demande de modification du règlement d’exploitation (autorisation d’approches par le sud et l’est) auprès de l’Office fédéral de l’aviation civil (OFAC). Unique a également demandé l’autorisation d’installer des instruments d’aide à l’atterrissage (ILS) pour la piste sud (piste 34). Pour éviter la fermeture de l’aéroport pendant ces deux heures,
l’OFAC a rapidement pris la
mesure provisionnelle d’autoriser les avions à atterrir par l’est (piste 28) de 6 à 7 heures et 21 à 22 heures
[111]. Auparavant, l’OFAC a consulté le canton de Zurich et les quatre cantons voisins (AG, SG, SH et TG). Ces derniers ont exprimé leurs critiques vis-à-vis de la requête de l’aéroport
[112].
Alors que la Confédération décidait de ne pas se joindre à la nouvelle action juridique de Swiss et Unique devant le Tribunal de Mannheim, le
Conseil fédéral a joué la carte judiciaire en
portant plainte auprès de la Commission européenne contre les restrictions de vol au-dessus du sud de l’Allemagne (pourvoi en nullité). Pour le gouvernement, celles-ci restreignaient de manière disproportionnée le trafic aérien sur l’aéroport de Kloten et violaient par conséquent l’accord bilatéral, avec à la clé des dommages importants pour la place économique suisse
[113]. Après avoir pris le pouls des cantons (AG, AR, AI, BL, BS, GL, LU, NW, SG, SH, SZ, TG, ZG et ZH) et des entreprises (Unique, Skyguide et Swiss) concernés, le
DETEC a accepté que les vols d’approche puissent se faire par le sud à partir de l’automne. Pour arriver à cette autorisation, le Conseil d’Etat zurichois a dû briser « un tabou » en cédant sur les approches par le sud. Les différents acteurs concédaient qu’il n’y avait pas d’autres possibilités d’exploiter l’aéroport. Il faut toutefois noter que la ville de Zurich continuait de refuser ces approches par le sud. Le délai à l’automne émanait d’une requête de la société de contrôle aérien Skyguide qui avait besoin d’une période d’adaptation. L’OFAC a interdit les atterrissages par le sud avant 6 heures, car l’étude d’impact sur l’environnement a montré que, si ceux-ci étaient autorisés, des régions trop étendues seraient exposées à des nuisances supérieures aux valeurs limites et autorisées. Ces restrictions ont également été appliquées dès l’automne aux approches sur la piste est. L’OFAC a approuvé l’autre requête d’Unique, à savoir les plans pour l’installation de l’ILS et le balisage d’approche sur la piste sud
[114].
Peu avant l’échéance de la deuxième étape des mesures unilatérales allemandes, Moritz Leuenberger a réussi à convaincre Manfred Stolpe de les reporter et d’accorder des délais. Le régime restrictif des dérogations aurait empêché l’atterrissage jusqu’à une trentaine d’avions par jour en cas de pluie et ceux-ci auraient dû être détournés vers d’autres aéroports, avec un important coût économique à supporter
[115]. La Suisse s’est engagée à garantir dès l’automne la possibilité d’atterrir par le sud. Allant de pair, elle a fixé le calendrier pour l’installation des équipements ad hoc: au 30 octobre 2003 pour le radiophare omnidirectionnel (VOR/DME), au 30 avril 2004 pour le radiophare d’alignement (LLZ/DME) et au 31 octobre 2004 pour le système d’atterrissage aux instruments (ILS).
L’Allemagne a différé au 30 octobre l’application des nouvelles restrictions du régime des dérogations et l’a échelonnée selon le calendrier précité, de manière à ne pas empêcher certains atterrissages. En contrepartie du délai offert par l’Allemagne, la Suisse a accepté la suppression de zones d’attente EKRIT et SAFFA au-dessus du sol allemand. La Suisse a jusqu’en février 2005 pour trouver des aires d’attente situées au-dessus de son territoire. Deux éléments ont favorisé l’adoption de cette solution: l’acceptation par le Conseil d’Etat zurichois des approches par le sud et la présentation par la Suisse d’un calendrier précis pour l’application des procédures nécessaires à ces approches. Malgré ce nouveau calendrier, le Conseil fédéral a maintenu sa plainte devant la Commission européenne
[116].
Le Tribunal administratif de Mannheim a
débouté pour la seconde fois Swiss et Unique. Il a rejeté les arguments des plaignants (réduction de capacité d’un tiers de l’aéroport et retards en cascade) et confirmé les nouvelles restrictions de vols. Malgré cet échec, l’aéroport de Kloten restait convaincu de la viabilité des mouvements par le nord. Il plaidait pour une approche coudée au nord en bordure de la frontière. La ville de Zurich, le parlement et le gouvernement du Canton de Zurich militaient aussi dans ce sens
[117]. Suite aux réticences des adversaires des approches par le sud, Moritz Leuenberger a exigé leur réexamen. L’Office fédéral a levé les craintes en concluant
[118], à l’image des autres études réalisées par l’aéroport, le DETEC
[119] et Skyguide, que celles-ci étaient sûres. L’OFAC et Skyguide ont édicté certaines mesures d’accompagnement à cet effet. Quelques jours après l’annonce de l’OFAC, la réussite de l’ultime contrôle de sécurité effectué par Skyguide
a définitivement avalisé les approches par le sud. A partir du 30 octobre, les approches ont été faites par le sud le matin, entre 6 et 7 heures les jours ouvrables, et entre 6 et 9 heures les week-ends et jours fériés. Les avions ont atterri depuis l’est le soir dès 21 heures les jours ouvrables et dès 20 heures les week-ends et jours fériés. En cas de conditions météorologiques normales, cela représente 20 à 60 approches par le sud (respectivement les jours ouvrables et les week-ends) et de 6 à 28 approches par l’est
[120].
L’Allemagne et la Suisse se sont mises d’accord sur la surveillance de l’espace aérien du sud de l’Allemagne. Skyguide continuera d’exercer son contrôle, mais avec l’aide d’experts allemands. Cet élément devait permettre d’éviter que des points de règlement ne soient interprétés de manière unilatérale
[121]. Le samedi suivant l’entrée en vigueur des approches par le sud a été marqué par des conditions météorologiques instables. Elles ont obligé l'aéroport à procéder à plusieurs changements de la stratégie d’approche, ce qui a créé une situation d'exploitation difficile. Afin d’éviter la répétition d’une telle situation, les experts allemands et suisses ont précisé la
clause dérogatoire de l’ordonnance allemande. Désormais, les approches pouvaient se faire également par le nord pendant les heures d’interdiction, alors que la visibilité serait suffisante pour les approches par le sud et l’est, mais que des résidus nuageux subsistaient dans le secteur de l’approche finale (4-5 derniers kilomètres). Skyguide pouvait également recourir à la clause dérogatoire si les conditions météorologiques changent rapidement. Cela devait permettre d’éviter, surtout les week-ends, de modifier trop souvent et pour peu de temps la stratégie d’approche de l’aéroport
[122].
La Commission européenne a rejeté la plainte du Conseil fédéral contre les restrictions de vol allemandes. D’après elle, l’ordonnance allemande ne violait pas le principe de proportionnalité, ni ne discriminait la compagnie Swiss. Les mesures allemandes étaient justifiées et leurs effets limités ne pouvaient être atteints par d’autres moyens. Il n’y avait non plus pas de discrimination directe ou indirecte à ses yeux, car les transporteurs suisses et communautaires étaient pareillement soumis aux nouvelles règles. Le fait que Swiss soit plus touché que d’autres transporteurs avec de faibles parts de marché n’était pas suffisant pour établir une discrimination indirecte. Par ailleurs, Bruxelles était d’avis que l’accord bilatéral sur le trafic aérien constituait un échange de droits de trafic entre la Suisse et l’UE, mais que la Suisse ne participait pas pour autant au marché aérien intérieur européen comme elle croyait
[123]. N’adhérant pas aux conclusions de la Commission européenne, le
Conseil fédéral a décidé de
faire recours contre cette décision auprès de la Cour de justice des Communautés européennes. Il ne partageait pas l’appréciation de la Commission en ce qui concernait les répercussions effectives des restrictions, ni celle des bases juridiques. Selon lui, les restrictions étaient discriminatoires pour Swiss, parce que la compagnie, principale utilisatrice de l’aéroport de Kloten et ayant son centre opérationnel à Zurich, était la plus touchée. Par rapport à ses concurrents, elle était désavantagée dans son accès à l’espace aérien européen, ce qui constitue une discrimination indirecte. Quant à l’accord bilatéral, dont la Commission européenne l’a réduit à un seul échange de droits de trafic, le Conseil fédéral le concevait comme servant à ouvrir progressivement le marché du transport aérien à la Suisse. Les autorités fédérales tenaient donc à garantir que la Suisse puisse bénéficier des droits que lui confère l’accord
[124].
[89]
LT, 2.7.03; DETEC,
communiqué de presse, 1.7.03; voir
APS 2002¸ p. 70.
[90] Presse du 15.8.03 (plan d'action); DETEC,
communiqué de presse¸ 14.8.03.
[91] Presse du 23.8 (injonction OFAC), 26.8 et 27.8.03;
LT, 25.8 et 28.8.03.
[92] Presse du 3.9.03 (confirmation des mesures);
NF, 30.10.03 (commission de recours);
Exp., 1.11 (dérogation) et 15.11.03 (TF); DETEC,
communiqué de presse, 2.9, 29.10 (Swiss) et 31.10.03.
[93] Presse du 30.8.03 (licenciement); DETEC,
communiqué de presse¸ 29.8.03.
[95]
FF, 2003, p. 2537 ss.;
BO CE, 2003, p. 156 ss. et 371;
BO CN, 2003, p. 264 et 520; presse du 25.1.03;
Exp., 12.3.03. Voir également
APS 2002, p. 158.
[96]
24h, 24.1.03; presse du 25.1.03.
[97] Les destinations moyen et court-courriers sont situées en Europe.
[98] Presse du 26.2 (restructuration) et 15.3.03 (bilan 2002). Le Plan Phoenix prévoit le modèle 26 long-courriers et 26 moyens-courriers.
[99] Presse du 31.3 (injonctions de Swiss), 26.3 (action), 28.4 (crédits), 30.4 (crédits), 1.5 (CF, fin de non-recevoir) et 7.5.03 (assemblée);
Exp., 22.3.03; DETEC,
communiqué de presse, 9.5.03.
[100] Presse du 28.5 (perte) et du 25.6, 12.7 et 21.10.03 (restructuration); DETEC,
communiqué de presse, 24.6.03.
[101]
TG, 25.10.03;
LT, 1.11.03; DETEC,
communiqué de presse, 29.10.03.
[102] Presse du 26.6.03 (geste du CF); DETEC,
communiqué de presse, 25.6.03.
[103] Presse du 20.8 (perte premier semestre), 24.9 (garantie bancaire) et 18.11.03 (perte troisième trimestre);
Exp., 31.12.03.
[104] Les 1050 pilotes provenant de l’ex-Crossair et les 850 de l’ex-Swissair ont donné la clé au calcul de la proportionnalité.
[105]
LT, 28.2.03 (avantages accordés); presse du 20.6.03; voir également
APS 2002, p. 160.
[106] Presse du 3.5 (Swiss Express) et 17.8.03 (accord);
24h, 9.8.03 et
TG, 11.8.03 (base);
Lib., 10.10.03 (nombre de pilotes).
[107] Presse du 6.8.03 (accord);
24h, 28.8 (base) et 30.10.03 (action des employés);
LT, 5.9.03.
[108] Presse du 24.9.03;
24h, 24.10.03;
Exp., 18.10.03. Voir aussi
APS 2002, p. 159.
[109]
Lib., 26.6.03; voir aussi
APS 2002, p. 160.
[110]
BO CE, 2003, p. 261 ss.; presse du 25.1 (tribunal), 18.2 (entretiens), 21.2 (CEATE) et 19.3.03 (CE);
Lib., 21.2.03 (considérants Tribunal de Mannheim); DETEC,
communiqué de presse, 12.2 et 18.2.03. Pour plus de détail sur l’accord aérien, voir également
APS 2002, p. 163 s.
[111] La mesure était provisionnelle car les personnes concernées pouvaient faire recours auprès de la commission de recours du DETEC.
[112] Presse du 5.4.03 (ordonnance);
24h, 17.4.03; DETEC,
communiqué de presse, 9.4 et 16.4.03.
[113] Presse du 10.5 et 11.6.03;
Lib., 10.6.03 (Swiss et Unique); DETEC,
communiqué de presse, 9.5 et 10.6.03.
[114]
LT, 23.5.03 (Conseil d’Etat ZH);
24h, 25.6.03; DETEC,
communiqué de presse, 16.5 et 24.6.03.
[115] Les approches avec le radiophare omnidirectionnel (VOR/DME) requièrent une visibilité d’au moins 4500 mètres. Or, les approches par le nord ne sont autorisées pendant les périodes d’interdiction que si la visibilité est inférieure à 1800 mètres. Ainsi, en cas de visibilité intermédiaire (moins de 4500 mètres et plus de 1800 mètres), les avions auraient donc dû être détournés vers d’autres aéroports (Bâle, Genève); la piste par le sud n’étant disponible que pour l’automne.
[116]
LT
, 26.6.03; presse du 27.6.03; DETEC,
communiqué de presse, 26.6.03.
[117] Presse du 2.8.03;
LT, 26.8.03 (autorités zurichoises).
[118] L’OFAC a approuvé en juin les procédures d’approches sur la base d’une première analyse. L’examen de sécurité effectué par Skyguide était en cours.
[119] Répondant à un mandat donné par Markus Mohler, le délégué à la sécurité auprès du DETEC, une entreprise anglaise spécialisée a procédé à une analyse, fin septembre, pour s’assurer que les examens de sécurité s’étaient déroulés en parfaite conformité avec les normes déterminantes de l’aviation civile internationale.
[120]
NF, 8.9.03 (Leuenberger); presse du 24.10.03 (OFAC);
LT, 29.10.03 (Skyguide); DETEC,
communiqué de presse, 7.9 et 23.10.03.
[121]
QJ, 3.10.03; DETEC,
communiqué de presse, 2.10.03
[122]
Lib., 5.11.03; DETEC,
communiqué de presse, 4.11.03.
[123] Presse du 6.12.03; DETEC,
communiqué de presse, 5.12.03.
[124]
24h, 16.12.03; DETEC,
communiqué de presse, 15.12.03.
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