Année politique Suisse 2004 : Wirtschaft / Landwirtschaft / Politique agricole
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Organisation mondiale du commerce (OMC)
Suite à l’échec de la Conférence de Cancún [5], la délégation suisse dirigée par l’ambassadeur Luzius Wasescha a pris part, à la fin du mois de mars à Genève, à la reprise des négociations dans le cadre de l’OMC. L’ambassadeur a annoncé que la Suisse et le G10, groupe des dix pays importateurs nets de produits agricoles [6] (Suisse, Bulgarie, Taïwan, Islande, Corée du Sud, Japon, Israël, Liechtenstein, Ile Maurice, Norvège) étaient d’accord d’envisager l’élimination de toutes leurs subventions aux exportations, à condition que leurs positions sur l’accès aux marchés et les aspects non commerciaux de l’agriculture soient pris en considération [7]. L’Union suisse des paysans (USP) s’est encore une fois clairement positionnée contre cet accord agricole ne convenant, selon elle, qu’à une poignée de pays exportateurs. Elle a mis en garde que les agriculteurs suisses pourraient perdre plus de 2,5 milliards de francs par année si les scénarios en discussion à l’OMC aboutissaient. Pour l’USP, la principale menace pour l’agriculture suisse est la réduction des droits de douane frappant les produits agricoles étrangers, qui pourrait faire diminuer les recettes de l’agriculture jusqu’à 25%. Elle plaide par conséquent en faveur de droits de douane offrant de la souplesse dans leur application à l’échelon national, et a déploré finalement que les négociations n’aient pas pris en compte la multifonctionnalité de l’agriculture suisse [8].
Début juin, soit un mois environ avant le mois décisif des négociations, la Suisse a défendu une approche au cas par cas pour l’accès au marché des produits agricoles, selon les intérêts propres à chaque pays, au lieu d’une réduction uniforme linéaire des droits de douane, prônée notamment par les grands pays exportateurs de produits agricoles [9]. Le texte (accord-cadre), rédigé par le directeur général de l’OMC et remis à la mi-juillet par l’OMC aux délégations des 147 pays membres, n’a pas tenu compte de ces revendications et proposait, entre autres, d’éliminer « à échéance crédible » toutes les formes de subventions versées aux exportations agricoles. Il devait en outre être approuvé par les pays membres à la fin juillet, sous peine d’un nouvel échec des négociations, similaire à celui de la Conférence de Cancún. Ce texte, proposé après plusieurs mois de négociations, a toutefois été jugé « déséquilibré » par la délégation suisse. Devant se positionner alors sur une éventuelle révision du mandat de négociation à l’OMC, le Conseil fédéral a confirmé la stratégie suivie jusqu’ici [10]. L’USP, l’Union maraîchère suisse (UMS) et Bio Suisse ont immédiatement pris position contre les propositions de l’OMC, notamment par la voix du conseiller national radical et vice-président de l’USP John Dupraz (GE), et ont demandé au Conseil fédéral de refuser l’accord-cadre et de se tenir au mandat de négociation adopté avant la conférence ministérielle de Cancún en septembre 2003. L’USP et l’UMS ont en outre menacé de lancer « sans hésitation » le référendum contre la mouture de cet accord-cadre. La situation s’est crispée davantage quand, le 28 juillet, l’OMC a tenu des négociations à huis clos au sein du groupe des cinq (Etats-Unis, Europe, Brésil, Inde et Australie). Le conseiller fédéral Joseph Deiss n’a alors pas hésité à affirmer que la Suisse, ainsi tenue à l’écart des négociations, pourrait envisager de refuser le texte [11].
Le 1er août pourtant, la Suisse a accepté le compromis élaboré lors de la Conférence de Genève [12]. La Suisse devra finalement abaisser ses tarifs douaniers, mais gardera la possibilité de déterminer quels produits « sensibles » méritent une protection accrue. Le conseiller fédéral Joseph Deiss, responsable du dossier au gouvernement, a estimé que le texte adopté répondait aux intérêts de la Suisse. Selon lui, la Suisse savait qu’elle devrait céder du terrain sur l’agriculture, mais l’a fait dans une mesure compatible avec le rythme de réforme agricole. Quant à l’USP, elle a dénoncé cet accord par la voix de son vice-président, le conseiller national genevois John Dupraz (rad), qui le considère comme un « diktat des cinq grands exportateurs agricoles ». Le président de l’USP, le conseiller national UDC Hansjörg Walter (TG) a, de son côté, tempéré la situation. Il a déclaré que l’accord en question était très ouvert et que la Suisse pouvait poursuivre sa politique agricole, tout en soulignant que cela ne signifiait pas la « fin de l’alerte ». Fervente partisane de l’accord depuis le départ, economiesuisse a de son côté salué celui-ci [13].
Le Conseil fédéral a rendu réponse, après la signature de l’accord, à une interpellation déposée au mois de juin au Conseil national par le groupe démocrate-chrétien. Prenant position par rapport aux inquiétudes des démocrates-chrétiens quant à l’avenir et la viabilité de l’agriculture suisse dans le cadre des négociations menées à l’OMC, le Conseil fédéral a rassuré ses interlocuteurs en affirmant que les négociations menées n’avaient pas demandé de modifier le mandat donné aux négociateurs suisses et que celles-ci ont permis de restaurer, à ses yeux, un meilleur équilibre entre les aspects commerciaux et non commerciaux liés à l’agriculture. Il a ajouté qu’il entendait en outre, d’une part utiliser les négociations agricoles futures pour sauvegarder autant que possible la dimension multifonctionnelle de l’agriculture suisse et, d’autre part, suivre de près ces dernières afin de s’assurer que les conséquences des concessions qui seront faites dans les domaines de l’accès au marché, du soutien interne et des subventions, seront socialement acceptables [14].
Déposées à la même période, les interpellations Müller (prd, SG) et Schibli (udc, ZH) traduisaient, quant à elles, des inquiétudes similaires, mais liées à la production de légumes en Suisse, par les maraîchers notamment. Dans ses réponses, le Conseil fédéral a souligné qu’il n’était pour l’instant pas possible d’évaluer avec précision les conséquences qu’aura une réduction des droits de douane sur l’agriculture, et en particulier sur la culture maraîchère. Il a également affirmé que l’ampleur de l’impact des négociations en cours à l’OMC nécessitera deux périodes de réformes de la politique agricole (« PA 2007 » et « PA 2011 »), afin de permettre une mise en œuvre qui soit socialement acceptable [15].
Dans sa réponse à une interpellation Darbellay (pdc, VS) relative à un prétendu dépassement des contingents d’importation de viande de mouton dans le cadre des accords avec l’OMC (qui pourraient éventuellement affaiblir la position de la Suisse dans les futures négociations), le gouvernement a affirmé que la Suisse avait respecté ses engagements vis-à-vis de l’OMC au niveau de ses importations de viande rouge. Il a ajouté qu’en appliquant consciencieusement les dispositions du droit international, la Suisse ne faisait au contraire que renforcer sa position et sa crédibilité dans les négociations avec l’OMC [16].
 
[5] Cf. APS 2003, p. 119 s.
[6] Ces pays défendent les subventions agricoles et les droits de douane élevés qui protègent leurs produits « sensibles » (tel le riz, défendu par des tarifs de 500% au Japon).
[7] TG, 26.3.04.
[8] Communiqué de presse de l’USP du 24.5.04; LT, 25.5.04.
[9] 24h, 4.6.04.
[10] Communiqué de presse du CF du 19.7.04.
[11] QJ, 23.7.04 (Dupraz); LT, 23.7.04 (référendum); 24h, 29.7.04 (Deiss).
[12] Cet accord donne un cadre aux discussions qui vont se poursuivre jusqu’à la prochaine conférence ministérielle de l’OMC à Hongkong en décembre 2005.
[13] LT, 2.8.04 (Deiss et economiesuisse); QJ, 2.8.04 (USP).
[14] BO CN, 2004, p. 1756.
[15] BO CN, 2004, p. 1756 (Schibli) et 1757 (Müller).
[16] BO CN, 2004, p. 1241.