Année politique Suisse 2005 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Europe: UE
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Extension de la libre circulation des personnes
La droite nationaliste, sous la houlette des Démocrates suisses (DS), a réussi à récolter plus de 90 000 signatures pour son référendum contre l'élargissement aux dix nouveaux membres de l'UE de l'accord sur la libre circulation des personnes. Outre les Démocrates suisses, le comité référendaire regroupait notamment la Lega tessinoise, le Parti de la liberté, ainsi que plusieurs conseillers nationaux membres de l'UDC. Le Mouvement pour le socialisme genevois, un parti d’extrême-gauche, a lancé de son côté son propre référendum. Le référendum ayant abouti, le peuple devait se prononcer sur cet objet. Le Conseil fédéral a agendé la votation au 25 septembre, celle sur Schengen/Dublin étant prévue le 5 juin. Le gouvernement a ainsi décidé de soumettre ces deux objets séparément au peuple, afin d’ « éviter tout amalgame ou confusion entre ces objets de nature totalement différente ». En avril, il a également refusé de joindre au scrutin sur la libre circulation le référendum contre l’assouplissement des heures d’ouverture des magasins dans les gares et les aéroports. Il craignait en fait qu’une dynamique du double « non » ne se mette en route si les deux objets étaient présentés au peuple le même jour. Les syndicats combattant en effet avec vigueur la libéralisation de l’ouverture dominicale des commerces, le Conseil fédéral ne se privait ainsi pas de leur appui s’il séparait les deux scrutins [8].
Le 25 septembre, le peuple a accepté de manière claire l’arrêté fédéral sur l’extension de la libre circulation et la révision des mesures d’accompagnement, par 56% des suffrages. Seuls quatre cantons (dont le Tessin à 63,9%) et 3 demi-cantons ont rejeté cet objet [9].
La campagne, véritablement lancée au mois de juillet, a opposé à peu de choses près les deux mêmes camps que pour la votation sur Schengen/Dublin (voir infra). Dans celui des partisans de l’extension de la libre circulation: le Conseil fédéral, les cantons et la grande majorité des partis politiques, dont le PS, le PDC, le PRD, le PL, les Verts, le PCS, le PEV, le PdT, ainsi que presque toutes les organisations (Economiesuisse, USAM, USS, Travail suisse, Unia, USP, etc.). Celui des opposants, moins nombreux, comprenait l’UDC, la Lega, le PdL, les DS, ainsi que de l’ASIN.
Pour les partisans de la libre circulation, les arguments économiques étaient centraux. Selon eux, l’élargissement aux marchés dynamiques des pays de l’Est ouvrirait des débouchés extrêmement intéressants pour l’économie suisse, plus de 60% des exportations helvétiques étant destinées à l’UE. Au niveau du marché du travail, l’extension de la libre circulation permettrait à la Suisse d’avoir accès à une main d’œuvre, qualifiée notamment, qui correspond aux besoins de divers secteurs économiques comme l’agriculture, les soins médicaux et le tourisme. L’ouverture du marché du travail devait en outre, selon eux, dynamiser la croissance économique. Afin d’éviter des réactions de peur des citoyens (cristallisées dans l’image du « plombier polonais »), les partisans de l’accord ont rappelé que l’expérience européenne avait montré que la libre circulation n’avait pas entraîné de flux migratoires importants, et qu’il ne fallait pas s’attendre à une immigration massive de ressortissants des nouveaux Etats membres de l’UE. Ils ont ajouté que le Conseil fédéral et le parlement avaient toutefois prévu toute une série de garanties: les dispositions transitoires canaliseront et limiteront l’immigration; le contingentement pourra être remis en place jusqu’en 2014 si nécessaire; en 2009, le parlement décidera si l’accord sur la libre circulation doit être prolongé et le peuple pourra à nouveau se prononcer, si le référendum est demandé. De plus, toute future extension de la libre circulation à de nouveaux membres de l’UE sera aussi soumise à l’approbation du parlement et au référendum facultatif. Afin de parer à tout abus, les mesures d’accompagnement contre le dumping salarial et social seront encore renforcées. Les partisans du oui n’ont enfin pas manqué de souligner que dans l’hypothèse d’un refus de l’objet soumis au vote, l’UE pourrait dénoncer l’accord en question, ce qui aurait pour conséquence que les autres accords du paquet des Bilatérales I cesseraient d’être applicables. Selon eux, la Suisse en pâtirait sur le plan économique et politique, puisque l’approche bilatérale serait compromise.
Les arguments des opposants à l’accord sur l’extension de la libre circulation, regroupés dans quatre comités référendaires, ont misé avant tout sur la peur des citoyens face à une immigration massive et ses conséquences dramatiques pour la prospérité de la Suisse. Selon eux, l’afflux de main d’œuvre étrangère constituait une menace pour l’emploi (baisse des salaires, augmentation du chômage) et la paix du travail. L’extension de la libre circulation était clairement synonyme, aux yeux des opposants, de moins de prospérité, de plus de pauvreté, d’une délocalisation des entreprises, de sous-traitance et de travail précaire [10].
Extension de l’accord sur la libre circulation des personnes aux nouveaux Etats membres de l’UE
Votation du 25 septembre 2005

Participation: 54,5%
Oui: 1 458 686 (56,0%)
Non: 1 147 140 (44,0%)


Oui: PS, PRD, PDC, Verts, PL, PdT, PEV, PCS; Economiesuisse, USS, Travail Suisse, USAM, USP.
Non: UDC (5*), DS, Lega, UDF; ASIN.

* Recommandations différentes des partis cantonaux
L’analyse VOX a montré que les votants ont accordé une importance au-dessus de la moyenne à cet objet, tant sur le plan personnel que sur le plan national. C’est d’ailleurs l’importance sur le plan personnel qui peut expliquer la participation relativement forte au scrutin (53,8%). Tout comme pour la votation sur les accords de Schengen/Dublin (voir infra), la ligne de conflit centrale a passé par les fossés politiques des partis: si les sympathisants du PS, du PDC et du PRD ont majoritairement approuvé l’extension de la libre circulation des personnes, ceux de l’UDC lui ont en revanche opposé une claire fin de non-recevoir, malgré le soutien de quelques éminents membres du parti. L’analyse a montré que plus les personnes sondées se classaient à droite sur l’échiquier politique, plus la part de « oui » a diminué. La position socio-politique de celles-ci a montré également une forte corrélation avec la décision de vote: les personnes qui s’engageaient pour une Suisse moderne et ouverte, au sein de laquelle les étrangers/étrangères doivent avoir les mêmes chances que les Suisses et les Suissesses, se sont exprimées majoritairement en faveur de l’accord. S’il est évident que l’attitude envers l’adhésion à l’Europe a exercé une forte influence sur la décision de vote, l’analyse a mis en lumière qu’un « oui » à la libre circulation des personnes ne serait pas forcément synonyme d’un « oui » à l’adhésion à l’UE. Une part importante des personnes sondées reste en effet sceptique par rapport à ladite adhésion, bien qu’elles aient voté en faveur de l’accord soumis au vote. À l’instar de Schengen/Dublin, la votation sur la libre circulation a confirmé le fait que les comportements de vote en Suisse alémanique et en Suisse romande tendent à se rapprocher lors des votations concernant la politique européenne. L’analyse des motifs du choix a montré que le « oui » à la libre circulation des personnes ne s’est pas exprimé partout avec la même euphorie. Chez les partisans convaincus de l’UE (un tiers des sondés), pour lesquels les accords bilatéraux ne représentent qu’une étape intermédiaire sur la voie de l’adhésion à l’UE, l’objet a été approuvé sans aucune réserve et avec enthousiasme. Un deuxième tiers des sondés a avancé des motifs teintés de pragmatisme (avantages économiques, mise en danger des accords bilatéraux). Le derniers tiers a invoqué des contraintes extérieures ou intérieures pour justifier le choix du « oui » (« il le fallait » ou « de toute façon, ils sont déjà chez nous »), qui laissent supposer qu’il s’agit d’une décision de compromis. Le motif principal des personnes ayant voté « non » a été la peur: la peur, diffuse ou explicite, du chômage, la peur de la pression sur les salaires ou d’une immigration massive [11].
Le Conseil national a adopté en fin d’année, suite à un avis favorable exprimé par le Conseil fédéral, un postulat du député socialiste Hans-Jürg Fehr (SH), qui demandait au gouvernement de présenter chaque année un rapport sur l’exécution des mesures d’accompagnement par les cantons de l’accord conclu avec l’UE sur la libre circulation des personnes, de sorte que l’état d’exécution de ces mesures puisse être contrôlé et évalué [12].
 
[8] FF, 2005, p. 2695 ss.; LT, 20.1 et 28.4.05 (agenda des votations); presse du 30.3.05 (dépôt du référendum).
[9] FF, 2005, p. 4891 ss.; presse du 26.9.05 (résultats). Voir APS 2004, p. 56 ss.
[10] Presse du 15.8 au 24.9.05.
[11] Kopp, Laura / Milic, Tomas, Analyse VOX des votations fédérales du 25 septembre 2005, Zurich et Berne 2005.
[12] BO CN, 2005, p. 1975.