Année politique Suisse 2005 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Politique agricole
Le Conseil fédéral a présenté en début d’année les
grandes lignes de la politique agricole (PA) pour les années 2008-2011. Elle s’articule autour de cinq grands axes: 1) améliorer la compétitivité de la production et de la transformation par le transfert des fonds affectés au soutien du marché vers des paiements directs, et par des mesures destinées à abaisser les coûts; 2) garantir, par un système de paiements directs simplifié, et compte tenu des fonds transférés, les prestations d’intérêt général fournies par l’agriculture; 3) favoriser la création de valeur ajoutée et le développement durable dans le milieu rural, par des mesures visant à faciliter une différenciation accrue des produits, une rationalisation de la promotion des ventes et le soutien d’initiatives de projets agricoles; 4) faciliter l’évolution structurelle, notamment par un assouplissement du droit foncier rural et du droit sur le bail à ferme agricole; 5) simplifier l’administration et mieux coordonner les contrôles. Ces mesures doivent notamment permettre d’étaler les conséquences des engagements pris au sein de l’OMC. Fruit d’un compromis entre les propositions de Joseph Deiss et celles du ministre de l’économie Hans-Rudolf Merz, l’enveloppe financière globale prévue pour l’agriculture pour la période 2008 à 2011 a été fixée à 13,45 milliards de francs
[1].
L’
Union suisse des paysans (USP) a vivement réagi aux propositions du gouvernement. Elle a jugé inacceptable la réduction des moyens financiers initialement prévus, tout comme le rythme et l’ampleur des réformes. Quant aux principaux partis politiques, si le PDC, le PS et le PRD ont estimé que le projet gouvernemental allait dans la bonne direction, l’
UDC a critiqué celui-ci, estimant qu’il n’améliorait pas la compétitivité des paysans. Les démocrates du centre ont d’ailleurs pris position peu avant le début de la procédure de consultation sur ce projet dans un document stratégique. Dans le cadre des débats sur l’OMC et la PA 2011, ils n’ont pas réclamé une augmentation massive des paiements directs, mais un démantèlement des contraintes qui pèsent sur les producteurs, afin qu’ils puissent notamment développer des activités annexes. En outre, l’agriculture doit, selon l’UDC, concentrer son activité sur l’économie laitière, ainsi que sur la production de viande et de fruits et légumes
[2].
Près de
10 000 agriculteurs suisses ont manifesté sur la Place fédérale à Berne, à la mi-novembre, pour protester contre la baisse des prix, la libéralisation excessive de l’agriculture, la politique agricole fédérale 2008-2011 et la politique à l’égard de l’OMC
[3].
Le Conseil national a adopté une motion Darbellay (pdc, VS) déposée en 2004, qui demandait au Conseil fédéral de prendre des mesures concrètes, d’ici à la fin de l’année 2006, afin de faire baisser les
charges administratives dans l’agriculture de 30% au moins, sans diminuer la qualité des prestations sous l’angle de la sécurité alimentaire, de la protection des animaux, de la protection de l’environnement et du paysage
[4].
Dans le cadre de la
réforme des structures administratives de la Confédération, une commission parlementaire a déposé en avril une motion qui demandait au gouvernement d’examiner la fusion de l’Office fédéral de l’approvisionnement économique du pays (OFAE), de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), de l’Office vétérinaire fédéral (OVF) et de la Direction des forêts en une seule unité. Le but visé était de réduire les frais administratifs de ces offices et section globalement de 25 pour cent au moins. En tant que premier conseil, le Conseil national a adopté cette motion par 98 voix contre 62, malgré l’opposition des socialistes. Le même objet a également été approuvé par le Conseil des Etats en fin d’année
[5].
Le Conseil national a adopté un postulat du Groupe socialiste, qui demandait au Conseil fédéral de procéder, dans le domaine de l’agriculture en particulier, à un examen des tarifs douaniers, des prestations pécuniaires pour l’acquisition de droits d’importation et des taxes douanières. Il doit les comparer ensuite avec les pratiques ayant cours au sein de l’UE et proposer au parlement des mesures de suppression concrètes et eurocompatibles. Le postulat demandait également au gouvernement d’étudier les
mesures d’accompagnement qui s’imposent, afin de d’atténuer les répercussions sociales de la réforme structurelle en cours
[6].
En début d’année, le Conseil fédéral a chargé Moritz Leuenberger de préparer un
projet de révision de la loi sur l’aménagement du territoire, afin de faciliter le recours des paysans à des
activités accessoires lucratives, telles que l’agrotourisme. La procédure de consultation a été lancée fin avril. Dans son message du 2 décembre, le Conseil fédéral a présenté trois assouplissements de la loi visant à faciliter les activités accessoires non agricoles mais étroitement liées à l’entreprise agricole (chambres d’hôtes, coucher dans le foin, sociothérapies, notamment). Premièrement, la possibilité d’exercer une activité accessoire de ce genre sera étendue à toutes les entreprises agricoles et ne sera plus réservée à celles dont la survie dépend d’un revenu supplémentaire. Deuxièmement, des agrandissements modestes seront autorisés lorsque l’espace pour installer une activité accessoire fait défaut ou est insuffisant. Troisièmement, l’agriculteur pourra engager du personnel destiné à travailler exclusivement dans le nouveau secteur para-agricole, pour autant que la famille paysanne fournisse la partie prépondérante du travail nécessaire. Le gouvernement a en outre prévu des dispositions en ce qui concerne les constructions et les installations destinées à la production d’énergie à partir de biomasse, et la réaffectation de bâtiments qui ne sont plus utilisés pour les activités agricoles
[7].
En début d’année, le Conseil national a décidé de donner suite, par 114 voix contre 53, à une initiative parlementaire Joder (udc, BE) déposée en 2003. Celle-ci demandait que la législation sur l’aménagement du territoire soit révisée de telle sorte que les volumes des
bâtiments situés dans les zones agricoles et en dehors des zones à bâtir puissent être exploités d’une façon meilleure et plus globale
[8].
Dans le cadre des débats relatifs à la révision de la loi sur l’aménagement du territoire (voir également infra, part. I, 6c (Raumplanung)), le conseiller national Bigger (udc, SG) a déposé en fin d’année une motion qui demandait au gouvernement de créer un
plan sectoriel – reposant sur l’article 13 de cette loi – qui définisse des
zones agricoles d’intérêt majeur, et qui prévoie le maintien quantitatif de la surface agricole utile. Le Conseil fédéral a proposé d’accepter l’intervention en question, indiquant que les inquiétudes du motionnaire au sujet de la raréfaction de la surface agricole utile étaient tout à fait justifiées. La motion a cependant été combattue au plénum par le député Banga (ps, SO) et la discussion sur cet objet a été renvoyée
[9].
Déposées en 2004, deux interpellations relatives aux
émissions d’ammoniac dues au stockage de lisier ont été traitées conjointement au Conseil national. Celles-ci réagissaient à une directive de l’OFEFP qui obligeait les paysans à couvrir leurs silos à lisier (fosses à purin) au nom de la protection de l’air. Malgré ces interventions, le Conseil fédéral a refusé de revoir la directive en question
[10].
L’USP, qui était restée à l’écart des débats sur la votation sur Schengen/Dublin, s’est par contre engagée avec beaucoup de conviction, de concert avec l’USAM, en faveur de l’
extension de la libre circulation des personnes, à l’instar d’autres organisations agricoles (voir supra, part. I, 2 (Europe: UE)). Les paysans ont en effet porté le plus grand intérêt à l’accès qui leur était ouvert à de nouvelles sources de main d’œuvre. Une minorité d’entre eux, recrutée au sein de l’UDC et conduite par les conseillers nationaux Toni Brunner (SG) et Ernst Schibli (ZH), s’est néanmoins opposée à la libre circulation. Elle a dénié tout intérêt à cet accord, au motif qu’il aggraverait les charges administratives et financières pour les exploitants agricoles et encouragerait les revendications syndicales. Cette minorité a toutefois admis l’importance de la main d’œuvre étrangère. Elle a cependant souhaité un système de contingent de travailleurs étrangers et d’autorisations de courte durée pour des travaux spécifiques, qui s’apparenterait à l’ancien statut des saisonniers
[11].
Suite à la signature, en octobre 2004, de l’
Accord sur les produits agricoles transformés entre la Suisse et la Communauté européenne (ratification dans le cadre des Accords bilatéraux II, approuvés par le parlement lors de la session d’hiver 2004), le Conseil fédéral a décidé de mettre en vigueur au 1er février les dispositions d’exécution nécessaires pour l’application provisoire de celui-ci. Cet accord sur les produits agricoles est le premier des neuf conclus à prendre effet. Il concerne notamment le chocolat ou les soupes, mais aussi les pâtes, le café soluble et les eaux minérales. Il n’englobe en revanche pas le fromage, la viande ou le sucre cristallisé. L’UE doit supprimer les droits de douane grevant les importations suisses de denrées alimentaires et n’accordera plus de contributions pour les exportations de ces produits destinés à la Suisse. Cette dernière, quant à elle, diminuera, voire supprimera les droits de douane dans certains cas. L’accord n’aura toutefois pas de répercussions sur les caisses fédérales: la Suisse perdra quelque 70 millions de francs de taxes douanières, mais dépensera par contre 30 millions de moins pour les subventions aux exportations
[12].
Afin d’éviter le dumping salarial et social avec l’éventuelle extension de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux pays de l’UE en votation le 25 septembre, le syndicat Unia a soumis au Seco, au mois de juillet, un
contrat-type de travail national pour les ouvriers agricoles. Celui-ci fixait un revenu mensuel minimal de 3500 francs pour 45 heures hebdomadaires. L’USP, qui avait établi pour 2004 un salaire minimal de 2915 francs, et qui était revenue en arrière en l’abaissant à 2700 francs pour les employés non qualifiés saisonniers, n’a pas adhéré à la proposition d’Unia, estimant que le salaire minimal actuel était suffisant
[13].
Afin qu’ils ne puissent pas profiter d’une double rétribution, l’OFAG a indiqué que la centaine d’agriculteurs suisses qui exploitent des terres en Allemagne et qui souhaitent une aide financière de l’UE, verront le cas échéant leurs paiements directs diminuer. La Suisse et le Bade-Wurtemberg ont d’ailleurs mis un terme au différend qui les opposait sur l’
exploitation de terres allemandes par des paysans suisses. Le conseiller fédéral Joseph Deiss a accepté les restrictions posées par le Land allemand à l’achat de terres agricoles. Les autorités de Stuttgart devaient modifier d’ici à la fin de l’année sous revue leur législation, afin d’éviter que les paysans suisses n’acquièrent des terres à des prix que leurs collègues allemands ne peuvent pas offrir. Le Land sera ainsi à l’avenir autorisé à intervenir dès que les prix offerts par certains acquéreurs atteignent 120% des valeurs locales habituelles, contre 150% jusqu’alors
[14].
Les maraîchers suisses, soutenus par l’USP, Bio Suisse et les fédérations romande et suisse alémanique de consommateurs, ont déposé à la Chancellerie fédérale une
pétition munie de 30 000 signatures. Cette dernière réclame le maintien d’une production de légumes suisses, garante de fraîcheur, de qualité et de respect de l’environnement. Le but des pétitionnaires était de faire pression sur le Conseil fédéral, afin qu’il ne consente pas à des concessions majeures lors de négociations qui ont repris en milieu d’année à l’OMC. Plusieurs manifestations ont eu lieu en juillet, dont une qui a réuni 500 agriculteurs suisses, norvégiens, japonais, coréens et de quelques autres pays, devant le siège de l’OMC à Genève
[15].
Après avoir été dans l’impasse de juillet à novembre, principalement à cause du volet agricole, les négociations à l’OMC se sont finalement débloquées en partie en fin d’année. Après six jours de négociations à Hong Kong, les 149 membres de l’OMC, dont la Suisse, ont convenu de
mettre fin d’ici 2013 aux aides aux exportations agricoles. Cela représente environ 200 millions de francs annuels pour les agriculteurs suisses, et ne constitue ainsi pas un élément central pour ces derniers. Estimant que les subventions versées par les pays riches à leurs agriculteurs sapaient la concurrence internationale, les pays en développement – au premier rang desquels le Brésil – exigeaient la fin de ces aides d’ici à 2010. L’OMC est donc sortie de l’impasse dans laquelle elle se trouvait depuis l’échec du sommet de Cancun en 2003
[16].
Le Conseil national a adopté en fin d’année, sur proposition du gouvernement, un postulat Walter (udc, TG) qui demandait à ce dernier d’analyser les
conséquences qu’auraient
de nouveaux accords de libre-échange – notamment avec les Etats-Unis – en rapport avec le dossier agricole du cycle de négociations de Doha de l’OMC. Le député, président de l’USP, demandait également que soit examinée la compatibilité d’un traité bilatéral avec les Etats-Unis qui toucherait les produits agricoles avec les résultats du cycle de négociations en cours à l’OMC
[17].
[1] Presse du 3.2.05. Voir
APS 2004, p. 93 ss. (OMC).
[2] Presse du 3.2.05; presse du 13.8.05 (UDC). Notons encore que l’ « Alliance agricole », plateforme qui regroupe une quinzaine d’associations paysannes, écologistes et de défense des consommateurs (dont Bio Suisse, Uniterre, Pro Natura et le WWF Suisse) s’est mobilisée en faveur des paiements directs. Elle a notamment demandé leur maintien dans la PA 2011 (
LT, 15.1.05).
[3] Presse des 17-18.11.05. Contrairement à la dernière grande manifestation paysanne à Berne, en 1996, celle-ci n’a pas donné lieu à des heurts ou des affrontements avec les forces de l’ordre.
[5]
BO CN, 2005, p. 604 s.;
BO CE, 2005, p. 805 ss.
[7]
FF, 2005, p. 6629 ss.;
Bund et
QJ, 13.1.05 (mandat du CF);
Exp. et
QJ, 28.4.05 (consultation).
[8]
BO CN, 2005, p. 46 ss.
[9]
BO CN, 2005, p. 1974.
[10]
BO CN, 2005, p. 428 ss.;
24h, 29.3.05.
[11] Voir entre autres
24h et
LT, 6.8.05.
[12]
LT, 26.1.05;
24h et
NF, 27.1.05.
[13] Presse du 13.7.05. Voir également
LT, 2.6.05 et
APS 2004, p. 93.
[14] Presse du 1.6.05 (double rétribution);
24h et
NZZ, 26.8.05 (Bade-Wurtemberg).
[15]
LT et
NF, 24.6.05 (pétition); presse du 27.7.05 (manifestations).
[16] Presse des 18-19.12.05.
[17]
BO CN, 2005, p. 1510.
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