Année politique Suisse 2005 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Produits alimentaires
Les importantes modifications au droit de l’hygiène qui ont été faites en 2004 par l’UE ont nécessité des adaptations dans ce domaine en Suisse. Le Conseil fédéral a invité les milieux intéressés à prendre position jusqu’à la mi-juillet sur les adaptations qu’il a proposées, afin de garantir aux produits helvétiques – notamment laitiers – l’accès au marché européen et améliorer la sécurité du consommateur. En tout,
32 ordonnances concernant les denrées alimentaires, l’hygiène et les objets usuels ont dû être restructurées ou élaborées. Le traçage des denrées alimentaires en aval et en amont, afin de faciliter le retrait du marché des produits non conformes, de même que la mise en place d’une marque d’identification ou de salubrité sur les denrées alimentaires d’origine animale, sont parmi les mesures que la Suisse a dû prendre pour s’adapter au droit communautaire. Les milieux concernés ont salué cette harmonisation mise en consultation, même s’ils ont émis des réserves en ce qui concerne les instances de contrôle. Le Conseil fédéral a tenu à ce que les choses aillent vite, afin que les ordonnances en question puissent entrer en vigueur le plus rapidement possible, le droit européen révisé en la matière entrant en vigueur au 1er janvier 2006. Il a ainsi modifié les ordonnances concernées à la fin novembre
[28].
Le Conseil national a concrétisé en début d’année une initiative parlementaire Ehrler (pdc, AG), à laquelle la chambre du peuple avait décidé de donner suite en 2003, en modifiant la loi sur l’agriculture par 143 voix sans opposition. Les
aliments d’origine suisse seront désormais favorisés, puisque leur
étiquette pourra préciser qu’ils satisfont à des exigences plus élevées que les produits importés. Le Conseil des Etats devra toutefois encore se prononcer
[29].
Lors de sa conférence de presse annuelle, Bio Suisse, l’union faîtière des organisations d’agriculture biologique, a annoncé que les
ventes de produits portant le label « bio »
ont baissé durant l’année sous revue de 0,5% par rapport à 2004, pour atteindre un chiffre d’affaire global de 1,183 milliards de francs. Pour la première fois depuis environ 25 ans, le nombre des fermes bio a enregistré un léger recul en 2005, et l’on en compte désormais 6 144, soit 166 de moins qu’en 2004 (-2,6%). Elles représentent environ 11% de toutes les exploitations agricoles suisses. Le recul enregistré s’explique, selon Bio Suisse, par les modifications structurelles de l’agriculture, le manque de repreneurs ou encore par des considérations économiques (cahier des charges trop strict)
[30].
La Confédération a demandé en milieu d’année des modifications du cahier des charges du dossier AOC du vacherin fribourgeois. Réunie en assemblée générale au mois de mai, l’Interprofession du vacherin fribourgeois (IPVF) a décidé à l’unanimité de refuser de négocier avec Berne. L’OFAG a décidé d’attribuer l’AOC au
vacherin fribourgeois en juillet, de même qu’à la
poire à Botzi et à la
damassine. En fin d’année, plusieurs oppositions ont été formulées à l’encontre de ces trois demandes
[31].
Le Conseil des Etats a adopté en début d’année une motion Glasson (prd, FR), qui avait préalablement été adopté au Conseil national fin 2004. Celle-ci demandait au gouvernement que l’article 182 de la loi sur l’agriculture (LAgr) soit mis en vigueur par voie d’ordonnance dans les meilleurs délais, afin que puisse être instauré un
service des fraudes dans les domaines de la désignation protégée de produits agricoles (AOC), de l’importation, du transit et de l’exportation de produits agricoles, de la déclaration de la provenance et du mode de production
[32].
Dans le cadre de la « bataille » sur l’
Emmental, deux députés du parlement de l’UE ont lancé une contre-offensive aux démarches suisses pour une AOC pour ce fromage. Ils ont présenté à Strasbourg une initiative franco-allemande pour faire reconnaître leur produit, et ont entamé les démarches afin d’obtenir de Bruxelles le label « Spécialité traditionnelle garantie (STG) »
[33].
Le
Conseil des Etats a suivi le Conseil fédéral et a rejeté, par 32 voix contre 7, en début d’année, l’
initiative populaire « pour des aliments produits sans manipulations génétiques », qui demandait un moratoire de cinq ans sur l’usage d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l’agriculture
[34].
La décision a été nettement moins tranchée au
Conseil national. En effet, la chambre du peuple a rejeté cette initiative populaire par 91 voix contre 88 (et 2 abstentions), suite à des débats très animés, et contre l’avis de sa commission de la science, de l'éducation et de la culture (CSEC-CN), qui avait recommandé, par 13 voix contre 10 (et 2 abstentions), d’approuver l’initiative en question. Une proposition Randegger (prd, BS), qui demandait un renvoi de cet objet au Conseil fédéral avec mandat d'élaborer un contre-projet indirect à l'initiative populaire, afin de clarifier les questions liées à la coexistence de cultures traditionnelles et de plans issus d’OGM, a été rejetée au plénum par 96 voix contre 83. Deux camps s’y sont finalement affrontés: d’un côté, les partisans de l’initiative populaire, représentés par la gauche et quelques députés UDC agrariens, ont notamment invoqué des raisons de sécurité alimentaire. Ils ont pu s’appuyer sur des sondages qui ont montré que les consommateurs étaient favorables à une interdiction des OGM dans les produits alimentaires. De l’autre côté, les opposants au texte ont mis en exergue les risques liés à un tel moratoire, au niveau de la recherche scientifique et des conséquences économiques dommageables qui pourraient en résulter. Chose rare, lors de la confirmation du vote effectué trois jours plus tôt, les députés se sont retrouvés à 92 voix contre 92. La présidente du Conseil national, Thérèse Meyer (pdc, FR), a dû trancher. Par 93 voix contre 92, cet objet a finalement été rejeté. Par 35 voix contre 10, les conseillers aux Etats ont de leur côté clairement confirmé leur premier vote
[35].
Le Conseil fédéral a agendé la date de la votation populaire sur cet objet au 27 novembre. Trente-deux organisations paysannes, de consommateurs et de protection de l’environnement ont lancé la
campagne en faveur du moratoire sur les OGM dans l’agriculture et dans les élevages d’animaux destinés à l’alimentation à la fin du mois de septembre. Le Conseil fédéral, représenté par le ministre de l’économie Joseph Deiss, responsable de ce dossier, s’est engagé quelques jours plus tard contre le texte. Au niveau des partis politiques, les Verts, le PS, le PEP, le PdT, l’UDF, de même que les Démocrates suisses se sont prononcés en faveur de l’initiative. Pour les défenseurs du moratoire, l’utilisation du génie génétique dans le domaine alimentaire aurait pour conséquence de renchérir considérablement les prix des produits (y compris ceux sans OGM). De plus, les conséquences de la culture et de la consommation des OGM ne sont pas connues, selon les partisans du texte. Ils ont encore insisté sur le fait que l’initiative n’interdisait pas la recherche en Suisse, mais permettait de se donner du temps, afin d’effectuer des études, d’évaluer les dangers de ces nouvelles plantes et de se pencher, notamment, sur la coexistence dans l’agriculture des productions avec et sans OGM
[36].
Le Conseil fédéral, le PRD, le PDC, l’UDC et le Parti libéral se sont opposés au texte, de même que l’USAM et Economiesuisse. Quelques sections cantonales du PDC (AG, GR, NE, NW, OW, SG, SZ, TI et UR) et de l’UDC (GL, GR, LU et TG) ont toutefois rejoint le camp des partisans de l’initiative en donnant des
mots d’ordre contraires à la position du parti suisse. Les opposants au moratoire sur les OGM étaient d’avis que la Suisse, en cas de « oui », perdrait son attractivité pour les nouvelles technologies. Le projet priverait les paysans de leur liberté d’entreprendre et les consommateurs de leur libre choix. Ils estimaient, en outre, que cela aurait des conséquences négatives sur la recherche universitaire, de même que sur l’économie et l’emploi. Selon eux, la loi sur le génie génétique, entrée en vigueur en 2004, offrait des garde-fous suffisants
[37].
Initiative populaire « Pour des aliments produits sans manipulations génétiques »
Votation du 27 novembre 2005
Participation: 41,7%
Oui: 1 125 357 (55,7%) / cantons: 20 6/2
Non: 896 372 (44,3%) / cantons: 0
Mots d’ordre:
– Oui: PS, Verts, PEP, PdT, UDF, DS; USS, Travail suisse, USP.
– Non: PRD, PDC (9*), UDC (4*); USAM, Economiesuisse.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
En votation,
l’initiative populaire « pour des aliments produits sans manipulations génétiques » a été approuvée par 55,7% des citoyennes et citoyens et par tous les cantons, sans exception. Le taux de participation s’est élevé à 41,7%. L’approbation a été particulièrement massive en Suisse romande et au Tessin. Il est intéressant de souligner qu’il s’agit seulement de la quinzième initiative populaire fédérale acceptée en votation
[38].
L’
analyse VOX a montré qu’une bonne majorité des votants (68%) a considéré qu’il s’agissait d’une interdiction générale de produire des aliments génétiquement modifiés et non d’un simple moratoire. Seul un tiers d’entre eux connaissaient véritablement les détails de l’initiative et ont indiqué que cette interdiction ne serait valable que pour les produits émanant de l’agriculture du pays. L’analyse a également montré que deux éléments ont exercé une grande influence sur le comportement de vote: l’attitude fondamentale par rapport au système économique (personnes favorables à l’intervention étatique
vs personnes qui privilégient une grande liberté dans l’économie de marché) et le positionnement sur l’axe gauche-droite. Au niveau de ce dernier, plus une personne se classait à gauche, plus elle a voté en faveur du moratoire. Les sympathisants d’un parti ont suivi de manières diverses les recommandations de vote émises par leur parti. Ceux du PS et du PRD s’y sont majoritairement conformés, tandis que la moitié des sympathisants de l’UDC et du PDC ne les ont pas respectées. Pour trois personnes sur quatre qui ont voté « oui », le rejet de la technologie génétique a été la raison principale de leur décision, même si elles ne la rejetaient pas toutes fondamentalement. Pour la grande majorité des personnes qui ont refusé le texte, les arguments en rapport avec la recherche ont été déterminants
[39].
Suite à cette votation, et afin d’en savoir plus avant de légiférer, le Conseil fédéral a décidé de lancer un
nouveau programme national de recherche dans le domaine des risques liés à la dissémination d’OGM
[40].
[28]
LT et
QJ, 15.4.05 (mesures à prendre);
LT et
QJ, 19.7.05 (résultats de la procédure de consultation);
TA, 31.8.05;
NZZ, 1.7.05;
LT et
QJ, 25.11.05 (ordonnances modifiées).
[29]
BO CN, 2005, p. 316 ss.;
LT, 15.3.05.
[30]
Communiqué de presse de Bio Suisse, 28.3.06.
[31]
Lib., 14.5.05 (refus de négocier);
Lib. et
QJ, 8.7.05 (mise à l’enquête);
24h et
LT, 19.10.05 (oppositions).
[32]
BO CE, 2005, p. 273 s. Voir
APS 2004, p. 99.
[33]
LT, 6.7.05. Voir
APS 2004, p. 99.
[34]
BO CE, 2005, p. 265 ss.
[35]
BO CN, 2005, p. 787 ss. et 971;
communiqué de presse de la CSEC-CN, 15.4.05; presse du 15.6.05;
Exp., 18.6.05 (vote Meyer);
FF, 2005, p. 3823 s.
[36] Voir entre autres:
24h, 29.9.05.
[37]
24h et
LT, 29.9.05 (lancement de la campagne); presse du 4.10.05 (arguments opposants);
SGT, 19.11.05 (mots d’ordre contraires).
[38]
FF, 2005, p. 3823; presse du 28.11.05.
[39] Hirter, Hans / Linder, Wolf,
Vox. Analyse des votations fédérales du 27 novembre 2005, Berne 2005.
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