Année politique Suisse 2005 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Energie nucléaire
La Suisse a adhéré au début du mois de janvier à l’
Association européenne des autorités de surveillance pour la protection des installations nucléaires (ENSRA) contre le sabotage. Fondé par huit pays, cet organisme vise à renforcer l’échange d’informations. Les pays signataires ont aussi comme objectif de développer une pratique européenne pour l’application de mesures de protection. Ils s’étaient réunis peu après les attentats du 11 septembre 2001 pour échanger des informations de manière informelle
[9].
La Suisse a adhéré à un
accord sur la recherche
visant à
développer des réacteurs nucléaires de quatrième génération. Dans le cadre de cet accord, la Suisse étudiera le comportement des matériaux à haute température. Les chercheurs se pencheront en particulier sur deux des modèles sélectionnés par le Generation IV international Forum (GIF). Il s’agit du réacteur rapide refroidi au gaz et du réacteur à très haute température. Ces deux modèles ont été choisis parce qu’ils permettent une synergie des recherches et qu’ils maximisent le recyclage des combustibles. Aux yeux du GIF, ils font partie des six technologies de fission nucléaire les plus prometteuses pour prendre la relève dans les centrales nucléaires à partir de 2030
[10].
La Suisse a débloqué 30 millions de francs pour soutenir le
projet de réacteur de fusion nucléaire ITER qui sera construit en France
[11].
La Confédération et le canton du Jura ont signé une
convention sur la gestion et la surveillance du laboratoire de recherche en stockage de déchets nucléaires du
Mont-Terri (JU). Cette dernière répartit plus clairement les tâches entre le canton et la Confédération, met en évidence les recherches d’envergure internationales menées au Laboratoire du Mont-Terri (LMT) et amène davantage de transparence
[12]. La Confédération coordonne les intérêts suisses, les activités sur le site et la sécurité des lieux. En service depuis 1996, le LMT accueille des équipes de recherches françaises, allemandes, belges, espagnoles, japonaises et suisses. Un accord séparé de la convention régit les relations entre la Confédération et les douze partenaires du projet Mont-Terri. Il comprend une série de vingt expériences financées par les partenaires. Les scientifiques concentrent leur recherche sur les propriétés des argiles à Opalinus. D’après eux, elle est la roche idéale pour entreposer des déchets nucléaires. La convention interdit également l’entreposage temporaire ou définitif de déchets sous le Mont-Terri
[13].
La Suisse et la France ont renforcé leur collaboration en matière de sécurité des installations nucléaires. Un membre suisse a fait son entrée au conseil d’administration de l’
Institut français de radioprotection et de sécurité nucléaire (IRSN)
[14].
Le Conseil fédéral a mis le projet de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire en consultation: il doit faire passer la
couverture d’assurance pour les installations atomiques de 1 à 2,25 milliards de francs. Elle est répartie en trois tranches: 1,1 milliard pour les exploitants, 700 millions pour l’Etat siège de la centrale et le reste pour les Etats signataires des conventions. Le projet concerne également l’adoption des conventions nucléaires sur l’énergie. Ces textes instaurent les mêmes conditions d’indemnisation et les mêmes procédures juridiques dans les pays signataires en cas d’accident. Le projet n’a ravi personne en consultation. L’association des exploitants des centrales nucléaires Swissnuclear et le Forum nucléaire suisse saluent la volonté d’adopter les conventions internationales sur l’énergie nucléaire dans la loi, mais ils refusent la traduction faite de ces textes dans la loi. Ils ne veulent pas assumer seuls la hausse de leur couverture d’assurance à 2,25 milliards de francs. Le PRD est favorable à la ratification des conventions, tout en estimant que la hausse de la couverture est arbitraire. Le PDC, l’UDC et economiesuisse jugent la participation suisse aux conventions internationales importantes, mais la couverture d’assurance des exploitants de centrales doit être portée à 1,8 milliard de francs, soit la somme moyenne pratiquée dans les autres pays signataires. A l’opposé, pour le PS, les dédommagements prévus en cas d’accident nucléaire ne couvriraient pas les dommages réels. De ce fait, les socialistes ne voient aucune raison de ratifier les conventions. Ils exigent qu’une couverture d’assurance correspondant aux risques réels soit calculée par une instance neutre. Les Verts partagent la position du PS
[15].
L’entreprise BKW Energie AG a demandé au Conseil fédéral de lever la limitation d’exploitation de la
centrale nucléaire de Mühleberg pour la transformer en une autorisation d’utilisation illimitée. Le gouvernement a répondu que, selon la loi, l’OFEN est désormais responsable pour ce genre de requête
[16].
L’exploitation de la
centrale nucléaire de Leibstadt a été stoppée le 28 mars en raison d’une avarie. Sous l’effet de la chaleur, un élément servant à renforcer le champ magnétique dans le générateur s’est dilaté. Cette perturbation a provoqué l’arrêt automatique de la turbine. Le réacteur n’a pas été touché. Après l’installation de nouveaux éléments, la centrale a reçu fin août l’autorisation de remise en service par la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (HSK). L’autorité de surveillance a toutefois exigé un meilleur respect des règles d’exploitation
[17].
Le chef du DETEC, Moritz Leuenberger, a créé un
comité consultatif chargé de suivre le choix des sites pour le dépôt des déchets nucléaires hautement radioactifs. Il doit aider à repérer les objections, à voir comment intégrer la population et renforcer son acceptation. Le comité est composé de cinq personnes regroupant des pro- et des antinucléaires
[18].
Commandée en 2004 par Moritz Leuenberger, l’OFEN a validé les
résultats de l’étude menée par la Société coopérative nationale pour l’entreposage des déchets hautement radioactifs (Nagra). La Nagra s’est penchée sur les roches cristallines et argileuses, ainsi que sur l’opaline argileuse. D’après les experts, ce troisième type de roche présente les meilleures caractéristiques de « barrière » pour accueillir les déchets hautement radioactifs. Elle est présente au pied du Jura argovien et soleurois, ainsi que dans le Weinland zurichois. Selon la Nagra, c’est dans cette dernière zone que l’opaline argileuse est située à la bonne profondeur, entourée de couches géologiques qui lui assurent une sécurité accrue. Par ailleurs, la roche est restée épargnée par les pressions tectoniques. Pour la Nagra, la région du
Weinland zurichois, à proximité du village de Benken, remplit mieux que tout autre endroit les
critères décisifs pour le stockage des déchets radioactifs. La Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires (CSA) a aussi donné un préavis favorable à l’étude de la Nagra, mais elle a relevé quelques inconnues. Les matériaux proposés pour les fûts de stockage ne seraient pas optimaux: ils pourraient dégager des gaz susceptibles d’attaquer la barrière d’opaline. L’OFEN a mis le dossier à l’enquête publique
[19].
Le Conseil des Etats a approuvé tacitement une
motion de Hans Hofmann (udc, ZH) demandant qu’une décision soit prise le plus rapidement possible dans le dossier de l’
élimination des déchets hautement radioactifs. Moritz Leuenberger a répété le calendrier prévu. Le gouvernement devrait se prononcer sur la faisabilité du stockage des déchets hautement radioactifs dans la deuxième moitié de l’année 2006. Le site serait ensuite sélectionné vers 2010, mais le conseiller fédéral n’exclut pas qu’il faudrait plus de temps afin d’effectuer notamment des explorations supplémentaires. Dans un tel cas, la décision serait repoussée à 2014
[20]. Lors d’une rencontre entre la Suisse et ses trois voisins germanophones, l’Autriche a exprimé le souhait d’être régulièrement informée sur le projet de dépôt de déchets nucléaires du Weinland zurichois
[21].
Les résultats de la
consultation sur le dépôt de déchets nucléaires dans le Weinland zurichois ont révélé des
avis controversés. Le PS, les Verts et les associations environnementales se sont déclarés opposés au projet. Le rapport de la Nagra ne les a pas convaincu, car ils estimaient que la sécurité d’un tel dépôt ne pourrait pas être assurée à long terme. L’association environnementale allemande du Baden-Württemberg a rejoint cette position et a demandé à ce que d’autres lieux, plus éloignés de la frontière, soient évalués. Les communes zurichoises ont également exigé que le Weinland ne soit pas d’office le premier choix. Les partis de droite, la branche nucléaire et les cantons situés autour de Zurich se sont déclarés satisfaits du projet. Swissnuclear a même enjoint les autorités à passer à une procédure de décision politique. Au total, l’OFEN a reçu 3800 prises de position durant la consultation. 825 d’entre elles provenaient de Suisse, 2770 d’Allemagne, 200 d’Autriche et 5 de France. L’OFEN a indiqué que 97,5% des prises de position émanaient de personnes privées. Prenant officiellement position, le canton de Zurich a refusé d’accepter « tel quel » un dépôt de déchets hautement radioactifs dans le Weinland zurichois: il a prié la Nagra d’évaluer le stockage dans d’autres sites argoviens et soleurois. Selon le Conseil d’Etat zurichois, la sélection ne doit pas uniquement reposer sur des critères techniques. Elle doit également s’opérer en fonction des infrastructures nationales qui pèsent sur une région. Le gouvernement zurichois faisait allusion à la densité de trafic et aux nuisances liées à l’aéroport que supportent déjà le canton
[22].
[10]
Lib., 19.4.05. Pour plus d’informations sur le GIF cf.
APS 2002, p. 135.
[12] Les bâtiments du LMT appartiennent au canton du Jura, qui les mets à disposition de la Confédération. En retour, elle lui verse annuellement 60 000 francs à titre d’indemnité et participe à hauteur de 20 000 pour l’information au public. Le canton a aussi son mot à dire dans les travaux de recherche. Chaque année, une commission cantonale examine le programme scientifique et le soumet à l’approbation du Département de l’environnement et de l’équipement jurassien.
[15] Presse du 30.6.05;
LT, 24.9 et 2.11.05. Cf.
APS 2001, p. 119.
[16]
NZZ, 28.1.05;
BZ, 11.6.05.
[17] Presse du 7.4, 23.4 et 17.9.05;
24h, 27.4 et 2.9.05;
QJ, 22.6.05;
LT, 30.8.05;
NZZ, 3.9.05.
[19] Presse du 13.9.05. Cf.
APS 2004, p. 124 s.
[20]
BO CE, 2005, p. 822 s.; presse du 5.10.05.
[22]
TA, 8.12.05;
NZZ, 13.12.05;
LT, 14.12.05; presse du 23.12.05.
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