Année politique Suisse 2008 : Wirtschaft / Landwirtschaft
Production animale
L’année sous revue a été marquée par de
vives
tensions sur le marché laitier national. Au vu de l’augmentation récente et importante des coûts de production de lait (les fourrages ayant renchéri de 15%, le carburant de 18% et les engrais de 30%), la Fédération des producteurs suisses de lait (FPSL) a demandé une augmentation substantielle du prix du lait en début d’année, le producteur étant payé 75 centimes par litre. Au mois de mai, les négociations entre producteurs et transformateurs n’ont pas abouti, ces derniers refusant toute augmentation du prix payé aux premiers. Fin juin, dans la lignée des revendications identiques des producteurs de lait de plusieurs pays européens (Allemagne, Autriche, Pays-Bas et Belgique) et des grèves qui y ont été lancées, deux organisations agricoles (Uniterre en Suisse romande et la Bäuerliche Interessengruppe für Marktkampf (Big-M) en Suisse alémanique) ont lancé une « grève du lait », afin de tenter de faire entendre leurs revendications. Cinq jours après le démarrage de ces mouvements, la FPSL, réunie en assemblée extraordinaire, a lancé un ultimatum aux quatre plus grands transformateurs de lait du pays (Emmi, Cremo, Elsa et Hochdorf-Swissmilk), les menaçant de rejoindre la grève si une hausse substantielle des prix n’était pas acceptée. Sous la menace, les principales centrales laitières ont finalement accepté de verser six centimes de plus par kilo de lait aux producteurs (l’accord étant valable six mois à partir du 1er juillet), mettant ainsi fin à une grève de sept jours. Le commerce de détail a rapidement annoncé une répercussion de cette hausse sur le prix des produits laitiers. Cette hausse des prix payés aux producteurs a cependant êté remise en question au mois de novembre, ceux-ci enregistrant alors des baisses de l’ordre de 3,5 à 4,5 centimes par litre de lait payé. Les centrales laitières ont justifié ces « retenues » (et non « baisse de prix », selon leurs termes) par la surproduction et la baisse des prix à l’étranger. Anticipant la libéralisation totale du marché laitier en 2009, certaines centrales laitières ont encore fait chuter les prix payés au producteur, afin, selon elles, que les produits suisses restent compétitifs et soient capables de garder des parts de marché face aux produits importés
[14].
Nouvel épisode dans la lutte pour le partage du marché laitier en prévision de la fin définitive du contingentement, la FPSL a proposé en août à ses membres la création d’un
pool national du lait chargé de négocier au niveau suisse les quantités et les prix du lait, pour faire face à la libéralisation du marché laitier. Cette structure, qui sera opérationnelle à partir de mai 2009, vise également à garantir les prix des excédents de production (grâce au Fonds de soutien du prix du lait)
[15]. De leur côté, les transformateurs de lait Cremo, Hochdorf-Swissmilk et Elsa ont décidé de créer quelques semaines plus tard leur propre filière, sous l’enseigne Association lait suisse (ALS). Il est prévu que l’ALS conclue des contrats avec des producteurs fixant les quantités prises en charge et les prix, ainsi qu’une bourse nationale du lait pour les excédents
[16].
La Commission européenne a annoncé qu’une
taxe sur les importations de lait en poudre écrémé en provenance de Suisse serait appliquée à partir du 1er février. C’est la première fois dans l’histoire des relations Suisse-UE qu’une telle taxe est prélevée. L’UE, qui a basé sa décision sur l’accord de libre-échange entre la Suisse et les Communautés européennes de 1972, prélèvera un montant fixé à 832 euros par tonne de lait en poudre écrémé. Cette taxe, qui vise à remédier aux distorsions de concurrence, doit compenser la baisse du prix du lait helvétique, ce dernier étant inférieur à celui produit au sein de l’UE
[17].
L’invasion redoutée de produits étrangers suite à l’ouverture totale du marché du
fromage entre la Suisse et l’UE en 2007 n’a pas eu lieu au cours de l’année écoulée. Si les importations ont certes augmenté, les exportations ont globalement progressé (+3,2% par rapport à 2007) dans toutes les catégories
[18].
Sur avis favorable du Conseil fédéral, le Conseil national a adopté une motion Moser (Verts libéraux, ZH), qui demandait au gouvernement de rendre obligatoire la
déclaration de la viande de lapin importée provenant d'élevages en batterie non conformes aux normes suisses, afin de supprimer la distorsion du marché qui résulte du standard des dispositions suisses relatives à la protection des animaux
[19].
Suite au débat sur cet objet au Conseil des Etats en 2007, le Conseil national a adopté à son tour une motion Büttiker (prd, SO) qui, amputée d’une de ses deux revendications, demandait au Conseil fédéral de présenter des propositions concernant le
développement du système d'importation actuel, consistant à mettre aux enchères les contingents tarifaires de bétail de boucherie et de viande. La gauche et une partie du PDC ont vainement tenté de s’opposer à l’adoption de cette motion, estimant que le système actuel était satisfaisant et que cette question pourrait être rediscutée quoi qu’il arrive dans le cadre des négociations en suspens à l’OMC et de la conclusion d’un accord commercial de libre-échange agricole avec l’UE
[20].
Le
cervelas,
dont la consommation suisse atteint les 160 millions de pièces annuelles (soit 30% de l’ensemble de la production de saucisses du pays), a fait une apparition remarquée sur la scène politique au cours de l’année sous revue. En effet, les stocks de boyaux de bœuf brésilien servant à confectionner cette saucisse étant presque épuisés en début d’année, l’Union professionnelle suisse de la viande (UPSV) a demandé au Conseil fédéral qu’il intervienne auprès de l’UE, qui avait interdit l’importation de boyaux de bœuf du Brésil en 2006 à cause des risques d’ESB, afin qu’elle en autorise une « fenêtre d’importation »
[21].
L’
interdiction d’importer de la viande de poulet
venant d’Israël a été assouplie début mars, suite à une décision similaire prise par l’UE
[22].
Les chambres ont adopté, sur recommandation du Conseil fédéral, une motion Zemp (pdc, AG), qui demandait au gouvernement de modifier la loi du 1er juillet 1966 sur les épizooties, afin d'assurer une
prévention plus active, et surtout plus rapide,
des épizooties et des zoonoses. Le député estimait en effet qu’il manquait une base légale qui permettrait, au vu des menaces récentes d’épidémie de grippe aviaire par exemple, de financer des mesures de prévention telles que des campagnes générales de vaccination, des programmes de dépistage précoce et de surveillance, etc
[23].
Au mois de mars, le premier cas de
grippe aviaire depuis deux ans a été diagnostiqué chez un canard dans le cadre du programme de surveillance officiel
[24].
Malgré une décision favorable du Conseil des Etats en 2007, le Conseil national a rejeté une motion Stadler (pdc, UR), qui demandait au Conseil fédéral de
modifier la loi sur les épidémies, de sorte que les cantons puissent faire intervenir des thérapeutes qui ne sont pas médecins, afin de coordonner les mesures de lutte contre les maladies transmissibles
[25].
Déterminée à endiguer une possible épidémie de maladie de la langue bleue en Suisse, la Confédération a lancé au mois de juin une
campagne de vaccination obligatoire pour tous les bovins, moutons et chèvres du pays, soit environ deux millions d’animaux. Cette campagne, dont le coût est estimé entre 15 et 20 millions de francs par an (une vaccination de rappel étant nécessaire chaque année), sera prise en charge par la Confédération (4 millions pour le vaccin), le reste étant partagé entre cantons et agriculteurs dans des proportions propres à chaque canton
[26]. Lors d'une réunion à Berne, les milieux agricoles et vétérinaires, les services vétérinaires cantonaux et l'Office vétérinaire fédéral ont décidé de manière unanime que la campagne de vaccination obligatoire sera
reconduite
en 2009
[27].
[14]
NZZ, 1.2.08;
TG, 2.2.08 (revendications);
Lib. et
NZZ, 17.4.08 (FPSL);
LT et
NZZ, 23.5.08 (échec des négociations); presse des 29 et 30.5.08 (grève Uniterre et Big-M);
LT et
Lib., 2.6.08 (ultimatum FPSL), presse du 4.6.08 (accord);
LT, 10.7.08 (hausse des prix des produits laitiers);
Lib., 6.11.08 et
NZZ, 20.12.08 (baisse des prix).
[15]
Lib. et
TA, 29.8.08. Voir
APS 2007, p. 127 s.
[16]
LT, 25.10 et 8.11.08.
[18]
Communiqué de presse de Switzerland Cheese Marketing SA, 6.2.09. Voir
APS 2007, p. 127.
[19]
BO CN, 2008, p. 1554.
[20]
BO CN, 2008, p. 16 ss. Voir
APS 2007, p. 128.
[21]
Exp. et
NZZ, 16.1.08;
NZZ, 29.2.08;
TG, 23.12.08.
[23]
BO CN, 2008, p. 1005;
BO CE, 2008, p. 947 s.
[25]
BO CN, 2008, p. 1166. Voir
APS 2007, p. 128 et infra, partie I, 7b (Politique de la santé).
[26]
Lib. et
NZZ, 4.6.08.
[27]
Communiqué de presse de l’OVF, 21.10.08.
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