Année politique Suisse 2009 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie / Politique énergétique
Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action « efficacité énergétique » adopté par le Conseil fédéral l’année précédente, celui-ci a présenté au parlement un message concernant une modification de la loi sur l’énergie. Le gouvernement a ainsi proposé d’introduire dans la loi l’obligation pour les cantons, seuls compétents en la matière, de définir et d’introduire un certificat énergétique des bâtiments uniforme à l’échelle nationale. Le projet a en outre comporté une adaptation des aides financières pour l’assainissement des bâtiments, afin que le calcul prenne en compte non plus seulement les coûts supplémentaires non amortis, mais l’ensemble des investissements supplémentaires. Enfin, le Conseil fédéral a proposé d’étendre les contributions globales de la Confédération aux cantons aux domaines de l’information et du conseil, ainsi que de la formation et du perfectionnement.
Lors de la session d’hiver, le
Conseil des Etats a décidé l’entrée en matière sans la moindre opposition. Réservant au projet gouvernemental un accueil très favorable, les sénateurs ont toutefois interrogé le chef du DETEC au sujet de la constitutionnalité de l’obligation faite aux cantons de se doter d’une étiquette énergétique uniforme pour les bâtiments. Moritz Leuenberger a tout d’abord rappelé que la conférence des directeurs cantonaux de l’énergie avait déjà adopté un certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB). Il a également fait valoir que cette obligation ne portait pas sur le contenu, mais seulement sur la forme du certificat et qu’elle devait garantir que, à l’avenir, les cantons n’abandonnent pas le certificat commun au profit d’une solution solitaire, purement cantonale. Aucun autre aspect du projet n’ayant suscité de discussion, c’est à l’unanimité que la chambre haute a approuvé cette modification de la loi sur l’énergie
[5].
Toujours dans le cadre du plan d’action « efficacité énergétique », le Conseil fédéral a approuvé la
révision de l’ordonnance sur l’énergie mise en consultation l’année précédente. Il y a introduit des prescriptions plus sévères concernant la consommation d’énergie des appareils ménagers et électroniques, des lampes et des moteurs électriques. Alignées sur celles de l’UE, les nouvelles normes sont censées permettre une économie d’environ 960 millions de kWh par an. Leur entrée en vigueur a été synchronisée avec l’UE et s’échelonne du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2013
[6].
Dans le cadre du
programme de stabilisation de l’économie nationale, le parlement a pris un certain nombre de mesures dans le domaine énergétique. Lors de la première phase, il a décidé, en décembre 2008, de consacrer 50 millions de francs à l’octroi d’aides en faveur de l’assainissement des bâtiments. Au début de l’été, l’Office fédéral du logement en a octroyé une première tranche de 16 millions sous la forme de prêts de 45 000 francs par logement, remboursables en vingt-cinq ans, pour l’isolation complète de l’enveloppe de bâtiments d’habitation, tandis que les autres 34 millions ont été alloués dans un second temps, à l’automne. Lors de la session de printemps, les chambres ont adopté un second train de mesures pour un montant de 60 millions de francs. Ainsi trois programmes d’encouragement, destinés respectivement aux installations photovoltaïques figurant sur la liste d’attente de la rétribution à prix coûtant (RPC; cf. infra, Energies alternatives), au remplacement des chauffages électriques à accumulation et aux projets de chauffage à distance utilisant les rejets de chaleur ou les énergies renouvelables, ont été mis en œuvre par l’OFEN
[7].
La CEATE-CN a présenté son projet de loi fédérale sur des mesures incitatives en faveur des économies d’énergie dans le bâtiment concrétisant l’initiative parlementaire Hegetschweiler (plr, ZH). Cette proposition de modification de la loi sur le CO2 vise à instituer un
programme national d’assainissement des bâtiments financé par une affectation partielle de la taxe sur le CO2 équivalant à un tiers du produit de celle-ci mais au maximum 200 millions de francs. Les aides allouées sont prioritairement destinées à la rénovation énergétique et, dans une moindre mesure, à l’encouragement des énergies renouvelables. Elles ne peuvent être octroyées qu’aux cantons qui contribuent eux-mêmes pour une part au financement de ces mesures d’assainissement. Enfin, le projet règle les conséquences du programme au niveau du droit du bail. Les bailleurs pourront être exonérés de la taxe et ne seront pas contraints de répercuter les remboursements sur les locataires, mais ils auront la possibilité de les conserver en vue d’investissements énergétiques
[8].
Le
Conseil fédéral a exprimé un avis favorable sur le projet, à l’exception de la modification du droit du bail. Le gouvernement a en effet jugé que les montants en jeu pour les propriétaires étaient trop faibles pour les inciter réellement à entreprendre des travaux d’assainissement. La mise en œuvre de cette nouveauté engendrerait en outre des coûts administratifs conséquents. Se ralliant à l’avis du Conseil fédéral, la commission a finalement renoncé à cette modification du code des obligations
[9].
Le Conseil national a décidé l’entrée en matière, par 110 voix contre 62, rejetant ainsi une proposition contraire d’une minorité UDC et PLR de la commission. Les groupes socialiste et écologiste étaient acquis au projet. Fait remarquable, le débat a essentiellement opposé deux tendances au sein des partis bourgeois, à savoir, d’une part, les partisans du projet qui se sont félicités que l’argent consacré à la compensation des émissions CO2 soit investi en Suisse à travers le « Programme bâtiments » et, d’autre part, les opposants qui ont dénoncé l’inconstitutionnalité de cet usage de la taxe sur le CO2 et plaidé en faveur d’incitations fiscales à destination des propriétaires immobiliers. Au terme de ces échanges, parfois vifs, une nette majorité a approuvé la création du programme et son mode de financement. Le plénum a rejeté une proposition d’une minorité bourgeoise de la commission visant à obliger les cantons à contribuer pour un montant au moins égal à celui de la Confédération. Les députés ont toutefois amendé le projet afin d’allonger le délai pour le versement des aides de 5 à 10 ans et de charger le Conseil fédéral de rapporter sur l’efficacité de ces mesures au terme des cinq premières années. Au vote sur l’ensemble, le projet amendé a été adopté par 113 voix contre 57.
Au Conseil des Etats, le débat a révélé un clivage analogue. Les sénateurs ont approuvé l’entrée en matière par 26 voix contre 11. Contrairement à la chambre du peuple, la chambre des cantons a suivi sa commission et décidé de limiter le soutien aux énergies renouvelables à un tiers du fonds affecté (soit 67 millions de francs). Toujours sur proposition de sa CEATE, elle a amendé le projet de loi de sorte que la récupération des rejets de chaleur et les installations techniques puissent également bénéficier de subventions. Enfin, les sénateurs ont refusé de restreindre l’octroi de ces aides aux seuls cantons qui contribuent aux mesures d’assainissement. Ils l’ont en revanche conditionné à la conclusion d’une convention-programme entre la Confédération et les cantons requérants. Au vote sur l’ensemble, le Conseil des Etats a approuvé le projet par 27 voix contre 7.
La chambre du peuple s’est ralliée à celle des cantons sur l’ensemble des
divergences. En votation finale, le projet a été adopté, respectivement par 102 voix contre 74 (et 16 abstentions) et par 32 voix contre 10
[10]. Conséquemment, le Conseil des Etats a jugé que les objectifs visés par la motion Chevrier (pdc, VS) approuvée par le Conseil national l’année précédente étaient réalisés et l’a rejetée
[11].
Chargée de l’examen préalable de deux initiatives parlementaires Hiltpold (plr, GE) visant à développer les
incitations à la construction de bâtiments à standard énergétique élevé, la CEATE-CN s’est ralliée aux objectifs de l’initiant, tout en privilégiant d’autres instruments et une autre manière de procéder. Après avoir rappelé que le secteur du bâtiment relève de la compétence des cantons, les commissaires ont jugé que le parlement ne dispose pas des informations nécessaires pour créer lui-même un régime d’incitation conforme aux exigences formulées dans les deux initiatives. Aussi, la CEATE a déposé un postulat confiant au Conseil fédéral le mandat de fournir ces informations. Elle a en outre déposé un second postulat demandant au gouvernement d’examiner l’opportunité d’aménager les règles d’accréditation auxquelles doivent satisfaire les experts habilités à délivrer un CECB. La commission souhaite ainsi élargir l’accès à la formation CECB aux personnes des métiers du bâtiment, en plus des experts académiques du secteur. En plénum, une très large majorité a transmis les deux postulats au Conseil fédéral et les deux initiatives ont, quant à elles, été retirées par leur auteur
[12].
Les chambres ont discuté une série de propositions concernant les
incitations fiscales à l’assainisement énergétique des bâtiments. Le Conseil national, tout d’abord, s’est à nouveau penché sur la motion Leutenegger (plr, ZH) visant à rendre possible une répartition de l’investissement déductible sur plusieurs années (contre une seule actuellement) après que le Conseil des Etats, souhaitant éviter que cette innovation ne complexifie excessivement le système fiscal, l’a transformée en mandat d’examen, l’année précédente. La commission de l’économie et des redevances du Conseil national (CER-CN) a regretté la décision de la chambre haute, estimant qu’elle équivaut à un renoncement à obliger le Conseil fédéral à mettre en œuvre la modification proposée. Pour cette raison, elle a déposé elle-même une motion reprenant la proposition originelle du député Leutenegger. Se ralliant à l’avis de sa commission, le plénum a rejeté la motion amendée par le Conseil des Etats et adopté, par 115 voix contre 52, la motion de sa CER. Le Conseil national a par contre suivi le Conseil des Etats concernant la transformation en mandat d’examen de la motion du groupe démocrate-chrétien visant à réviser la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) pour exonérer de l’impôt le capital épargné destiné à financer des assainissements. En outre, les chambres ont transmis au Conseil fédéral une motion de la CER-CE visant à renforcer l’efficacité et l’efficience des déductions fiscales à travers l’adoption d’une méthode de calcul tenant compte de standards énergétiques minimaux
[13].
À la suite du Conseil des Etats l’année précédente, le Conseil national a approuvé de justesse, par 85 voix contre 84, une motion Simonetta Sommaruga (ps, BE) visant à encourager les propriétaires à améliorer le rendement énergétique de leurs bâtiments par une meilleure information, par des incitations fiscales, ainsi que par l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur le CO2. Le plénum a ainsi suivi la majorité de sa commission de l’énergie, laquelle a jugé que cette motion complétait adéquatement l’initiative Hegetschweiler, alors que la minorité, issue des rangs du PLR et de l’UDC, la jugeait superflue, étant donné que toutes les mesures proposées sont déjà à l’étude (certificat énergétique unique pour les bâtiments) ou en voie d’application (« Programme bâtiments »)
[14].
La chambre basse a transmis, par 131 voix contre 59, au Conseil fédéral un postulat du groupe des Verts lui donnant mandat d’examiner l’opportunité de
coordonner les diverses contributions financières en faveur de l’assainissement des bâtiments au sein d’un seul organe, en l’occurrence l’OFEN. Selon les postulants, un effort de coordination permettrait de gagner en efficacité et d’éviter des redondances
[15].
En 2008, dans le cadre du plan d’action « efficacité énergétique », le Conseil fédéral avait décidé qu’à partir de 2015 seules les
ampoules présentant une efficacité forte ou optimale (labels A et B) seront autorisées sur le marché suisse. Jugeant ce délai excessivement long au regard des progrès techniques et du développement actuel du marché, le conseiller national Neirynck (pdc, VD) a déposé une initiative parlementaire afin que les ampoules moins efficaces soient interdites dès 2010. Lors de l’examen préalable, la majorité bourgeoise de la CEATE-CN a estimé inopportun d’adopter des exigences distinctes de l’UE en cette matière, notamment en raison du risque de violation du principe du « Cassis de Dijon » que cela entraînerait. Une seconde majorité, formée de représentants du centre et de la gauche, a toutefois souhaité accélérer le renforcement des normes en matière de rendement énergétique. Ainsi, la CEATE-CN a déposé une motion de commission visant à
interdire les ampoules des catégories C à G à compter du 1er janvier 2012. Le plénum a suivi sa commission en rejetant, par 90 voix contre 68, l’initiative et en approuvant, par 99 voix contre 67, la motion
[16].
La Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie et l’OFEN ont mené une campagne très active pour le
lancement du certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB) en août. L’établissement d’un CECB coûte 1200 francs aux propriétaires. Pour les inciter, l’OFEN a notamment mené une action promotionnelle en s’engageant à prendre en charge 1000 francs de la facture pour les 15 000 premiers bâtiments expertisés. L’opération a connu un franc succès, puique les 15 000 certificats subventionnés ont été écoulés en trois semaines
[17].
[5]
FF, 2009, p. 4781 ss.;
BO CE, 2009, p. 1125 ss. Cf.
APS 2008, p. 137 s. Sur proposition du CF, le CE a par la même occasion décidé de classer les motions CEATE-CE (07.3558) et Leuthard (06.3134), estimant que les objectifs qu’elles visaient étaient réalisés par la modification de la loi. Concernant ces motions, cf.
APS 2007, p. 154 s. (Leuthard) et
2008, p. 139 (CEATE-CE).
[7]
NZZ, 19.6.09 (1ère phase); presse du 3.7.09 (2ème phase); DETEC,
communiqué de presse, 2.7.09. Concernant le programme de stabilisation, cf. supra, partie I, 4a (Politique conjoncturelle).
[8]
FF, 2009, p. 995 ss. Cf.
APS 2008, p. 140.
[9]
FF, 2009, p. 1015 ss.
[10]
BO CN, 2009, p. 533 ss., 975 ss. et 1307 s.;
BO CE, 2009, p. 290 ss. et 730;
FF, 2009, p. 3917 s. Au CN, une large majorité des députés des groupes libéral-radical et UDC a rejeté le projet. Le CN a par ailleurs décidé de classer l’initiative Kunz (udc, LU) pour la « promotion des énergies renouvelables sans incidences budgétaires », jugeant ses objectifs réalisés par cette modification de la loi sur le CO2 (
BO CN, 2009, p. 548).
[11]
BO CE, 2009, p. 298. Cf.
APS 2008, p. 141.
[12]
BO CN, 2009, p. 1367 s.
[13]
BO CN, 2009, p. 1233 ss.;
BO CE, 2009, p. 263 s. (CER-CE). Cf.
APS 2008, p. 140.
[14]
BO CN, 2009, p. 549 s. Cf.
APS 2008, p. 140. Contrairement au CN, le CE a rejeté une motion de la CEATE-CN allant dans le même sens, la jugeant superflue (
BO CN, 2009, 1233 ss.;
BO CE, 2009, p. 898 s.).
[15]
BO CN, 2009, p. 228.
[16]
BO CN, 2009, p. 1355 ss.; presse du 9.9.09.
[17]
NZZ, 12.5, 31.7 et 24.8.09.
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