Année politique Suisse 2010 : Allgemeine Chronik / Schweizerische Aussenpolitik / Europe: UE
En cours d’année, les relations avec l’UE se sont crispées à plusieurs reprises et ont montré les
limites à la praticabilité de la voie bilatérale. D’une part, la Suisse a fait le constat qu’elle perd de fait une partie de souveraineté par la reprise unilatérale de certains acquis communautaires. Elle veut malgré tout entamer de nouvelles négociations dans les domaines de l’agriculture, de la fiscalité, de l’électricité et de la santé. D’autre part, l’UE a affirmé avec insistance que la voie bilatérale a atteint ses limites. Elle ne souhaite plus gérer 120 accords bilatéraux qui ne contiennent aucune mise à jour automatique du développement légal communautaire. Elle a donc invité la Suisse à rejoindre l’espace économique européen ou, du moins, à conclure un accord-cadre permettant la reprise automatique des acquis communautaires, affirmant ne plus vouloir lui consentir des régimes d’exception. La Confédération a lié tout accord au respect de la souveraineté helvétique et au bon fonctionnement des institutions existantes en Suisse
[20].
Durant l’été, la visite de Doris Leuthard à Bruxelles et la perspective de la publication du rapport sur la politique européenne en automne ont relancé le débat sur l’adhésion à l’UE. Si les avis divergent sur le fond, l’ensemble des acteurs ont estimé que la situation de la Grèce a rendu politiquement très invraisemblable une adhésion à court terme. Ainsi, l’UDC s’est opposée à tout rapprochement avec l’UE arguant que la Suisse perdrait sa souveraineté. Le PS et les écologistes se sont eux montrés favorables à une adhésion à l’UE avec conditions, considérant qu’elle permettrait des avancées à différents niveaux malgré les tendances néolibérales à l’œuvre. Le PLR a prôné la continuation de la voie bilatérale. La conférence des gouvernements cantonaux s’est elle montrée favorable à un accord-cadre avec l’UE tout en rejetant une reprise automatique. Elle a estimé que ce dernier est une bonne solution et peut répondre à leur perte d’autonomie dans la reprise du droit européen. Avenir Suisse a considéré qu’une adhésion à l’espace économique européen ou à l’UE sont les meilleures solutions. Economiesuisse a estimé qu’il n’y a pas d’alternative à la voie bilatérale. L’USAM a souligné que les petites et moyennes entreprises n’ont pas forcément les mêmes intérêts que l’industrie, l’agriculture ou la finance. L’Union suisse des professions libérales (USPL) s’est alignée sur la position de l’UE et a affirmé que la position réactive de la Suisse pénalise certaines professions et certains pans de l’économie helvétique
[21].
En septembre, le parlement européen a adopté une résolution non contraignante dénonçant les
obstacles helvétiques à la pleine mise en œuvre du marché intérieur. Cette résolution réclame l’élaboration d’un mécanisme d’actualisation aux développements de la législation européenne tout en refusant d’accorder à la Suisse une plus grande participation au processus décisionnel de l’UE. Les eurodéputés rejoignent donc la position de la Commission européenne et la position des Etats membres de l’Union
[22].
Le même mois, le Conseil fédéral a présenté un rapport d’évaluation de
la politique européenne en réponse au postulat Markwalder (plr, BE) adopté l’année précédente et demandant d’évaluer les avantages et les inconvénients des instruments de politique européenne. Ainsi, le gouvernement a estimé que l’UE demeure un point de référence central pour la politique étrangère et économique extérieure de la Suisse. Il a souligné une tendance nette à l’érosion de la marge de manœuvre suisse dans les relations bilatérales, au vu des revendications de la reprise intégrale des acquis de l’UE et de leurs développements futurs (voir supra). Il a également relevé que les acteurs économiques helvétiques souhaitant accéder au marché européen risquent de se heurter à tout moment à des obstacles en tant que ressortissants de pays tiers. Aussi, il a présenté différentes options de politique européenne : 1) La poursuite de la voie bilatérale sans nouveaux accords permettrait d’amoindrir les problèmes du parallélisme. Cependant, l’UE aurait la possibilité de soumettre l’accès au marché communautaire à de nouvelles exigences. 2) La poursuite de la voie bilatérale vers de nouvelles négociations dans des secteurs d’intérêts communs exigerait de trouver un équilibre entre l’adaptation efficace au développement du droit européen et le respect de la souveraineté suisse. 3) La mise en place d’un cadre institutionnel permettrait de ne pas renégocier pour chaque nouvel accord les questions relatives au développement du droit, à la surveillance des marchés et à la jurisprudence. Il favoriserait la transparence et l’efficacité et accroîtrait la sécurité juridique de la voie bilatérale. 4) L’adhésion à l’espace économique européen (EEE) ne permettrait pas un traitement égal des deux parties. Les membres de l’AELE/EEE ont un droit de participation à l’élaboration de propositions mais pas aux prises de décisions formelles, tout en étant obligés de reprendre le développement de la législation européenne. Toutefois, cette option renforcerait la sécurité juridique et améliorerait l’accès au marché de l’EEE. 5) L’adhésion à l’UE permettrait à la Suisse de participer directement au processus décisionnel de l’UE. Toutefois, une adhésion aurait un impact sur les institutions suisses, notamment sur les compétences du parlement, des cantons et du corps électoral. Cela impliquerait donc une réforme interne de grande ampleur qui transférerait une part considérable de la capacité décisionnelle helvétique.
De la sorte, le gouvernement a considéré que la voie bilatérale est l’instrument le plus approprié pour l’heure, mais qu’il peut en être autrement par la suite. En effet, un certain nombre de faiblesses ont été relevées notamment au niveau de l’influence de la Suisse sur les normes européennes, de la limitation en termes souveraineté liée à la reprise du droit européen et de l’absence d’accès complet aux marchés européens. Le Conseil fédéral a ainsi rappelé que la Suisse exclut tout automatisme dans la reprise des acquis, exige de participer aux prises de décision la concernant et réclame le respect du processus décisionnel helvétique. Il a mis en place un groupe d’experts chargé d’étudier les différents scénarios. Le
Conseil national a pris acte du rapport en décembre de l’année sous revue. De l’avis des commentateurs, la proximité des élections fédérales n’est pas propice à une réflexion sur une adhésion
[23].
Une initiative populaire intitulée «
Pour un
moratoire sur l’adhésion à l’UE » a été lancée par un comité exclusivement alémanique mené par un élu radical zurichois et des sympathisants de l’UDC et du PLR. Elle demande l’instauration d’un moratoire de dix ans empêchant la Confédération d’engager des négociations, et dont la prolongation est soumise à votation. Le comité d’initiative prétend réagir de la sorte aux pressions de l’UE et éviter une adhésion de fait sans que la population ne puisse se prononcer. Le PLR et l’UDC s’en sont distanciés
[24].
En fin d’année, le chef de la mission suisse à Bruxelles, Jacques de Watteville, a été auditionné dans le cadre du
comité bimensuel chargé de l’AELE (conseil représentant les pays membres de l’UE). Les discussions ont porté sur les accords bilatéraux et le réaménagement de cette voie en négociation directe avec les Etats membres sans passer par la Commission européenne. Si l’ambassadeur helvétique a mis en avant le bilan positif de la voie bilatérale en insistant sur le faible nombre de dossiers conflictuels, l’UE a considéré que la Suisse enjolive la situation. A la suite de cette rencontre, les Etats membres ont adopté un rapport affirmant que la voie bilatérale a clairement atteint ses limites malgré certains progrès accomplis depuis le rapport de 2008. Il montre également la déception de l’UE dans l’absence de résultat satisfaisant autour de la discussion sur la fiscalité. Le rapport a encouragé la Confédération à envisager un positionnement et une stratégie européenne plus dynamiques
[25].
[20] Voir presse du 4.1. au 22.12.10.
[21] Partis:
LT, 4.1 et 21.7.10;
NZZ, 30.1 et 18.10.10. Economiesuisse:
LT et
NZZ, 19.5.10. Conférence des cantons:
LT,
NZZ et
TA, 8.7.10. USAM:
LT, 30.7.10. Avenir Suisse:
NZZ, 16.7.10;
TA, 17.7.10. Initiative:
BZ, 30.7.10. USPL:
Lib., 6.10.10.
[22]
QJ, 19.2, 24.3 et 6.9.10;
NZZ et
TA, 8.9.10.
[23]
FF, 2010, p. 6615 ss.;
BO CN, 2010, p. 1856 ss.;
Lib. 5.5.10;
LT, 18 et 26.8.10;
NZZ et
TA, 20.8.10. Voir
APS 2009, p. 60.
[24]
FF, 2010, p. 7221 ss.;
LT, 24.11.10.
[25]
Lib., 21.10 et 8.11.10;
LT, 18.11.10;
NZZ, 11 et 23.12.10.
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