Année politique Suisse 2010 : Allgemeine Chronik / Landesverteidigung
 
Service civil et objection de conscience
La forte augmentation des demandes d’admission au service civil suite à l’abolition de l’examen de conscience a suscité de nombreuses interventions parlementaires au cours de l’année sous revue. Ainsi, en mars, les chambres ont adopté de justesse deux motions identiques issues de leur CPS chargeant le gouvernement de traiter toutes les interventions parlementaires concernant le service civil et de présenter un projet de révision de la loi sur le service civil qui réponde aux failles existantes. La majorité des commissions s’est inquiétée pour la stabilité des effectifs de l’armée et pour le principe constitutionnel de l’obligation générale de servir. Au Conseil national, une minorité Allemann (ps, BE) a proposé de rejeter la motion estimant hâtif d’exiger une révision alors que la loi sur le service civil est entrée en vigueur depuis moins d’une année. Malgré l’opposition de la gauche et d’une partie du PDC, la chambre basse les a adoptées par 98 voix contre 70. Au Conseil des Etats, une minorité Hêche (ps, JU) a également proposé de rejeter la motion soulignant que l’effectif de la réserve de l’armée dépasse le maximum autorisé de 220 000 soldats et que le rapport sur le service civil n’a alors pas encore été publié. La chambre haute a adopté les objets par 21 voix contre 19 [25].
Au mois d’août, le gouvernement a publié son rapport sur le service civil évaluant les effets de la solution de la preuve par l’acte. Cette mesure permet l’accomplissement d’un service civil de durée nettement plus longue que le service militaire sans nécessité d’exposer un conflit de conscience. Dans ce rapport, le Conseil fédéral a estimé que la Constitution autorise la preuve par l’acte et que cette dernière ne met pas en danger les effectifs de l’armée à moyen terme mais renforce plutôt des problèmes déjà existants. Au sujet du service civil, il a ainsi recommandé de modifier la procédure d’admission et d’améliorer l’encadrement des civilistes, les règles d’exécution et l’information afin de permettre aux citoyens de s’acquitter rapidement de leurs obligations. En ce qui concerne l’armée, le gouvernement a estimé que les mesures d’urgence prises par le DFE en fin d’année 2009 commencent à déployer leurs effets au vu de la chute du nombre de demandes durant le service militaire. Il a toutefois préconisé d’examiner la possibilité de résoudre les problèmes des militaires en service long qui requièrent le passage au service civil. Enfin, le Conseil fédéral charge le DFE et le DDPS de proposer des révisions d’ordonnance et d’élaborer un rapport de suivi approfondissant l’analyse de la preuve par l’acte d’ici à 2012, l’objectif étant d’évaluer la nécessité de réviser la loi sur le service civil en 2013. Le Conseil des Etats a pris acte du rapport durant la session de septembre [26].
Le Conseil national a traité une initiative parlementaire Hurter (udc, SH) visant à réintroduire l’examen de conflit de conscience. La CPS-CN a recommandé de l’adopter et a décidé d’y adjoindre une initiative parlementaire chargeant le parlement de réviser la loi sur le service civil afin de remédier au manque d’effectifs de l’armée causé par les requérants au service civil n’ayant pas de motif de conscience. Lors des discussions, deux propositions de minorité Lachenmeier (pe, BS) ont recommandé de rejeter les objets. La députée a estimé, en accord avec la CPS-CE et le Conseil fédéral, qu’il est plus pertinent d’attendre le rapport de 2011 afin d’analyser la situation de manière approfondie. Par ailleurs, elle considère que la preuve par l’acte est une preuve suffisante et que la crainte de voire les effectifs de l’armée se dissoudre est injustifiée. La chambre du peuple a décidé de ne pas donner suite à l’initiative parlementaire Hurter par 84 voix contre 74. La gauche, unanime, et certains membres des groupes PDC et PLR l’ont ainsi refusée. L’initiative de la CPS-CN a été elle adoptée par 98 voix contre 63. La gauche, en bloc, et certains membres du PDC l’ont combattue en vain [27].
Le Conseil des Etats a adopté par 18 voix contre 9 un postulat Hêche (ps, JU) invitant le gouvernement à analyser la possibilité pour les personnes déclarées inaptes ou réformées de faire du service civil. Au vu de la recrudescence des demandes pour le service civil et de son utilité pour la communauté et pour les civilistes, le député a jugé opportun de réfléchir à la possibilité de remplacer la taxe d’exemption par la possibilité, ou l’obligation, d’effectuer le service civil. Le Conseil fédéral a recommandé de rejeter le postulat, car il n’estime pas nécessaire de lancer un débat de fond sur l’obligation générale de servir [28].
Le gouvernement a édicté des mesures restreignant l’accès au service civil. D’une part, les recrues en service souhaitant faire du service civil doivent dès lors passer un entretien avec des psychologues d’un centre de recrutement dans un délai de quatre semaines. D’autre part, les citoyens souhaitant faire du service civil avant une affectation dans une école de recrue sont contraints de répondre à des demandes administratives plus exigeantes. Par ailleurs, les civilistes ne peuvent choisir que deux domaines d’affectation, ont l’obligation d’effectuer leur affectation longue dans les trois ans suivant leur incorporation et voient leurs indemnités diminuer de moitié. Le GSsA a dénoncé un retour à l’examen de conscience qui défavorise les catégories socioprofessionnelles moins éduquées et un système inégalitaire par rapport aux militaires [29].
 
[25] BO CN, 2010, p. 23 ss.; BO CE, 2010, p. 241 ss.; NZZ, 21.1 et 25.8.10; LT, 1.2.10. Voir APS 2009, p. 92 s.
[26] BO CE, 2010, p. 852 ss.; NZZ, 25.2.10.
[27] BO CN, 2010, p. 1803 ss. Voir APS 2009, p. 92 s.
[28] BO CE, 2010, p. 1081 s.
[29] Presse du 11.12.10; WoZ, 16.12.10.