Année politique Suisse 2010 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
 
Energie hydro-électrique
Satisfait du contre-projet indirect adopté par les chambres l’année précédente, le comité à l’origine de l’initiative populaire « Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation) » a décidé le retrait conditionnel de son texte. Le délai référendaire ayant expiré sans être utilisé, le Conseil fédéral a déclaré le retrait effectif et renoncé à soumettre l’initiative au vote du peuple et des cantons [41].
Le Conseil des Etats s’est saisi d’un projet de loi fédérale sur les ouvrages d’accumulation initialement présenté par le Conseil fédéral en 2006 dans le cadre d’un vaste projet législatif concernant les tâches de la Confédération en matière de contrôle de la sécurité. En 2009, les chambres ont refusé d’entrer en matière sur le projet global, estimant qu’il n’était pas nécessaire et qu’il engendrerait des surcoûts dommageables pour l’économie. S’agissant spécifiquement des ouvrages d’accumulation, la CEATE-CE a toutefois jugé qu’ils posaient des questions essentielles en matière de sécurité et proposé au plénum d’entrer en matière sur le projet gouvernemental. Celui-ci prévoit une adaptation des prescriptions sur la supervision, l’approbation, l’exploitation et la surveillance, toutes tâches exercées par le DETEC pour les grands ouvrages et déléguées aux cantons pour les petits, ainsi qu’une redéfinition de la responsabilité civile en cas de dommages matériels et corporels. Sur ce dernier point, le gouvernement a proposé que l’exploitant soit tenu pour responsable des dommages causés par l’écoulement des eaux de l’ouvrage, même s’il n’y a pas faute de sa part, ni défaut de l’ouvrage (principe de responsabilité à raison du risque). Par contre, il serait libéré de toute responsabilité si le dommage est dû à une force majeure (phénomènes naturels extraordinaires et faits de guerre) ou à une faute grave commise par la personne lésée.
Suivant la CEATE-CE, le Conseil des Etats a approuvé l’entrée en matière sans opposition. Lors de la discussion par article, le débat a principalement porté sur l’étendue de la responsabilité civile des exploitants d’ouvrages d’accumulation. Sur proposition de Pankraz Freitag (plr, GL), les sénateurs ont décidé, par 27 voix contre 1, d’exclure toute responsabilité de l’exploitant pour les dommages causés par des actes de sabotage, de terrorisme ou de guerre. Au vote sur l’ensemble, la chambre des cantons a adopté le projet de loi à l’unanimité.
Au Conseil national, l’entrée en matière n’a pas non plus suscité d’opposition. Exception faite de plusieurs questions techniques et juridiques, les débats ont principalement porté sur l’étendue de la responsabilité des exploitants et le financement des tâches de surveillance. Les députés ont refusé, par 99 voix contre 56, une proposition de minorité émanant d’élus socialistes, écologistes et démocrates-chrétiens et visant à ce que les exploitants soient tenus pour responsables des dommages consécutifs à des actes de sabotage. Une minorité issue des rangs PLR et UDC a quant à elle proposé de supprimer la redevance prévue pour financer les tâches de surveillance de la Confédération, au motif que ni ces coûts supplémentaires ni l’augmentation des effectifs de l’administration fédérale n’étaient souhaitables. En dépit du plaidoyer de Moritz Leuenberger en faveur d’un renforcement des effectifs du personnel en charge de la surveillance afin d’améliorer la protection de la population, les députés ont supprimé, par 89 voix contre 75, cette redevance. Au vote sur l’ensemble, le Conseil national a adopté à l’unanimité le projet ainsi modifié.
Lors de l’élimination des divergences, le Conseil des Etats s’est rallié à la chambre du peuple sur l’ensemble des modifications mineures, mais il a maintenu la divergence concernant l’introduction de la redevance de surveillance, estimant légitime ce mode de financement et nécessaire juridiquement qu’il soit réglé dans la loi. Le Conseil national l’a suivi et, en votation finale, les chambres ont adopté la loi sur les ouvrages d’accumulation, respectivement à l’unanimité et par 129 voix contre 61 [42].
À la veille de ces débats, le Conseil fédéral avait rendu public les résultats d’une étude sur la surveillance de la sécurité des barrages réalisée par des experts externes sur mandat du DETEC. Si l’évaluation conclut à la sûreté des quelque 220 grands barrages du pays, les experts ont toutefois plaidé en faveur d’une augmentation des ressources en personnel de l’organe de surveillance rattaché à l’OFEN, en raison du vieillissement des installations existantes et du nombre croissant de nouvelles constructions et de transformations. En effet, la plupart des barrages furent construits entre 1950 et 1970 et l’évaluation de leur sécurité est rendue plus complexe du fait de cette ancienneté. De plus, la force hydraulique connaît une véritable renaissance depuis quelques années avec de nouvelles constructions (Nant de Drance, en Valais, et Linthal, à Glaris) et des transformations importantes des installations existantes (rehaussements, pompage-turbinage, etc.). Tous ces projets sont soumis à l’autorisation de la Confédération, impliquant une évaluation approfondie par l’autorité de surveillance. Or, les ressources en personnel de la section « Barrages » de l’OFEN n’ont pas évolué parallèlement à la croissance des tâches de surveillance. Aussi, l’étude préconise-t-elle d’augmenter de 7 à 13 le nombre de ces spécialistes. Le Conseil fédéral ne s’est pas prononcé sur cette proposition, préférant attendre le résultat du traitement parlementaire du projet de loi sur les ouvrages d’accumulation [43].
Suite à la décision, l’année précédente, du Conseil national de lier l’augmentation de la limite supérieure de la redevance hydraulique à une hausse de la redevance pour la rétribution à prix coûtant du courant vert (RPC), le Conseil fédéral s’est prononcé une nouvelle fois sur le projet ainsi modifié. S’il a estimé que le relèvement du supplément à 0,9 ct/kWh permettrait de débloquer momentanément le système de la RPC en épuisant les actuelles listes d’attente, il a également souligné que cette mesure n’apportait pas de solution à moyen terme, les demandes continuant d’affluer. Il a en outre mis en garde le parlement contre le renchérissement de l’électricité qui résulterait de cette double hausse. Le gouvernement a par ailleurs critiqué le privilège accordé par le Conseil national aux entreprises à forte consommation électrique qui serait financé par les PME et les ménages et nuirait ainsi à l’acceptation de la RPC par les milieux économiques [44].
Lors de la session de printemps, le Conseil des Etats a approuvé le lien établi par la chambre basse entre les deux redevances. L’augmentation de la redevance hydraulique n’ayant suscité aucune divergence, les débats se sont concentrés sur le projet de hausse de la redevance pour la RPC. Si elle a suivi le Conseil national sur le montant maximal de la redevance, la chambre des cantons a toutefois refusé d’instaurer un remboursement en faveur des entreprises à forte consommation électrique, en raison de l’impossibilité d’estimer les conséquences de cette mesure. Le Conseil national s’est rallié à la chambre haute sur cette ultime divergence, par 88 voix contre 77, contre l’avis d’une minorité UDC et PLR de la CEATE-CN. En votation finale, c’est respectivement à l’unanimité et par 131 voix contre 57 que les chambres ont adopté la loi modifiant la loi sur l’utilisation des forces hydrauliques et la loi sur l’énergie [45].
Le Conseil des Etats a adopté tacitement une motion Pankraz Freitag (plr, GL) chargeant le Conseil fédéral de présenter un projet de loi libérant les cantons de l’obligation de procéder à un appel d’offres pour l’octroi et le renouvellement des concessions hydrauliques destinées à la production d’électricité et des concessions d’utilisation des terrains du domaine public à des fins d’approvisionnement électrique. Cette proposition de réforme fait suite à une controverse entre la commission de la concurrence (ComCo) et plusieurs cantons au sujet de la compatibilité de la procédure prévue par la loi sur le marché intérieur avec les règles régissant spécifiquement l’utilisation de la force hydraulique et l’approvisionnement en électricité (LApEl) [46].
Sur préavis favorable du gouvernement, le Conseil national a transmis à ce dernier un postulat Bourgeois (plr, FR) demandant un rapport sur le potentiel de développement de la production hydroélectrique en Suisse à la lumière du progrès technique, des possibilités de rehaussement des ouvrages d’accumulation existants et d’éventuelles nouvelles centrales. La question de la capacité de stockage des énergies renouvelables et des possibilités de l’accroître sera également examinée [47].
Malgré la médiation du Conseil d’Etat bernois, le conflit opposant les Forces motrices de l’Oberhasli (FMO) et les organisations de protection de l’environnement au sujet du rehaussement du barrage du lac du Grimsel (BE) n’a trouvé aucune solution. Conformément à l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral l’année précédente, les FMO ont déposé trois nouvelles demandes de concession afin de réaliser le projet [48].
Deux autres projets d’envergure ont par ailleurs progressé au cours de l’année sous revue. En Valais, la société Nant de Drance exploitant la centrale hydraulique du barrage du Vieux Emosson a déposé auprès de l’OFEN une demande afin de rehausser le barrage d’une vingtaine de mètres et ainsi accroître sa puissance de 600 à 900 megawatts (MW). La société grisonne Repower a pour sa part déposé une demande de concession pour un projet de centrale de pompage-turbinage d’une puissance de 1000 MW située à Camp Martin, sur les bords du Lago di Poschiavo (GR). Les citoyens de Poschiavo ont plébiscité le projet à près de 80% des voix [49].
 
[41] FF, 2010, p. 325 ss. (contre-projet indirect), 333 (retrait conditionnel) et 3787 (retrait effectif). Cf. APS 2009, p. 148 et 186 ss. Voir également infra, Partie I, 6d (Protection des eaux).
[42] FF, 2006, p. 5761 ss.; BO CE, 2010, p. 429 ss., 902 et 1007; BO CN, 2010, p. 1393 ss., 1581 et 1672; FF, 2010, p. 6019 ss. Concernant le refus des chambres d’entrer en matière sur le projet de loi sur l’examen et le contrôle de la sécurité technique (MCF 06.059), cf. BO CE, 2009, p. 627 s. et BO CN, 2009, p. 1351 ss.
[43] NZZ, SoS et TA, 20.5.10.
[44] FF, 2010, p. 321 ss. Cf. APS 2009, p. 148 s.
[45] BO CE, 2010, p. 90 ss. et 746; BO CN, 2010, p. 642 ss. et 1176; FF, 2010, p. 3859 ss. Suite à l’adoption de cette loi, le CN a décidé de classer l’initiative parlementaire Jacques Bourgeois (plr, FR), estimant que ses objectifs étaient ainsi réalisés (BO CN, 2010, p. 1646).
[46] BO CE, 2010, p. 921 s.
[47] BO CN, 2010, p. 2162.
[48] Bund, 10.7 et 3.9.10; NZZ, 22.9.10. Cf. APS 2009, p. 149.
[49] NF, 2.4.10 (VS); NZZ et SoS, 16.6 et 1.11.10.