Année politique Suisse 2010 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
 
Produits pétroliers et gaz
La CEATE-CE a présenté un rapport intermédiaire concernant l’élaboration d’une statégie globale des grandes centrales électriques et invité la chambre haute à reprendre sans délai l’examen du projet gouvernemental de modification de la loi sur le CO2 visant à y introduire l’exemption de la taxe sur le CO2 des centrales thermiques à combustibles fossiles. En effet, l’arrêté fédéral en vigueur échéant au 31 décembre 2010, la commission a jugé qu’elle ne serait pas en mesure de présenter son projet dans les délais requis, notamment en raison de la difficulté à concilier les intérêts divergents non seulement des trois entreprises exploitant des centrales nucléaires, mais aussi des trois cantons sur le territoire desquels se trouvent ces centrales (cf. supra).
Partageant le souci que l’exemption soit reconduite dès le 1er janvier 2011, le Conseil des Etats a repris l’examen du projet gouvernemental lors de la session de printemps. Les sénateurs ont tout d’abord décidé de limiter à 500 MW la production pouvant bénéficier de l’exemption de la taxe sur le CO2. Les discussions se sont ensuite concentrées sur la question de la part des émissions compensables à l’étranger. Si le Conseil fédéral souhaitait élever la limite maximale à 50%, la majorité de la CEATE-CE a proposé de la maintenir à 30%, tout en autorisant le gouvernement à l’augmenter à 50% à condition que l’approvisionnement du pays l’exige. À la faveur d’une alliance de circonstance entre la droite pronucléaire et les écologistes, les sénateurs ont toutefois suivi une minorité Cramer (pe, GE) et décidé, par 20 voix contre 17, que les émissions devraient être intégralement compensées en Suisse, au motif qu’il n’y avait aucune raison de favoriser le gaz et que les mesures de compensation profiteraient ainsi à l’économie nationale. Suivant une minorité Sommaruga (ps, BE), la chambre haute a jugé opportun, par 16 voix contre 15, d’assimiler les investissements dans les énergies renouvelables à des mesures compensatoires. Par ailleurs, la chambre des cantons a suivi le Conseil fédéral et approuvé, par 19 voix contre 16, une disposition transitoire limitant le champ d’application de l’obligation d’utilisation de la chaleur résiduelle aux nouvelles centrales afin que la transformation de la centrale de Chavalon (VS) demeure possible. Au vote sur l’ensemble, les sénateurs ont approuvé la loi ainsi modifiée par 27 voix contre 1.
Au Conseil national, la restriction de la portée de l’exemption a suscité de vifs débats. La limitation de l’exemption à 500 MW a été rejetée, par 101 voix contre 69, au motif qu’elle restreignait de façon arbitraire et excessive la portée de l’exemption à la seule centrale de Chavalon (400 MW), remettant clairement en cause la possibilité de recourir aux centrales à gaz comme solution transitoire au problème d’approvisionnement électrique. Quant aux modalités de compensation, le plénum a suivi une minorité Wasserfallen (plr, BE) en optant, par 105 voix contre 72, pour un plafonnement de la part compensée à l’étranger à 30% assorti de la possibilité pour le Conseil fédéral de la porter à 50% si l’approvisionnement du pays l’exige. Contre les représentants du lobby nucléaire, d’une part, et plusieurs députés écologistes et verts libéraux, d’autre part, la majorité a estimé que l’obligation de compenser intégralement les émissions sur le territoire national rendrait impossible la construction de centrales à gaz pour d’évidentes raisons économiques. Enfin, par 92 voix contre 70, la chambre basse a supprimé la disposition transitoire dispensant la centrale de Chavalon de l’obligation d’utiliser la chaleur résiduelle.
Lors de l’élimination des divergences, le Conseil des Etats a maintenu ses décisions concernant les trois points les plus controversés. Sur proposition de sa commission, le Conseil national a supprimé toute possibilité de dérogation à la limite des 30% d’émissions compensées à l’étranger, mais il a maintenu les deux autres divergences. Les sénateurs se sont finalement ralliés à la chambre basse sur ces derniers points de désaccord. En votation finale, c’est respectivement à l’unanimité et par 126 voix contre 61 que la modification de la loi sur le CO2 a été adoptée [50].
En fin d’année, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance sur la compensation des émissions de CO2 des centrales thermiques à combustibles fossiles. Le gouvernement a fixé à 62% le rendement total minimal des centrales à gaz. Contre l’avis de la majorité des milieux consultés, il a toutefois prévu une exception « pour les centrales sises à des emplacements où une centrale a déjà été exploitée auparavant », pour lesquelles le taux minimal exigible a été abaissé à 58,5%. Cette dérogation vise expressément à permettre la transformation de la centrale de Chavalon, dont la chaleur résiduelle n’est pas exploitable en raison de la situation géographique de l’installation. Le Conseil fédéral l’a justifiée par le rôle des centrales à gaz dans la stratégie d’approvisionnement électrique dans la perspective de l’échéance, en 2012, des contrats d’importation à long terme. À cet égard, les 2,2 milliards de kWh que produira annuellement l’usine de Chavalon sont tout sauf négligeables [51].
Le Conseil d’Etat valaisan a partiellement admis les recours interjetés contre le permis de construire délivré l’année précédente à Energie Ouest Suisse (EOS; filiale d’Alpiq) par la commune de Vouvry pour le projet de centrale à gaz de Chavalon. Selon l’exécutif cantonal, les autorités de Vouvry auraient dû exiger au préalable un contrat de compensation des émissions de CO2. EOS a déposé un recours contre cette décision auprès du tribunal administratif valaisan [52].
Le Conseil national a débattu de l’opportunité de développer le couplage chaleur-force (CCF). Il a décidé de ne pas donner suite à une initiative parlementaire Van Singer (pe, VD) en faveur de l’utilisation de cogénérateurs de faible puissance alimentés au gaz, lui préférant une motion de sa CEATE en termes plus généraux, chargeant le Conseil fédéral de proposer au parlement des mesures et des instruments permettant de tirer un profit maximal du CCF. Le gouvernement s’y est opposé, soulignant que le recours aux énergies fossiles allait à l’encontre des objectifs de réduction des émissions de CO2 et que des études étaient en cours au sein de l’OFEN pour établir précisément les avantages et les inconvénients du CCF. Sensible à ces arguments, la CEATE-CE a proposé de transformer la motion en mandat d’examen afin de permettre au Conseil fédéral d’attendre les résultats de ces études pour élaborer une stratégie en matière de CCF. Les sénateurs ont suivi leur commission et décidé tacitement la transformation de la motion [53].
Romande Energie et le Groupe E ont annoncé l’abandon de leur projet de centrale à charbon en Allemagne, suite aux protestations qu’il avait suscitées dans la population. À l’inverse, la société grisonne Repower a fait savoir qu’elle poursuivrait ses efforts en vue de la construction de deux centrales à charbon, respectivement en Allemagne et en Italie, en dépit de la menace de la section grisonne du WWF de lancer une initiative cantonale pour l’en empêcher [54].
Suite à de violents orages et à des coulées de boue sur le territoire de la commune de Spreitlauigraben (BE), le gazoduc desservant l’Italie a été mis hors service en juillet de l’année sous revue. Au vu de l’importance cruciale de ce gazoduc pour l’approvisionnement de l’Italie, l’OFEN a recouru au droit de nécessité et délivré en fin d’année une autorisation pour l’assainissement immédiat des dispositifs de protection et le déplacement, d’ici à l’automne 2011, de la conduite sur un tracé moins exposé aux risques naturels [55].
 
[50] BO CE, 2010, p. 146 ss., 408 ss., 667 s. et 746; BO CN, 2010, p. 590 ss., 898 ss. et 1155; FF, 2010, p. 3933 s. Cf. APS 2009, p. 149 s.
[51] Exp., Lib., LT, NZZ et TA, 25.11.10.
[52] 24h, Lib. et NF, 6.7.10; NZZ, 7.7.10; 24h, 26.8.10. Cf. APS 2009, p. 150.
[53] BO CN, 2010, p. 421 ss.; BO CE, 2010, p. 1048.
[54] Presse du 13.4.10; NZZ, 22.12.10 (Repower).
[55] NZZ, 17.12.10.