Année politique Suisse 2010 : Infrastruktur und Lebensraum / Verkehr und Kommunikation / Chemin de fer
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NLFA, ZEB, Rail 2030 et autres infrastructures ferroviaires
L’OFT et les CFF ont rendu public le concept « Rail 2030 ». Selon le mandat du Conseil fédéral, l’OFT a d’abord déterminé les besoins à l’horizon 2030 et les travaux nécessaires pour les satisfaire, avant d’élaborer deux variantes, respectivement à 12 et à 21 milliards de francs, cette dernière incluant le trafic régional. Pour répondre à la croissance de la demande, le concept retenu privilégie l’augmentation du nombre de trains, l’allongement des trains et des quais de gare à 400 mètres, ainsi que la généralisation des trains à deux niveaux avec l’adaptation en conséquence des gabarits des tunnels. La construction de voies ferrées supplémentaires et de tunnels joue ainsi un rôle tout à fait secondaire dans la stratégie présentée (à l’exception des tunnels du Heitersberg, dans la variante 1, et du Zimmerberg, dans la variante 2). Les projets prioritaires de la variante 1 concernent les axes Genève-Lausanne-Viège et Genève-Berne-Zurich-St-Gall, pour le trafic voyageurs « grandes lignes », et les axes Lausanne-Neuchâtel-Bienne-Berne-Aarau-Zurich et Bâle-gare de triage du Limmattal-Rotkreuz, pour le trafic marchandises. La variante 2 comprend en outre des projets visant à développer le trafic marchandises au St-Gothard et le trafic régional dans les régions de Bâle, de Berne, de Lucerne, de Saint-Gall et de Zurich, ainsi que les liaisons de Zurich en direction de Zoug, de Lucerne et du Tessin et celle entre Lugano et Locarno. Plusieurs projets âprement discutés ces dernières années (troisième voie Lausanne-Genève, achèvement du Lötschberg, tunnel du Wisenberg, etc.) ont été exclus des variantes et relégués au troisième rang de priorité. Le concept ne règle pas la question du financement, mais l’OFT a communiqué diverses options encore à l’étude. En l’état, les investissements nécessaires sont estimés, selon la variante, de 300 à 600 millions de francs par an de 2017 à 2030. L’OFT a évoqué la possibilité de prolonger le fonds pour les transports publics (FTP) et de l’alimenter par la part fédérale aux recettes de la RPLP, une part de l’impôt sur les huiles minérales et 0,1% de TVA. L’introduction d’une redevance sur les titres de transports de 5-10% du prix (taxe sur la mobilité), l’affectation au FTP de la part des cantons à la RPLP, la hausse du prix du sillon ou la conclusion de partenariats publics-privés sont également étudiées. Après la soumission du concept aux cantons pour avis, la mise en consultation d’un avant-projet de message est prévue d’ici à l’été 2011.[45].
Lors de la consultation, la priorité accordée au trafic voyageurs « grandes lignes » sur le plateau a été critiquée par les cantons de montagne et périphériques. La relégation des projets de développement de l’axe ferroviaire du Gothard dans la seconde variante a suscité la colère du Comité du St-Gothard, réunissant des représentants des treize cantons sis sur cet axe. Les cantons de Berne et du Valais ont quant à eux vivement déploré l’exclusion du projet d’achèvement du tunnel du Lötschberg (cf. infra), alors que les cantons de Glaris, des Grisons, de Saint-Gall, de Schwytz et de Zurich ont réclamé le passage à la cadence semi-horaire de la liaison Coire-Zurich par les trains Intercity. Si les cantons du plateau se sont montrés majoritairement favorables au concept, le canton de Genève a fustigé l’abandon du projet de troisième voie entre Lausanne et Genève et celui d’Argovie s’est élevé contre la relégation du tunnel du Wisenberg. Quant au financement, les cantons ont unanimement rejeté les mesures proposées par l’OFT, dénonçant une tentative de transfert de charges. La Conférence des directeurs cantonaux des transports a ainsi catégoriquement refusé l’affectation de la part cantonale de la RPLP à Rail 2030, rappelant que, s’agissant d’une tâche fédérale, il incombe à la Confédération de pourvoir à son financement [46].
Ouvert en 2007, le tunnel du Lötschberg a déjà atteint sa capacité limite, a annoncé la compagnie BLS au printemps. Son succès est tel que l’offre de sillons, en particulier en matière de trafic marchandises transalpin, ne parvient plus à satisfaire la demande et que des goulets d’étranglement sont apparus, notamment entre Berne et Thoune, dans la vallée de l’Aar, et entre Bâle et Olten (tunnel du Wisenberg). Afin de répondre à la demande croissante, la société a jugé nécessaire l’achèvement du tunnel, par l’équipement du second tube sur le tronçon Ferden-Mitholz, et la construction d’une troisième voie sur le tronçon Gümlingen-Münsingen (BE). Selon les résultats d’une étude réalisée sur mandat de BLS, l’achèvement est techniquement réalisable dans un délai de 12 ans pour un montant total de 1,33 milliard de francs. Une variante réduite, se limitant à l’équipement du second tube, coûterait quant à elle 790 millions de francs. L’achèvement du tunnel permettrait d’offrir une cadence semi-horaire pour le trafic voyageurs et de doubler la capacité pour le trafic marchandises. Les gouvernements bernois et valaisan ont accueilli avec enthousiasme les résultats de cette étude et se sont engagés à intervenir auprès de la Confédération afin que celle-ci intègre le Lötschberg à la variante 1 du projet Rail 2030. Ils ont par ailleurs proposé de financer les travaux au moyen des amortissements que verse BLS à la Confédération à raison de 75 millions de francs par an. Afin de mener la lutte sur le terrain fédéral, les deux cantons ont créés un « comité pour le Lötschberg » [47].
À la suite du Conseil des Etats l’année précédente, le Conseil national a adopté, par 96 voix contre 45, la motion Bieri (pdc, ZG) chargeant le Conseil fédéral de réexaminer les mesures de lutte contre les nuisances sonores générées par le trafic ferroviaire et, le cas échéant, d’en proposer d’autres à titre complémentaire dans le cadre de l’élaboration du message Rail 2030 [48].
Après la décision de principe du Conseil fédéral, en toute fin d’année 2009, de ne pas proposer au parlement d’augmenter les ressources destinées à l’entretien des infrastructures des CFF et des chemins de fer privés, l’ancienne régie a mandaté un audit externe concernant les investissements nécessaires pour rattraper le retard accumulé en matière d’entretien et de renouvellement de son réseau. L’expertise a conclu au bon état d’ensemble du réseau CFF, mais elle a souligné un retard d’investissements de l’ordre de 1,35 milliard de francs accumulé au cours des quinze dernières années, résultant principalement des coupes budgétaires décidées par la Confédération. Globalement, les experts ont évalué les moyens financiers supplémentaires nécessaires pour la période 2011-2016 à 850 millions de francs par an de sorte à couvrir le rattrapage du retard d’investissements (130 millions), l’entretien ordinaire du réseau (410 millions), la mise aux normes des tunnels et la conformation aux exigences de la loi sur les handicapés (150 millions), l’élimination des défauts structurels (quais, passages sous voies, approvisionnement électrique ; 140 millions) et les coûts imputables à la croissance du trafic (20 millions). Au total, la facture approcherait ainsi les 6 milliards de francs. Des mesures d’économies peuvent y contribuer à hauteur de 100 millions de francs par an, grâce à la suppression de 300 à 350 emplois au sein de la division Infrastructure et à la simplification des procédures internes. Pour le solde, la direction des CFF a jugé inévitable une augmentation de la contribution de la Confédération dans le cadre de la convention de prestation, une hausse des tarifs du trafic voyageurs ne suffisant pas [49].
Vu l’importance du montant, l’OFT a mandaté une contre-expertise. Le Conseil fédéral n’en a toutefois pas attendu le résultat pour adopter le message sur le financement de l’infrastructure ferroviaire suisse (CFF et chemins de fer privés) et sur la convention sur les prestations entre la Confédération et les CFF pour les années 2011-2012. Ce projet concrétise l’harmonisation du financement de l’infrastructure des CFF et des chemins de fer privés entérinée par les chambres lors de l’adoption, en 2008, de la loi sur la réforme des chemins de fer 2. Le gouvernement y définit les objectifs de développement de l’infrastructure ferroviaire financée ou cofinancée par la Confédération, ainsi que les moyens alloués pour les années 2011 et 2012. Le message comporte une modification de la loi sur les Chemins de fers fédéraux (LCFF) ramenant, à titre transitoire, de 4 à 2 ans la période du financement, ainsi que trois projets d’arrêtés fédéraux. Si le premier concerne l’approbation de la convention sur les prestations entre la Confédération et les CFF, les deuxième et troisième portent respectivement sur le financement de l’infrastructure des CFF et des chemins de fer privés suisses pour les années 2011 et 2012. Globalement, le Conseil fédéral demande un crédit de 4542 millions de francs pour les années 2011 et 2012, à raison de 3322 millions pour l’infrastructure des CFF (+332 millions par rapport à la convention 2007-2010) et 1220 millions pour celle des chemins de fer privés (+87 millions). Ces montants sont uniquement destinés à garantir l’entretien et l’exploitation de l’infrastructure existante. En raison du programme de stabilisation des finances fédérales, le gouvernement a renoncé à proposer des investissements pour le développement du réseau ferroviaire [50].
À peine une semaine après l’adoption du message gouvernemental, l’OFT a publié les résultats de la contre-expertise, qui a conclu à la nécessité d’augmenter les moyens alloués à l’entretien du réseau des CFF, dans une mesure toutefois moindre que ne l’avait revendiqué l’ancienne régie. En effet, en tenant compte du potentiel d’économies dû aux gains d’efficience et en proposant d’étaler les travaux, les spécialistes mandatés par l’OFT ont estimé à 500 millions de francs par an les moyens supplémentaires nécessaires à l’entretien de l’infrastructure ferroviaire pour la période 2011-2016. Ce montant demeure toutefois largement supérieur à la hausse de la contribution proposée par le Conseil fédéral dans le projet de convention de prestations 2011-2012 (+160 millions de francs par an). Un financement complémentaire devra ainsi être trouvé lors de l’élaboration de la convention pour les années 2013 à 2016, de sorte à couvrir la facture globale de 3,5 milliards de francs. L’OFT a notamment souligné que, contrairement à la hausse de la subvention 2011-2012, les moyens supplémentaires pour la période 2013-2016 ne pourront pas être prélevés sur le fonds FTP sans remettre en cause la réalisation des projets de développement de l’infrastructure ferroviaire (ZEB). Réagissant simultanément au message du Conseil fédéral et à la contre-expertise, le directeur général des CFF, Andreas Meyer, a estimé absolument nécessaire l’octroi par la Confédération de 140 millions de francs supplémentaires pour 2011 et 2012, afin d’éliminer les goulets d’étranglements les plus graves [51].
Lors de la session d’automne, le Conseil des Etats est entré en matière sur le projet gouvernemental sans la moindre opposition. Les sénateurs ont adopté sans discussion et à l’unanimité la modification de la LCFF et l’arrêté fédéral portant approbation de la convention sur les prestations entre la Confédération et les CFF. Concernant l’infrastructure des CFF, une minorité Hêche (ps, JU) a repris à son compte la revendication du directeur des CFF et proposé de relever le plafond de dépenses de 140 millions de francs à 3462 millions de francs. La chambre haute a rejeté, par 19 voix contre 17, cette proposition, après que le président de la CTT-CE, Christoffel Brändli (udc, GR), a rappelé que cette hausse entraînerait nécessairement une coupe d’un montant identique dans d’autres projets financés par le fonds pour les transports publics (FTP). Au vote sur l’ensemble, les sénateurs ont unanimement approuvé ce deuxième arrêté. S’agissant de l’infrastructure des chemins de fer privés, la chambre haute a décidé, par 23 voix contre 16, d’augmenter la contribution de la Confédération, en la portant à 1279 millions, selon une proposition de la majorité de la CTT-CE visant à satisfaire une demande exprimée par les cantons, qui s’inquiétaient de l’écart entre la proposition du Conseil fédéral et les besoins exprimés par les entreprises (1,444 milliards de francs). Au vote sur l’ensemble, la chambre des cantons a adopté ce troisième arrêté par 32 voix contre 4.
Au Conseil national, la modification de la LCFF et la convention sur les prestations entre la Confédération et les CFF n’ont pas suscité de discussion et ont été adoptées, respectivement à l’unanimité et par 170 voix contre 1. Sur proposition de la majorité de la CTT-CN, les députés ont ensuite décidé, par 110 voix contre 67, d’augmenter de 140 millions de francs le crédit consacré à l’infrastructure des CFF. Au vote sur l’ensemble, ils ont adopté ce deuxième arrêté par 146 voix contre 30. Quant à l’infrastructure des chemins de fer privés, la chambre basse a suivi le Conseil des Etats, par 152 voix contre 4. Lors de l’élimination des divergences, le Conseil des Etats s’est tacitement rallié à la chambre du peuple au sujet de la hausse du financement destiné au réseau des CFF [52].
Le Conseil national a par ailleurs adopté tacitement un postulat Segmüller (pdc, LU) confiant au gouvernement l’examen de mesures visant à combler le retard en matière d’entretien du réseau CFF [53].
En raison de l’augmentation de la proportion de camions semi-remorques dans le trafic poids lourds transalpin, il sera nécessaire de réaménager les tunnels sur les voies d’accès au tunnel du Gothard, de telle sorte que leur gabarit passe de 3,8 à 4 mètres de hauteur. Interpellé dans la presse par l’entreprise de transport combiné Hupac, l’OFT a indiqué qu’il étudiait le problème de concert avec les CFF, qui doivent lui soumettre des propositions au début de l’année 2011. A priori, près de cent tunnels sont concernés et les travaux pourraient coûter de 250 à 600 millions de francs. L’office a évoqué la possibilité de les financer grâce aux recettes des taxes routières ou à travers la convention de prestations avec les CFF [54].
La Délégation de surveillance de la NLFA (DSN) s’est inquiétée du raccordement de l’axe suisse nord-sud au réseau ferroviaire allemand. En raison des nombreuses oppositions au projet d’élimination du goulet d’étranglement sur le tronçon Bâle-Karlsruhe (D), la mise en service des deux voies supplémentaires dédiées au trafic marchandises ne surviendra pas d’ici à l’ouverture du tunnel de base du Gothard, en 2017. La DSN a invité les CTT des chambres à se saisir du problème [55].
Les travaux de percement du tunnel de base du Ceneri (15,4 km), à partir du portail sud, à Vezia, près de Lugano, ont débuté au printemps de l’année sous revue. Leur achèvement est prévu d’ici à mi 2012 [56].
À l’automne, le percement du tube est du tunnel de base du Gothard s’est achevé après onze ans de travaux [57].
Contrairement au Conseil national l’année précédente, le Conseil des Etats a rejeté tacitement la motion Reymond (udc, GE) demandant la publication des comptes de résultat des lignes voyageurs intervilles des CFF préalablement à l’examen par les chambres des projets d’extension du réseau ferroviaire (ZEB). À la suite de leur CTT, les sénateurs ont estimé que l’évaluation de ces projets exige une approche globale et, donc, en aucun cas une démarche se limitant à des comparaisons interlignes et à des considérations de politique régionale, comme le proposait le motionnaire [58].
 
[45] Presse du 24.3.10.
[46] Presse du 24.3.10; NZZ, 31.3.10; CdT, 10.4.10 (Gothard).
[47] Bund, 17.3.10 (BLS); NF, 24.3.10; presse du 30.10.10 (comité).
[48] BO CN, 2010, p. 225 s. Cf. APS 2009, p. 161.
[49] Presse du 20.2.10. Cf. APS 2009, p. 162.
[50] FF, 2010, p. 4495 ss. Concernant la loi sur la réforme des chemins de fer 2, cf. APS 2008, p. 161 s.
[51] Presse du 29.6.10; LT, 5.7.10 (Meyer).
[52] BO CE, 2010, p. 911 ss., 1319 ss. et 1357; BO CN, 2010, p. 1895 ss., 2032 ss. et 2186; FF, 2010, p. 8265 s. (LCFF), et 2011, p. 3323 ss. (arrêtés). Cf. APS 2009, p. 163.
[53] BO CN, 2010, p. 1652.
[54] TA, 28.5.10 (Hupac); presse des 28.10, 29.10 et 9.11.10.
[55] NZZ, 17.4.10.
[56] NZZ, 13.4.10.
[57] Presse du 8 au 16.10.10.
[58] BO CE, 2010, p. 440. Cf. APS 2009, p. 161.