Année politique Suisse 2012 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Politique énergétique
La décision historique prise par les Chambres fédérales en 2011 de sortir progressivement de l’énergie nucléaire a relancé le débat sur le futur approvisionnement de la Suisse en énergie. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a mis en consultation en octobre de l’année sous revue la nouvelle
Stratégie énergétique 2050. En se basant sur de nombreux rapports techniques fournis par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), le Conseil fédéral a présenté un paquet de mesures législatives destiné à mettre en œuvre le virage énergétique. Le dispositif comprend une révision totale de la loi sur l’énergie, forte de 74 articles, ainsi que la modification de neuf autres lois fédérales. Afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement, le gouvernement mise sur une efficacité énergétique accrue, sur le développement de l’énergie hydraulique et de nouvelles énergies renouvelables, sur la production d’électricité à partir d’énergies fossiles et sur les importations. Finalement, le Conseil fédéral entend développer rapidement les réseaux électriques et renforcer la recherche dans le domaine de l’énergie. Pour ce qui est des objectifs quantitatifs, le Conseil fédéral vise, à l’horizon 2035, une réduction de la consommation par personne de 35% par rapport au niveau enregistré en l’an 2000. La consommation d’électricité doit être stabilisée à partir de 2020. En matière d’efficacité énergétique, un volet important du projet concerne l’immobilier qui absorbe 46% de la consommation totale d’énergie. Le gouvernement propose de renforcer le programme Bâtiments de sorte que celui-ci dispose de plus de moyens afin de promouvoir les assainissements énergétiques. Par ailleurs, un durcissement des normes pour les nouveaux et les anciens bâtiments et un renforcement des prescriptions énergétiques des cantons en matière de construction ont également pour but d’augmenter l'efficacité énergétique dans ce domaine. Au niveau de l'industrie, le Conseil fédéral prévoit de conclure des conventions d'objectifs contraignantes avec les entreprises. Les prescriptions de consommation d'énergie pour les appareils électriques et pour l'éclairage seront renforcées. Quant au domaine de la mobilité, des prescriptions d'émissions de CO2 plus sévères pour les voitures mises en circulation sont envisagées. Pour ce qui est du développement des énergies renouvelables, le gouvernement prévoit une production annuelle de la force hydraulique d’au moins 37 400 gigawattheures (GWh) d'ici 2035. Les autres formes d’énergies renouvelables sont appelées à croître rapidement pour atteindre 11 940 GWh. Pour y parvenir, le Conseil fédéral souhaite adapter le taux de rétribution en supprimant le plafonnement des coûts. Seul le développement du photovoltaïque continuerait à être soumis à des contingents annuels. Afin d’accélérer les procédures d’autorisation de nouvelles installations, une nouvelle disposition de la loi sur l'énergie devrait préciser que l'exploitation des énergies renouvelables et leur développement revêtent un intérêt national. Jusqu'à ce que les besoins énergétiques puissent être intégralement couverts par les énergies renouvelables, le gouvernement estime nécessaire de développer la production d'électricité fossile par des installations de couplage chaleur-force (CCF) et des centrales à gaz à cycles combinés. En même temps, le gouvernement a insisté sur l’urgence de moderniser et d’élargir le réseau électrique. A cette fin, le Conseil fédéral propose de restreindre les possibilités de recours auprès du Tribunal fédéral
[1].
Dans le cadre de sa nouvelle politique énergétique, le Conseil fédéral a également présenté en octobre son message relatif au
plan d’action « Recherche énergétique suisse coordonnée ». Estimant que le développement de compétences scientifiques supplémentaires constitue une condition essentielle au virage énergétique, le gouvernement a proposé d’affecter 202 millions de francs au renforcement de la recherche et de l’innovation pour la période 2013-2016
[2].
Quant au
projet de réforme fiscale écologique, celui-ci constituera la pièce maîtresse de la deuxième étape de la stratégie du Conseil fédéral. A partir de 2021, le gouvernement souhaite remplacer progressivement les mécanismes d’encouragement actuels (la rétribution à prix coûtant (RPC) et la taxe sur le CO2) par un système d’incitation. Le Conseil fédéral a annoncé qu’il allait élaborer un projet de consultation d’ici 2014
[3].
Le Conseil fédéral a rejeté
l’initiative populaire baptisée « De nouveaux emplois grâce aux énergies renouvelables (initiative cleantech) ». Le texte du parti socialiste demande que la moitié de l’approvisionnement en énergie provienne de sources renouvelables en Suisse d’ici 2030. Alors que le Conseil fédéral s’est déclaré favorable à une telle proportion dans son message adressé au parlement en juin, il a jugé trop ambitieux le délai proposé par l’initiative
[4].
Dans le but de définir une base commune quant aux défis posés par la nouvelle donne en matière de politique énergétique, la
Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie (CDEn) a adopté en mai les « Principes directeurs de la politique énergétique ». Les directeurs de l’énergie se sont prononcés en faveur d’une exploitation accrue du potentiel des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Néanmoins, ils reconnaissent que les centrales à gaz seront nécessaires durant une période transitoire. Par ailleurs, la CDEn a estimé qu’une autre priorité concernait le renouvellement et l’extension du réseau électrique
[5].
Dix-neuf services industriels de villes suisses, réunis au sein de Swisspower, ont signé en juillet le
« Masterplan 2050 ». Il s’agit d’un plan d’action dont le but consiste à sortir du nucléaire. Les signataires se sont engagés à approvisionner, sur le long terme, la Suisse en énergies renouvelables. Ces services industriels, qui comptent 1,1 million de clients, se sont déclarés convaincus de la faisabilité du tournant énergétique
[6].
Les
négociations que la Suisse a engagées avec l’Union européenne (UE) dans le domaine de l’électricité en 2007 n’ont pas avancé. Malgré quelques rencontres bilatérales, ce sont en premier lieu les questions institutionnelles qui ont empêché l’aboutissement d’un accord tant espéré par les entreprises électriques suisses
[7].
En mars de l’année sous revue, le Conseil national a accepté un postulat Bourgeois (plr, FR) chargeant le Conseil fédéral d'établir un rapport au sujet des
incidences de la politique énergétique des pays de l'UE sur la sécurité d'approvisionnement en électricité et sur la compétitivité en Suisse
[8].
L’initiative populaire des Vert’libéraux
« Remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie », a récolté de justesse 108 018 signatures authentifiées à la Chancellerie en décembre de l’année sous revue
[9].
En raison de son franc succès auprès de la population, le
programme national d’assainissement des bâtiments a dû être adapté au cours de l’année. En effet, pas loin de 48 000 demandes ont été acceptées dans le cadre du « Programme Bâtiments » et environ 440 millions de francs ont été accordés pour l'assainissement énergétique des bâtiments entre 2010 et 2011. Une grande partie des fonds mis à disposition pour les cinq premières années (2010 à 2014) a d’ores et déjà été utilisée. Les recettes du programme, issues de la taxe sur les émissions de CO2, ne permettent de dégager que 120 millions de francs par an. En avril, la Confédération a annoncé deux modifications entraînant un ciblage des subventions. Premièrement, le remplacement des fenêtres ne donnera droit à une incitation financière que si les surfaces de façade ou de toit qui les entourent sont également assainies. Deuxièmement, la subvention destinée au remplacement de fenêtres ou à l’assainissement de toits ou de façades a été abaissée de 40 à 30 francs par mètre carré, alors que l’isolation de surfaces qui partagent des murs avec des locaux non chauffés ne sera soutenue que de 10 francs par mètre carré (contre 15 francs auparavant). Afin de garantir la continuation du programme, le Conseil fédéral et la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie (CDEn) ont convenu en octobre de prolonger l’accord d’une année, jusqu’à la fin 2015. Une partie des recettes de la taxe sur le CO2 prélevée en 2015 sera attribuée au programme. De cette manière, les projets de rénovation des bâtiments pourront continuer à bénéficier, sans interruption, d'un soutien financier conséquent
[10].
Suite à l’adoption d’une motion Leutenegger (plr, ZH), le Conseil fédéral a été chargé de lancer une révision de la loi sur l'aménagement du territoire et du droit fiscal afin de créer des incitations et des conditions favorables quant à
l’accélération de l'assainissement énergétique des bâtiments. Le gouvernement avait pourtant recommandé aux Chambres fédérales de rejeter ce texte
[11].
Pour ce qui est du programme d'assainissement des bâtiments et autres programmes destinés à accroître l’efficacité énergique, le Conseil national a accepté une motion Bourgeois (plr, FR) demandant au Conseil fédéral, en collaboration avec les cantons, de
prendre en considération les emplois générés par le programme en Suisse tout en respectant les accords internationaux. Le texte propose notamment d’harmoniser, dans la mesure du possible, les lois fédérales et cantonales sur les marchés publics. Le Conseil des Etats ne s’est pas prononcé sur cette motion en 2012
[12].
En décembre, le Conseil des Etats a transmis un postulat Häberli-Koller (pdc, TG) chargeant le Conseil fédéral de présenter des mesures d'encouragement et des mesures législatives les plus efficaces afin de réduire la consommation d'énergie et les émissions de CO2 du parc immobilier suisse
[13].
Lors de la session d’automne, le Conseil national s’est prononcé en faveur d’une motion émanant de sa commission de l'environnement, de l'aménagement, du territoire et de l'énergie (CEATE-CN) portant sur le
remplacement des chauffages électriques. Le texte demande que le Conseil fédéral présente, en collaboration avec les cantons, les conditions-cadres légales permettant de remplacer la plupart des 250 000 chauffages électriques en fonction par des alternatives plus efficaces d'ici 2025. La Conseil des Etats devra encore se prononcer sur cette motion
[14].
En août, une initiative populaire baptisée «
Pour un approvisionnement en électricité sûr et économique (initiative efficacité énergétique) » a été lancée par un comité au sein duquel figurent des hommes et femmes politiques de gauche et de droite, des entrepreneurs ainsi que des représentants d’organisations environnementales. Le texte exige que la consommation d’électricité ne dépasse pas la barre des 58,6 milliards de kilowattheures en 2035, ce qui correspondrait au niveau de consommation observé en 2011
[15].
En mai de l’année sous revue, le Conseil fédéral a présenté l’orientation générale de la
« Stratégie Réseaux électriques » qui s’inscrit dans le contexte de la stratégie énergétique 2050. Au cours des cinquante dernières années, la consommation d'électricité a plus que triplé en Suisse. Le gouvernement a constaté que le réseau électrique suisse avait atteint les limites de ses capacités. Afin d’étendre le réseau de distribution et de rénover le réseau de transport, dont la plus grande partie a été mise en place il y a quarante ans, le Conseil fédéral table sur des coûts de l'ordre de 18 milliards de francs. Il a mandaté le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) d’établir un projet de conception détaillé sur la « Stratégie Réseaux électriques » d’ici 2013
[16].
La construction de nouvelles lignes à haute tension souterraines a continué de faire l’objet d’âpres controverses. Une motion Steiert (ps, FR) demandant, à l’instar de la pratique existante en Allemagne, des
projets pilotes d’enfouissement de lignes à très haute tension a été rejetée par le Conseil des Etats lors de la session d’hiver. Il est à noter que cette intervention parlementaire avait obtenu une majorité au sein du Conseil national en juin de l’année sous revue
[17].
Le Tribunal fédéral (TF) a donné partiellement raison aux riverains qui s’opposent à la construction d’une ligne aérienne prévue entre
Wattenwil et Mühleberg (BE) en suspendant la décision d’approbation des plans par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). L’arrêt du Tribunal fédéral du 12 novembre 2012 a exigé qu’une analyse conduite par un expert international, indépendant et reconnu évalue les possibilités de tronçons souterrains
[18].
En août, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a donné son feu vert à la variante aérienne du projet de ligne à haute tension entre
Chamoson et Chippis (VS). Il a ainsi débouté plus d’une vingtaine d’opposants, dont la commune de Salins et la bourgeoisie de Sion. Fin octobre, le Conseil fédéral a arrêté le couloir de la ligne aérienne de 380 kilovolts et d’une longueur de 44 kilomètres
[19].
Le Conseil fédéral a approuvé à la mi-décembre une modification des statuts de
Swissgrid permettant à la société de reprendre, à partir de 2013, le réseau de transport de l'électricité en Suisse des mains des sociétés productrices de courant. Il a estimé que la sécurité de l'approvisionnement était garantie dans toutes les régions de Suisse, de même que l'indépendance de Swissgrid et l'exploitation non discriminatoire du réseau. Swissgrid est désormais responsable non seulement de l'exploitation du réseau, mais aussi de son entretien, de sa rénovation et de son extension. L'accession à la propriété du réseau élargit son actionnariat de huit à dix-sept compagnies d'électricité. Tous les exploitants ont signé le contrat qui régit les grands axes de la cession, à l’exception des services industriels de la Ville de Zurich (ewz) en raison d’un litige juridique avec la Commission fédérale de l'électricité (ElCom)
[20].
La deuxième étape de la libéralisation du marché de l’électricité, initialement prévue pour 2013, a encore été retardée durant l’année sous revue. Les travaux préparatoires, interrompus en raison de la nouvelle donne énergétique, ont néanmoins repris au sein de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Selon le calendrier remanié, la révision de la loi sur l’approvisionnement en énergie (LApEl) devrait être mise en consultation au cours de l’année 2013
[21].
Le parlement a en partie adopté une motion Gasche (pbd, BE) portant sur des modifications de la loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl). En vue d’une prochaine étape d’ouverture du marché de l’électricité, les deux Chambres fédérales ont accepté que
les tarifs soient fixés en fonction des prix du marché et non en fonction des coûts de production et des contrats d’achat à long terme, comme cela est le cas jusqu’à présent. En revanche, une partie de la motion demandant de relever le taux d’intérêt pour les réseaux électriques a été rejetée
[22].
La Commission fédérale de l’électricité (Elcom) a annoncé en septembre que
les prix de l’électricité diminueraient en moyenne de 1% pour les ménages (à 19,4 ct./kWh) et pour les PME (à 19,3 ct./kWh) en 2013. Ces baisses sont principalement liées à une baisse sensible des tarifs d’utilisation du réseau. Ceux-ci vont diminuer en moyenne de 3 à 4%. Les redevances et prestations aux collectivités publiques vont en revanche augmenter en moyenne de 6 à 7%, ce qui représente un peu moins de 1ct./kWh. Les différences régionales concernant les niveaux des prix vont subsister. L'électricité est, d'une manière générale, plus chère en Suisse romande et sur le Plateau que dans le nord-est de la Suisse
[23].
La consommation d’électricité a augmenté de 0,6% en 2012 pour s’établir à 59,0 milliards de kilowattheures (kWh). La plus forte hausse a été enregistrée au cours du premier trimestre (+1,9%) en raison de la vague de froid ainsi que du jour supplémentaire du mois de février (année bissextile), qui à lui seul a fait grimper la consommation d’électricité de quelque 0,3%. La production d’électricité des centrales suisses, en hausse de 8,2%, a atteint 68,0 milliards de kWh, ce qui a constitué le deuxième score le plus élevé de l’histoire du pays. Cette forte progression est principalement due à la production de centrales hydrauliques (+18,1%) qui ont bénéficié d’importantes précipitations et d’une couverture neigeuse supérieure à la moyenne en montagne. Les centrales hydrauliques ont contribué à hauteur de 58,7% à la production totale d'électricité, contre 35,8% pour les centrales nucléaires et 5,5% pour les centrales thermiques conventionnelles et autres installations. Pour ce qui est des échanges extérieurs, la Suisse a enregistré des importations de 86,8 milliards et des exportations de 89,0 milliards de kWh. Le solde positif s’est donc élevé à 2,2 milliards de kWh
[24].
[1]
FF, 2013, p. 7650;Communiqué de l’OFEN du 28.9.12
;
Presse du 29.9.12; cf.
APS 2011, p. 227.
[2] MCF 12.079:
FF, 2012, p. 8331 ss;
NZZ, 18.10.12.
[3] Communiqué de l’OFEN du 28.9.12.
[4] MCF 12.067:
FF, 2012, p. 6267 ss;
NZZ, 16.6.12.
[5] Communiqué de la CDEn du 4.5.12.
[6] Communiqué de Swisspower du 2.7.12;
NZZ, 3.7.12.
[7]
Lib., 12.2.12;
NZZ, 18.9.12;
BZ, 8.10.12.
[8] Po. 11.4088:
BO CN, 2012, p. 536.
[9]
FF, 2013, p. 571 s.; cf.
APS 2011, p. 230.
[10] Communiqués de l’OFEN du 26.4 et du 30.10.12.
[11] Mo. 10.3717:
BO CN, 2012, p. 964 s.;
BO CE, 2012, p. 1249.
[12] Mo. 12.3340:
BO CN, 2012, p. 1792.
[13] Po. 12.3696:
BO CE, 2012, p. 1250.
[14] Mo. 12.3340:
BO CN, 2012, p. 1613;
NZZ, 25.4 et 25.9.12.
[15]
FF, 2012, p. 7315 ss.;
Lib. et
NZZ, 29.8.12.
[16] Communiqué de l’OFEN du 23.5.12;
NZZ, 24.5.12.
[17] Mo. 10.3815:
BO CN, 2012, p. 1065 s.;
BO CE, 2012, p. 1248 s.;
24h, 14.12.12.
[19] Communiqué de l’OFEN du 31.10.12;
NF, 30.8.12 et 2.11.12; cf.
APS 2012, p. 231.
[20] Communiqué de l’OFEN 14.12.12;
NZZ, 28.9. et 15.12.12.
[22] Mo 12.3253:
BO CN, 2012, p. 1209;
BO CE, 2012, p. 1244 ss.
[23] Communiqué de l’Elcom du 7.9.11.
[24] Communiqué de l’OFEN du 17.4.13.
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