Année politique Suisse 2012 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Energie nucléaire
Concernant
l’initiative populaire « Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire (sortir du nucléaire) », les Verts et leurs alliés ont déposé 108 227 signatures auprès de la Chancellerie fédérale en novembre de l’année sous revue. L’initiative prévoit une sortie du nucléaire par étapes. Le texte demande que la centrale de Beznau I soit arrêtée un an après l’acceptation de l’initiative et les autres centrales (Mühleberg, Beznau II, Gösgen et Leibstadt) 45 ans après leur mise en service. Selon ce calendrier, Leibstadt serait le dernier site nucléaire en activité et devrait fermer ses portes au plus tard en 2029
[25].
En novembre, les commissions des
fonds de désaffectation et de gestion des déchets radioactifs ont revu à la hausse les contributions des exploitants. Par rapport à la dernière évaluation de 2006, les contributions ont été augmentées de 10% pour la période 2012-2016. Les exploitants des centrales nucléaires suisses devront donc thésauriser 20,654 milliards de francs en vue de l'arrêt des installations et de la gestion des déchets. Les contributions des exploitants sont calculées, conformément à l'ordonnance sur le fonds de désaffectation et sur le fonds de gestion, sur la base des études de coûts mises à jour tous les cinq ans en fonction de l'état actuel des connaissances et de la technique
[26].
Les
instances de sécurité nucléaire ont traversé une année 2012 difficile. En effet, deux membres de la Commission fédérale de sécurité nucléaire (CSN) ont donné leur démission au cours de l’année. Le géologue Marcos Buser a dénoncé des connivences entre l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), l’Inspection fédérale pour la sécurité nucléaire (IFSN) et la Nagra, la société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs. Quant à Tanja Manser, spécialiste de la gestion des risques, elle a quitté la CSN afin de protester contre le manque de moyens que le Conseil fédéral accorde à la sécurité nucléaire. En outre, Walter Wildi, expert indépendant et ancien directeur de l’instance qui a précédé le CSN, a annoncé qu’il quittait le comité consultatif « Gestion des déchets » au sein de la Nagra. Le géologue a critiqué le manque d’indépendance de la part de l’IFSN, suite à quoi les préoccupations principales de la sécurité nucléaire n’auraient pas été suffisamment prises en compte. Il a notamment dénoncé le risque de contamination des réserves d’eau potable lors de manipulations des déchets. Face à ces critiques, le Conseil fédéral a commandé un rapport externe, qui a fait état de la relation entre l’IFSN et la Nagra. L’expertise a constaté que l’IFSN transmettait systématiquement les procès-verbaux de ses séances à la Nagra pour correction avant de les remettre aux autres participants. Il ne s’agirait pas d’une falsification des contenus et des décisions prises. Néanmoins, le rapport a recommandé l’arrêt de cette pratique
[27].
Les
tests de résistance (« stress tests ») de l’Union européenne, publiés en janvier, ont confirmé le niveau élevé de la sécurité des centrales nucléaires suisses et la pertinence des mesures prises à la suite de l’accident de Fukushima. L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a néanmoins identifié huit points techniques qui s’ajouteront aux 37 critères de vérification que l’autorité de surveillance avait établis lors de sa propre analyse de la catastrophe nucléaire
[28].
En juillet, l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a publié les résultats de
l’examen des démonstrations de maîtrise des séismes des centrales nucléaires. A la suite de la catastrophe de Fukushima, les exploitants des centrales nucléaires suisses ont été priés de démontrer que leurs installations étaient en mesure de résister à un tremblement de terre d’une importance exceptionnelle. Les exploitants devaient notamment authentifier que leur réacteur pouvait être mis hors service en toutes circonstances, que la dépressurisation était assurée et que le système de refroidissement pouvait être enclenché en cas de coupure de courant. De plus, le barrage de Mühleberg, situé en amont de la centrale, devait faire la preuve de sa capacité à résister à un séisme et à une crue de grande importance. Selon l’IFSN, tant le refroidissement du cœur du réacteur que celui des éléments de combustibles stockés dans les piscines sont garantis même en cas de fort tremblement de terre. La structure des bâtiments aussi bien que les éléments techniques permettent de garantir que la dose de radioactivité de 100 millisieverts ne sera pas dépassée. Il n’y a donc pas lieu de débrancher l’une ou l’autre des installations. En revanche, la qualité de l’analyse des risques à Gösgen (SO) a été sévèrement jugée par l’IFSN qui a estimé que les documents fournis étaient insuffisants et qui a dû à plusieurs reprises exiger des compléments d’information
[29].
Au cours de l’année sous revue,
la
centrale nucléaire de Mühleberg (BE) a fait couler beaucoup d’encre. Dans un arrêt rendu le 7 mars, le Tribunal fédéral administratif (TAF) a ordonné, pour des raisons de sécurité, l’arrêt d’exploitation du site au 28 juin 2013 au plus tard si un concept d’entretien global n’était pas présenté d’ici là. Cette décision a été motivée par l’état préoccupant du manteau du réacteur, le manque de sécurité en cas de séisme et l’absence de moyens de refroidissement indépendants de l’Aar. Si les Forces Motrices Bernoises (FMB) souhaitent poursuivre l’exploitation du site, elles devront déposer auprès du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) une demande assortie d'une documentation complète portant sur l’entretien à long terme du site. Par cette décision, qui a fait grand bruit au sein de l’élite politique et dans les médias, le TAF a partiellement approuvé les recours d’opposants contre la décision du DETEC d’abroger la limitation temporelle de l’autorisation d’exploiter la centrale. Les Forces Motrices Bernoises, qui ont l’intention d’exploiter la centrale de Mühleberg jusqu’en 2022, ont déposé un recours auprès du Tribunal fédéral (TF), tout comme le DETEC, qui a estimé que le TAF avait dépassé ses compétences en la matière
[30].
Dans le canton de Berne, une
initiative populaire réclamant l’arrêt immédiat de la centrale de Mühleberg a abouti. En février, un comité privé a déposé plus de 15 000 signatures auprès de la Chancellerie bernoise. Le texte exige que le canton de Berne, en tant qu’’actionnaire majoritaire des Forces Motrices Bernoises (FMB), demande l’arrêt immédiat de la centrale. Le Conseil d’Etat a pris position à ce sujet en octobre. Il rejette l’initiative, mais compte mettre en consultation un contre-projet dans lequel il proposera une date butoir encore à déterminer. Sous réserve de la décision du Tribunal fédéral, c’est donc le peuple bernois qui pourrait fixer la date d’un débranchement du site nucléaire
[31].
Le 11 mars, un an jour pour jour après la catastrophe de Fukushima, près de 8000 opposants au nucléaire ont manifesté devant la centrale de Mühleberg afin de demander son arrêt immédiat
En décembre, l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a publié de nouvelles exigences concernant
l’exploitation de la centrale de Mühleberg. L’autorité de surveillance a estimé que le site bernois remplissait les critères minimaux de sécurité pour les prochaines cinq années. Au-delà de 2017, l’IFSN exige de vastes mesures de rééquipement, notamment pour ce qui est de l’enveloppe du cœur du réacteur, de l’enceinte de confinement et de la maîtrise des défaillances. Les plans de mise en œuvre obligatoires devront être remis à l’IFSN d’ici 2013
[33].
Par ailleurs, le Land autrichien du
Vorarlberg a décidé en janvier de porter plainte contre la centrale nucléaire de Mühleberg dans le but d’exiger le retrait de son permis d’exploitation. Le Land a été soutenu par le ministre autrichien de la vie qui a publié en juillet un avis technique négatif au sujet de l’installation bernoise
[34].
Suite à l'arrêt du Tribunal administratif fédéral (TAF) relatif à la centrale nucléaire de Mühleberg, le Conseil national a adopté un postulat Müller-Altermatt (pdc, SO) portant sur la
surveillance des centrales nucléaires. Le texte demande au Conseil fédéral d’examiner la possibilité de réviser la loi sur l'énergie nucléaire de manière à réunir, pour ce qui est de la durée d’exploitation des centrales nucléaires, les compétences matérielles et décisionnelles au sein d’une seule autorité, à savoir l’IFSN
[35].
Contrairement au Conseil national l’an passé, le Conseil des Etats a rejeté une motion déposée par la commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (CEATE-CN) demandant plus de transparence quant à
l’origine des combustibles utilisés dans les centrales nucléaires suisses
[36].
Dans la même thématique, l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) a annoncé en novembre que le voyage de la délégation d'experts suisses à Majak (Russie), initialement prévu pour la mi-novembre 2012, avait été reporté. Les travaux préparatoires avec l'agence russe de l'énergie atomique Rosatom n'ayant pas pu être achevés à temps. La centrale nucléaire russe, d’où provenait l’uranium utilisé par la centrale de Beznau, avait fait l’objet d’accusations de pollution radioactive ces dernières années
[37].
En janvier, la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra) a présenté
vingt projets d’accès aux dépôts de déchets radioactifs. Ceux-ci se trouvent dans six régions d’implantation. La Nagra a respectivement proposé quatre portes d’accès dans le Jura-Est (Villigen/Böttstetten, Bözen/Effingen, Villigen/Böttstein et Würenlingen), au Pied Sud du Jura (Kölliken, Suhr et deux projets à Däniken), dans la région Nord des Lägern (Mellikon/Rekingen, Weiach, Glattfelden et Glattfelden/Bülach) et au nord-est de Zurich (Schlatt, Rheinau et deux projets à Marthalen). Pour ce qui est des trois projets localisés dans la région du Südranden, deux sont situés à Beringen et un à Wilchingen/Hallau. Quant au Wellenberg, une seule proposition (Wolfenschiessen) a été élaborée. Ces projets ont été mis en consultation dans le cadre des conférences régionales établies en 2011. Les régions en question pourront évaluer les propositions, les adapter ou en proposer d’autres. Suite aux résultats de cette collaboration, la Nagra sera chargée de retenir une installation de surface par région. Il est à relever que les six cantons concernés (AG, SH, SO, NW, TG, ZH) ont immédiatement protesté contre les projets sélectionnés en mettant en cause les critères appliqués par la Nagra. Face à ces critiques, l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) a revu le calendrier initial. Afin qu’elles puissent examiner d’autres projets d’accès, les conférences régionales ont bénéficié d’une extension de délai de six mois. Elles devront remettre leurs analyses d’ici la fin avril 2013 à l’OFEN
[38].
En automne de l’année sous revue, la Nagra s’est trouvée dans la tourmente. Dans son édition du 7 octobre, la « SonntagsZeitung » a publié un
document confidentiel interne daté du 18 novembre 2011 portant sur les sites de dépôts de déchets radioactifs. Dans ces notes, la Nagra désigne les deux sites envisagés : le nord-est de Zurich (Weinland) stockerait les déchets hautement radioactifs et le Bözberg (AG), les déchets moyennement à faiblement radioactifs. Suite à ces révélations, des voix se sont élevées pour exiger la démission des dirigeants de la Nagra
[39].
Fin mai, le Conseil des Etats s’est prononcé contre une initiative cantonale émanant de l’Etat de Berne. Le texte invitait l'Assemblée fédérale à
régler immédiatement la question du stockage des déchets radioactifs [40].
Toujours en matière de stockage géologique des déchets nucléaires, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à deux initiatives parlementaires demandant de
ré-octroyer un droit de véto aux cantons concernés. Les interventions déposées par Fehr (ps, SH) et le groupe parlementaire des Verts ont été rejetées lors de la session d’automne. En septembre, le canton de Nidwald a soumis une initiative cantonale aux Chambres fédérales ayant le même objectif
[41].
[25]
FF, 2013, p. 569 s.;
LT, 16.11.12; cf.
APS 2011, p. 228.
[26] Communiqué de l’OFEN du 21.11.12;
NZZ, 23.11.11.
[27] Communiqué de l’OFEN du 3.12.12;
24h, 24.7.12;
NZZ, 16.8.12;
LT et
NZZ, 4.12.12.
[28] Communiqué de l’IFSN du 10.1.12;
NZZ et
LT, 11.1.12.
[29] Communiqué de l’IFSN du 9.7.12;
NZZ et
LT, 10.7.12.
[30] Presse du 8.3.12;
BZ, 15.3.12.
[31]
BZ, 11.2.12 et 20.10.12;
LT, 7.11.12.
[33] Prise de position de l’IFSN du 21.12.12;
LT et
NZZ, 22.12.12.
[34]
SGT, 9.1.12 et 27.7.12.
[35] Po. 12.3131:
BO CN, 2012, p. 1212.
[36] Mo. 11.3758:
BO CE, 2012, p. 35 ss.; cf.
APS 2011, p. 236.
[37] Communiqué de l’OFEN du 7.11.12; AZ, 9.11.12; cf.
APS 2011, p. 236.
[38] Communiqué de la NAGRA du 20.1.12; Communiqué de l’OFEN du 8.10.12;
NZZ, 21.1. et 4.10.12.
[39]
SoZ, 7.10.12;
LT, 8.10.12.
[40] Iv.ct. 11.315:
BO CN, 2012, p. 315.
[41] Iv.pa. 10.514 (Fehr) et 10.530 (Verts):
BO CN, 2012, p. 1398 ss.; Iv.ct. 12.319;
NZZ, 14.9.12.
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