Année politique Suisse 2012 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen / Réfugiés
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Mise en œuvre
L’année sous revue a été marquée par la problématique de la pénurie de logements pour les requérants d’asile. L’augmentation importante des demandes d’asile en 2011 (+45% par rapport à 2010) a confronté les autorités au problème du logement de ces requérants. Ainsi, des requérants ont été logés dans un ancien hôpital (Boudry, NE) ou encore dans un hôtel de passe (Aadorf, TG). En outre, l’ouverture de nouveaux centres a maintes fois rencontré l’opposition des habitants et des autorités. Le principal exemple de l’année sous revue est probablement la commune de Bettwill (AG). Cette dernière a refusé d’ouvrir un centre, invoquant qu’aucun permis de construire ne pouvait être délivré pour transformer le cantonnement militaire en centre pour requérants. Le Département de la défense a également été accusé de refuser de mettre à disposition les centres militaires désaffectés ou sous-utilisés à disposition des requérants d’asile. Au final, la pression sur le département de la défense a permis d’ouvrir quelques nouveau centres d’hébergement temporaires pour requérants d’asile, notamment dans les communes de Hasliberg (BE), Bienne (BE), Schwarzenberg (LU), Boudevilliers (NE), Carouge (GE), Hauterive (FR) et Sufers (GR) [34].
Toujours concernant les difficultés de logement des requérants d’asile, une motion avait été déposée en 2011 par le conseiller national Philipp Müller (plr, AG) demandant au gouvernement de résoudre les problèmes dans ce domaine. La motion propose plus particulièrement de conduire ces réformes en intégrant tous les acteurs concernés, notamment les cantons, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et le Département fédéral de la justice et police (DFJS), et en répondant efficacement aux obstacles légaux et techniques. Le Conseil des Etats a accepté la motion, calquant ainsi sa décision sur celle du Conseil fédéral et du Conseil national [35].
L’été 2011 avait été marqué par la découverte de 7 000 à 10 000 demandes d’asile irakiennes gelées dans les ambassades de Suisse en Syrie et en Egypte. Aucune suite n’avait été donnée à ces demandes. En 2012, l’ancien juge fédéral Michel Féraud a rendu un rapport expliquant qu’en ne traitant pas ces demandes, l’Office fédéral des migrations avait clairement violé le droit sur l’asile et d’autres garanties constitutionnelles de procédure. Malgré cette faute, le rapport exclut d’éventuelles sanctions envers les responsables. Il reste cependant des zones d’ombres notamment quant à savoir quels ministres étaient au courant de ces pratiques. En effet, le rapport n’a pas pu établir clairement qui, de Christoph Blocher, Eveline Widmer-Schlumpf ou Simonetta Sommaruga, était au courant de cette affaire [36].
Les suites du printemps arabe ont également été discutées dans les médias. En effet, la plupart des réfugiés d’Afrique du Nord sont considérés comme des réfugiés économiques et n’ont ainsi pas de raison valable de demander l’asile. Le traitement de ces dossiers engorge l’administration et de ce fait, ralentit encore les procédures. Les autorités suisses se sont montrées particulièrement inquiètes au sujet des Algériens. En effet, l’Algérie refuse de reprendre ses ressortissants déboutés et cela, malgré une ébauche d’accord de renvoi signé en 2006 [37].
En janvier, le Ministère public zurichois a rendu son verdict sur les causes de la mort d’un jeune Nigérian décédé en 2010 sur le tarmac de l’aéroport de Kloten alors qu’il était en train d’être renvoyé de force dans son pays. L’enquête du ministère a conclu que le jeune homme était décédé de causes « naturelles et internes ». L’avocat de la famille du jeune homme a déclaré qu’il ferait recours à la Cour suprême du canton de Zurich [38].
Toujours dans le domaine des renvois forcés, la Commission nationale de prévention de la torture a accepté d’endosser le rôle d’observateur lors des fameux vols spéciaux. La Commission reprend ainsi la fonction de la Fédération des églises protestantes qui a quitté ses fonctions au terme d’un projet pilote [39].
Le canton de Genève a développé un projet pilote pour tenter de renvoyer les étrangers délinquants ou les requérants déboutés récalcitrants. En effet, le canton de Genève compte une importante population algérienne d’environ 400 délinquants, qui suite au retard de la mise en œuvre de l’accord de renvoi avec l’Algérie, est inexpulsable. Ainsi, la ministre genevoise Isabel Rochat a développé un « projet Maghreb » qui vise à encourager le départ volontaire de ces délinquants par une somme de 4 000 francs. [40].
Jugeant les procédures dans le domaine d’asile trop lentes et administrativement trop chargées, le conseiller national Hugues Hiltpold (plr, GE) a déposé une motion demandant une réduction de la bureaucratie dans le domaine de l’asile. La demande concerne notamment un regroupement des différentes auditions passées par les requérants d’asile. Suivant l’avis du Conseil fédéral et du Conseil national, le Conseil des Etats a accepté la motion [41].
Face à la crise syrienne, Simonetta Sommaruga a décidé d’accueillir un contingent de 36 réfugiés syriens. Cette mesure répond à une demande du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). L’UDC a vivement réagi à la décision de la ministre en publiant un communiqué au titre radical « Combien de temps encore prendrez-vous les Suisses pour des imbéciles, Madame Sommaruga? » [42].
Le centre des requérants d’asile de Chiasso a été l’objet d’une initiative cantonale tessinoise en mars 2012. Le canton du Tessin a demandé à la Confédération de renforcer les effectifs du centre, de soutenir les communes qui créent des programmes d’occupation pour ces requérants, de prendre en considération le comportement du requérant lors de l’octroi du statut de réfugié, de régler les peines privatives de liberté des requérants et finalement de s’investir dans la création de nouveaux centres. La commission des institutions politiques du Conseil national a donné suite à ces revendications [43].
En réponse à l’immigration importante provenant de l’Afrique du nord, la commission des institutions politiques du Conseil national a déposé une motion afin que les communes qui abritent un centre d’accueil soient dédommagées pour les frais de sécurité supplémentaires. Le Conseil fédéral et le Conseil national se sont dits prêts à suivre la proposition de la commission. Au Conseil des Etats, la commission responsable a proposé de rejeter la motion, puisque lors de la révision de la loi sur l’asile, un forfait de sécurité a été octroyé aux cantons. Les cantons répartiront ensuite les subventions aux communes. [44].
La motion de la CIP CN demandant une meilleure planification des hébergements pour les requérants d’asile a reçu le soutien de son conseil au mois de septembre. Plus précisément, la CIP CN souhaite que le Conseil fédéral prévoie une réserve de logements pour qu’en cas d’immigration massive, l’Etat puisse rapidement subvenir aux besoins des requérants. Le Conseil des Etats se penchera sur ce dossier l’année prochaine [45].
En octobre, le Conseil fédéral a publié un rapport pour répondre au postulat Hiltpold (plr, GE) « Migration en provenance de pays nord-africains. Situation en Suisse ». Les conclusions du rapport montrent que la Suisse a rapidement réagi. Elle a non seulement augmenté son soutien humanitaire, mais a aussi adapté sa politique de l’asile en traitant prioritairement les personnes issues de certains pays et ne présentant pas de motifs d’asile. Ainsi, de nombreux requérants sont rentrés grâce à des programmes d’aide au retour [46].
En décembre, le Conseil fédéral a adopté un plan d’urgence pour se préparer à des afflux extraordinaires de demandes d’asile. Ce plan, inspiré des conséquences du printemps arabe, devrait permettre au gouvernement d’accélérer et de simplifier les procédures, ainsi que de trouver rapidement des places d’hébergements [47].
 
[34] Communiqué de presse de l’OFM du 2.4., 25.4., 19.9. et 4.10.12; LT, 13.1., 2.3. et 3.2.12.
[35] Mo. 11.3868: BO CN, 2011, p. 2264; BO CE, 2012, p. 537s.; APS 2011, p. 328.
[36] Lib., 12.1.12; APS 2011, p. 324.
[37] LT, 2.3.12.
[38] LT, 21.1.12; APS 2010, p. 264.
[39] Lib. 23.3.12.
[40] LT, 13.4. et 7.12.12.
[41] Mo. 11.3809: BO CN, 2011, p.2264; BO CE, 2012, p. 537; APS 2011, p. 328.
[42] LT, 20.9.12.
[43] Iv.cant. 12.305.
[44] Mo. 12.3338: BO CN, 2012, p. 1192ss.; BO CE, 2012, p.860s.
[45] Mo. 12.3653: BO CN, 2012, p. 1677.
[46] Po. 11.3689: Communiqué de presse de l’OFM du 21.11.12.
[47] LT, 19.12.12.