Année politique Suisse 2013 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Energie nucléaire
En janvier, la Chancellerie fédérale a annoncé que l’initiative populaire
« Mettre les centrales nucléaires hors service » n’avait pas abouti. Le texte, déposé par le parti « Partei Solidarische Schweiz » (PSS) en juillet 2011, demandait l’arrêt des centrales nucléaires existantes
[26].
Le Conseil fédéral a annoncé en mars qu’il rejetait
l’initiative populaire des Verts « Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire (sortir du nucléaire) » et a estimé que la Stratégie énergétique 2050 ferait office de contre-projet indirect à l’initiative. Le gouvernement s’oppose à établir une durée maximale d’exploitation des centrales nucléaires existantes. La décision d’arrêter ces dernières ne devrait, selon le Conseil fédéral, pas être basée sur des critères politiques, mais sur des considérations de sécurité technique. Cela permettrait par ailleurs d'éviter les coûts supplémentaires liés à une sortie précoce de l’énergie nucléaire et d'éviter des demandes de dédommagement de la part des exploitants
[27].
Lors de la session d’été, le Conseil national a reporté l’examen d’une motion de sa commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie (CEATE-CN) visant à
limiter la durée d’exploitation des centrales nucléaires à 50 ans. Le texte souhaitait charger le Conseil fédéral d’évaluer une solution sur la base d’accords concernant la désaffection des centrales nucléaires suisses dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050. Plus précisément, la motion proposait que les exploitants des centrales nucléaires en service soumettent, au bout de 40 ans d’activité, aux autorités chargées de la sécurité nucléaire un concept garantissant une exploitation sûre des installations pour dix années supplémentaires au maximum. Cette solution moins contraignante devait servir de contre-projet à l’initiative populaire « Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire » qui fixe la durée d’exploitation maximale à 45 ans. Comme la motion menaçait de créer des divisions au sein de la coalition favorable à la sortie de l’énergie nucléaire, les socialistes, les verts, les vert’libéraux, le PDC et le PBD ont repoussé la date du vote, contre l’avis de l’UDC et du PLR. Dans la foulée, la CEATE-CN a décidé de retirer la motion tout en précisant qu’elle procèderait à l’audition des exploitants de centrales nucléaires ainsi que d’autres personnes concernées par cette question
[28].
En juin, le Conseil fédéral a décidé d’augmenter les
indemnités des membres du Conseil de l’Inspection fédérale pour la sécurité nucléaire (IFSN). Compte tenu de la hausse sensible de la charge de travail depuis l’accident nucléaire de Fukushima, celles-ci ont été adaptées avec effet rétroactif au 1er janvier 2012
[29].
Suite aux critiques articulées l’année dernière au sujet des instances de sécurité nucléaire, le Conseil fédéral a renforcé en novembre
les exigences en matière d’indépendance de la Commission fédérale de sécurité nucléaire (CSN). A cette fin, le gouvernement a modifié l’ordonnance sur la Commission fédérale de la sécurité nucléaire. Désormais, les personnes entretenant des liens directs avec des autorités, entreprises ou organisation chargées d’exécuter la loi sur l’énergie nucléaire ou d’exploiter des installations nucléaires ne pourront plus faire partie de la CSN
[30].
Afin de
faciliter l’arrêt volontaire des centrales nucléaires, les deux chambres du parlement ont adopté au cours de l’année sous revue une motion déposée par la commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (CEATE-CN). Le texte charge le Conseil fédéral de modifier la loi sur l'énergie nucléaire ou l'ordonnance sur le fonds de désaffectation et sur le fonds de gestion par une disposition transitoire. Au cas où une centrale nucléaire est arrêtée définitivement avant sa cinquantième année de service, l'exploitant de la centrale a le droit, sous certaines conditions, d'étaler dans le temps le versement des montants restants qu’il doit à ces deux fonds
[31].
En raison de la hausse des coûts de démantèlement des centrales nucléaires et de la baisse des rendements prévus sur les marchés financiers, le Conseil fédéral a proposé
une augmentation sensible des contributions de la part des exploitants des centrales nucléaires aux fonds de désaffection et de gestions des déchets radioactifs. Le gouvernement a mis en août en consultation une révision de l’ordonnance sur le fonds de désaffection et sur le fonds de gestion (OFDG). A partir de juillet 2014, le total des contributions annuelles devrait passer de 56 à 100 millions de francs pour le fonds de désaffection et de 118 à 207 millions de francs pour le fonds de gestion
[32].
La centrale nucléaire de Mühleberg (BE) a de nouveau défrayé la chronique au cours de l’année sous revue. En février,
l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) a rendu son rapport sur la sécurité du site. Des experts de la mission OSART (« Operational safety review team ») ont inspecté la centrale bernoise durant trois semaines en octobre 2012. Le rapport indique que les Forces motrices bernoises (FMB) respectent les exigences internationales, mais il relève des lacunes dans la gestion, l’exploitation et la surveillance des installations. Les experts ont constaté entre autres que les cadres de l’entreprise ne passaient pas suffisamment de temps sur place pour surveiller les activités et encadrer le personnel de la centrale et que les pompiers de l’entreprise n’étaient pas opérationnels de manière ininterrompue. Dans un souci d’améliorer le niveau de sécurité, l’AIEA a établi des recommandations d’ordre technique. L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a exigé que ces recommandations soient mises en œuvre par les Forces motrices bernoises. L’application de ces mesures sera examinée par des experts internationaux au cours de l’année prochaine
[33].
Dans un arrêt rendu public fin mars,
le Tribunal Fédéral (TF) a ordonné une autorisation d’exploitation illimitée à la centrale de Mühleberg, annulant ainsi la décision du Tribunal administratif fédéral (TAF) intervenue l’année dernière. Celle-ci exigeait la fermeture du site au 28 juin 2013. Le jugement de la Haute Court a suscité de vives réactions. Alors que l’indignation a prévalu au sein des milieux antinucléaires, les autorités fédérales en sont sorties renforcées. En effet, le TF a établi que seule l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) avait la compétence d’imposer l’arrêt de centrales nucléaires suisses pour des raisons techniques
[34].
Fin octobre,
les Forces motrices bernoises (FMB) ont annoncé qu’elles débrancheraient le réacteur atomique de Mühleberg en 2019. Afin de justifier cette décision historique, l’exploitant a évoqué la chute des prix de l’électricité qui entrave la compétitivité du site, le respect des normes de sécurité nécessitant des investissements conséquents, ainsi que les incertitudes politiques posées par des initiatives populaires demandant une fermeture précoce de la centrale. En novembre, l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a avalisé le plan soumis par les FMB. Celles-ci sont obligées de démontrer à l’IFSN que la centrale sera en mesure de fonctionner de manière sûre jusqu’en 2019. Par ailleurs, l’IFSN a accepté de réévaluer quatre des dix-huit mesures de sécurité jugées obligatoires l’année dernière à une exploitation du site au-delà de 2017. Pour ce qui est de la stabilisation du cœur du réacteur, du deuxième canal de refroidissement, du système de refroidissement des combustibles résistant aux séismes et du système d’évacuation de la chaleur, l’instance de sécurité nucléaire permet aux FMB de proposer des solutions moins coûteuses d’ici au 30 juin 2014. Finalement, l’IFSN a publié en décembre une liste de 26 exigences de sécurité supplémentaires nécessaires à l’exploitation du site jusqu’en 2019
[35].
Sur le plan cantonal, le parlement bernois a rejeté en novembre
l’initiative populaire réclamant l’arrêt immédiat de la centrale de Mühleberg. Les citoyens du canton de Berne voteront le 18 mai 2014 sur « Mühleberg à l’arrêt », initiative de portée nationale
[36].
Dans le cadre du processus de recherche du ou des sites aptes à accueillir les dépôts en couches géologiques profondes pour déchets radioactifs, la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra) a mené tout au long de l’année sous revue
des études de planifications dans les régions d’implantations potentielles. Le but de ces études consiste à sélectionner des zones d’emplacement concrètes dans les six régions présélectionnées, à savoir Jura-est, le Pied sud du Jura, le Nord des Lägern, Südranden, le Wellenberg et Zurich nord-est. En mai, les conférences régionales ont présenté en tout 34 projets potentiels. La Nagra en avait proposé 20 l’année dernière. D’ici à la fin 2013, les six régions ont été tenues de sélectionner chacune un site d’implantation. En septembre, la Nagra a fait savoir que la désignation du ou des sites d’implantation ne devrait intervenir qu’à la fin de l’année 2016. Ce retard a laissé planer des doutes quant au respect des délais initialement fixés par la société nationale. Rappelons que l’objectif consiste à mettre en service le dépôt des déchets moyennement à faiblement radioactifs en 2030 et celui des déchets hautement radioactifs en 2040
[37].
Suite à la publication en automne 2012 d’un
document confidentiel interne de la Nagra dont le contenu suggérait que la société nationale avait d’ores et déjà désigné les sites de dépôts de déchets radioactifs, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert en avril une procédure pour violation du secret de fonction
[38].
A l’instar du Conseil des Etats l’an passé, le Conseil national s’est prononcé en juin de l’année sous revue contre une initiative cantonale émanant de l’Etat de Berne. Le texte invitait l'Assemblée fédérale à
régler immédiatement la question du stockage des déchets radioactifs [39].
En approuvant par 111 voix contre 68 une
initiative cantonale nidwaldienne demandant d’introduire un droit de véto des cantons en matière de dépôts de déchets radioactifs, le Conseil national a créé la surprise lors de la session d’automne. La chambre du peuple s’est en effet prononcée contre l’avis de sa commission qui avait recommandé de ne pas donner suite à l’initiative cantonale. Le texte a été renvoyé au Conseil des Etats qui l’avait rejeté en mars de l’année sous revue. Lors du deuxième passage du texte en décembre, la chambre des cantons a à nouveau refusé l’initiative nidwaldienne par 23 voix contre 17. Ainsi, l’initiative cantonale n’a pas abouti. La majorité des sénateurs a estimé que les critères de sécurité jouaient un rôle primordial dans le choix des sites. Or, si les cantons disposaient d’un droit de véto, les régions d’implantation les plus adaptées ne seraient pas forcément retenues. Par ailleurs, les opposants au texte ont fait valoir que le processus de sélection des futurs sites de stockage était trop avancé pour en modifier les bases légales
[40].
Lors de la session d’hiver, le Conseil des Etats a décidé de ne pas donner suite à une initiative cantonale déposée par Schaffhouse et demandant de
réoctroyer un droit de véto aux cantons concernés par la construction de sites d'entreposage de déchets radioactifs. Le vote au sein du Conseil national n’a pas eu lieu en 2013
[41].
En suivant l’avis favorable émis par le Conseil fédéral, le Conseil national a accepté un postulat formulé par sa commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE-CN) au sujet des
demandes d'indemnisation, des indemnités et des mesures de compensation financières concernant les dépôts en couches géologiques profondes. Par cette décision, prise au cours de la session d’été, le gouvernement a été notamment chargé d’établir si des adaptations législatives étaient nécessaires sur ces questions
[42].
[26]
FF, 2013, p. 875; cf.
APS 2011, p. 228.
[27] Communiqué de l’OFEN du 15.3.13;
NZZ, 16.3.13; cf.
APS 2012, p. 219.
[28] Mo. 13.3284:
BO CN, 2013, p. 947;
LT, 13.6.13;
NZZ, 13.6. et 3.7.13.
[29] Communiqué du DETEC du 26.6.13.
[30] Communiqué du DETEC du 20.11.13; cf.
APS 2012, p. 220.
[31] Mo. 13.3285:
BO CN, 2013, p. 947 s.;
BO CE, 2013, p. 911 s.;
LT, 27.9.13.
[32]
FF, 2013, p. 6041 s; Communiqués de l’OFEN du 14.8. et 21.8.13;
TdG, 15.4.13;
NZZ, 22.4.13.
[34] Presse du 30.3.13; cf.
APS 2012, p. 221.
[35] Communiqué de l’IFSN du 21.11.13; Presse du 31.10. et 22.11.13,
Bund; 13.12.13; cf.
APS 2012, p. 221.
[36]
Bund, 19.11. et 20.11.13; cf.
APS 2012, p. 221.
[37] Communiqués de l’OFEN du 22.1., 27.3. et 26.9.13;
TdG, 5.11.13.
[38]
LT, 7.4.13; cf.
APS 2012, p. 222.
[39] Iv.ct. 11.315:
BO CN, 2013, p. 952; cf.
APS 2012, p. 222.
[40] Iv.ct. 12.319:
BO CE, 2013, p. 256 ss. ;
BO CN, 2013, p. 1403 s.; Presse du 28.9.et 4.12.13.
[41] Iv.ct. 13.302:
BO CE, 2013, p. 1053.
[42] Po. 13.3286:
BO CN, 2013, p. 948 ss.;
Lib. et
NZZ, 13.6.13.
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