Année politique Suisse 2013 : Sozialpolitik / Soziale Gruppen
Réfugiés
En 2013, le nombre de demandes d’asile a atteint 21 465, ce qui représente une diminution de 25% par rapport à 2012. Cette diminution se retrouve principalement dans les pays qualifiés de « sûr » par la Confédération. Comme en 2012, les demandes d’asile proviennent principalement de l’Erythrée (2 563 demandes). Cependant leur nombre a chuté de 41,8%. Conséquence de la guerre qui ravage la région, les syriens ont déposé 1 901 demandes (+54,7%). Le Nigéria (1 764 demandes) et la Tunisie (1 737) suivent. Sur la totalité des demandes déposées, 3 167 personnes, soit 15,4%, ont obtenu l’asile (+26,3% par rapport à 2012), 10 997 ont reçu une décision de non-entrée en matière et 6 404 ont été refusées.
L’idée de
prélever l’ADN de certains requérants d’asile, idée proposée initialement par le chef de la police du Jura Olivier Guéniat, a été reprise quelques mois plus tard par Christophe Darbellay (pdc, VS). Dans une motion, il demande que les requérants d’asile étant surreprésentés dans les statistiques policières (notamment les Tunisiens, Algériens ou Marocains) se soumettent à un test ADN préventif dès leur arrivée en Suisse. La Conférence des directeurs cantonaux de justice et police s’était opposée à cette idée en 2012. Finalement, et bien qu’accusée de violer la présomption d’innocence et le principe de proportionnalité, la motion a été acceptée à une courte majorité au Conseil national. Les élus du PDC, du PBD et de l’UDC ont réussi à former une majorité avec 92 voix contre 85 et 12 abstentions
[10].
Bien que les mesures urgentes relatives à la révision de la loi sur l’asile soient entrées en vigueur un jour après leur approbation par les chambres, soit le 29 septembre 2012, les jeunes Verts ont déposé un référendum muni de 63 224 signatures en janvier de l’année sous revue. Rappelons que ces fameuses mesures urgentes sont au nombre de cinq : la possibilité pour le gouvernement de réquisitionner des installations de la Confédération sans l’autorisation des communes ou des cantons pour une durée de trois ans en échange d’une contribution financière, la création de centres spécifiques où seront logés les requérants qualifiés de récalcitrants, la possibilité pour le gouvernement d’effectuer des tests pilotes visant une accélération des procédures, l’exclusion du critère de « déserteur » comme motif d’asile, mesure visant particulièrement les requérants érythréens, et enfin, l’impossibilité de déposer une demande d’asile dans une ambassade suisse. Le comité référendaire s’oppose principalement à ces deux dernières mesures. La division entre le camp du oui et celui du non a suivi le clivage traditionnel gauche-droite (PLR, PDC, UDC, PBD, PEV, Vert’libéraux contre les Verts et le PS). Le début de campagne a été marqué par un certain malaise au sein du PS. En effet, le parti à la rose ne s’était pas engagé pour la récolte de signatures, craignant que cette initiative ne fasse le lit de l’UDC. Le référendum ayant abouti, les socialistes n’ont pas eu d’autre choix que de s’engager auprès des référendaires, un engagement évidemment contraire à celui de leur représentante au gouvernement Simonetta Sommaruga. Pour en rajouter, la conférence de presse marquant le début de la campagne a réuni des membres des Verts et de différentes ONG, mais aucun membre du PS n’avait été convié à cet événement. Le parti s’est cependant engagé pour la suite de la campagne. Suite à la décision des Femmes PDC d’accepter le référendum, le PDC, leader de la campagne du comité « oui à une politique d’asile qui fonctionne », s’est également trouvé en porte-à-faux. Les dissidences au sein du parti se sont renforcées notamment suite à la médiatisation de la position des églises, opposées à la révision de la loi. Ces tensions ont abouti à un appel aux valeurs fondamentales lancé par une frange du PDC, dont Anne Seydoux-Christe (pdc, JU), Jacques Neirynck (pdc, VD) et Barbara Schmid-Federer (pdc, ZH). L’offense n’a pas déstabilisé Christophe Darbellay (pdc, VS), qui bien que favorable aux tours de vis de l’asile, s’est déclaré « tout aussi chrétien que la Conférence des évêques ». Quant à la fameuse aile humaniste du PLR, elle n’a que faiblement exprimé son désaccord avec le parti mère. Des acteurs moins habitués à la scène politique ont également fait entendre leur voix. Ainsi, plus de 70 cinéastes suisses, dont Alain Tanner, Fernand Melgar ou Ursula Meier, ont lancé un appel à refuser les durcissements de l’asile.
Le 9 juin, jour de la votation, le peuple suisse a très clairement accepté la révision de la loi sur l’asile par 78,5% des voix. Si tous les cantons se sont exprimés en faveur de cette modification, certaines différences cantonales ont subsisté. Ainsi, ce sont trois cantons romands qui ont exprimé le plus de scepticisme envers les durcissements proposés (Genève avec 61,3%, Jura avec 66,2% et Neuchâtel avec 70,1% de non à la révision). A l’inverse, les cantons les plus convaincus par la révision se trouvent outre-Sarine, soit Appenzell Rhodes-Intérieures (86,8%), Nidwald (86,7%) et Schwyz (86,4%). Selon l’analyse VOX, les citoyens suisses ont eu de la difficulté à comprendre l’objet dans son ensemble, puisque 37% des répondants de l’analyse VOX n’ont pas réussi à décrire l’objet du vote correctement. Quant au clivage gauche-droite, il s’est reflété dans le comportement de vote des répondants. En effet, les partisans de l’UDC et du PLR ont voté à plus de 90% en faveur de la révision, le PDC a suivi avec 79% de vote favorable, alors que les partisans du PS n’ont soutenu le projet qu’à 54%. Deux arguments se sont dégagés du camp des personnes favorables à la révision de l’asile : l’amélioration ou accélération des procédures d’asile et la surpopulation d’étrangers, de requérants ou de criminels. Dans l’autre camp, les défenseurs du référendum ne souhaitaient principalement pas durcir, ni détériorer les procédures d’asile. Quant à l’analyse des annonces-presse dans les médias, elle s’est très révélée brève, car seules 11 annonces ont été comptabilisées dans les médias. L’Année Politique Suisse propose une explications à cette situation: l’issue du scrutin étant quasiment décidée dès le début, les incitations à mener la campagne étaient restreintes
[11].
Référendum „Révision de la loi sur l’asile (LASI) “
Votation du 9 juin 2013
Participation: 39,4%
Oui: 1 573 007 (78,5%) / cantons : 20 6/2
Non: 432 174 (21,5%) / canton : 0
Mots d’ordre:
– Oui: PS, Verts, Femmes PDC, Eglises de Suisses
– Non: UDC, PLR, PDC, PEV, PBD.
Quelques jours après l’acceptation populaire de la révision de la loi sur l’asile, l’Office fédéral des migrations a annoncé que le centre du Juch-Areal (ZH) servirait de
centre-test pour accélérer les procédures d’asile. Le centre sera opérationnel dès janvier 2014
[12].
En consultation lors de l’année sous revue, la 12e révision de la loi sur l’asile a proposé de donner aux requérants d’asile le
droit de travailler sous des conditions strictes. Cette proposition a soulevé des critiques à droite
[13].
Le Conseil fédéral a proposé de permettre aux requérants d’asile de
recourir jusqu’au Tribunal fédéral. Cette possibilité serait cependant limitée aux cas soulevant des questions de principe. Ce projet sera mis en consultation d’ici à fin 2015
[14].
Lors de la Conférence nationale sur l’asile qui s’est déroulée en janvier de l’année sous revue, la Confédération et les cantons ont signé une
déclaration commune afin d’accélérer et d’optimiser les procédures. Selon cette déclaration, les cinq centres d’enregistrement et de procédure (CEP) actuels seraient dotés de plusieurs nouveaux centres d’hébergement de taille moyenne pouvant accueillir environ 400 personnes chacun. Cette version « décentralisée » a été préférée à la création d’immenses centres de 1 200 places. Ces mesures ont naturellement soulevé d’autres questions: quel mécanisme de compensation entre les cantons? Quelle participation de la Confédération? En outre, environ 500-750 places de détention administrative seront créées pour les requérants récalcitrants. L’accélération des procédures, objectif majeur de la réforme, devrait permettre de traiter les demandes dans un délai de 100 à 140 jours civils. Environ 40% des demandes devraient nécessiter plus de temps. Dans ce cas-là, les requérants seraient alors attribués à un canton. L’accent a également été mis sur l’importance de fournir un conseil et une protection juridiques gratuits
[15].
Les «
vols spéciaux », soit les vols prévus afin d’expulser des requérants, ont à nouveau fait parler d’eux. Certaines expulsions forcées seraient accompagnées d’une injection de psychotropes contre le gré des personnes concernées. Le personnel médical a rendu l’Office fédéral des migrations attentif à ce problème éthique. Un rapport de la commission nationale de prévention de la torture (CNT) a non seulement relevé le problème des médicaments, mais il a également critiqué les pratiques d’immobilisation totale (personnes ficelées à leur siège durant plusieurs heures de vols)
[16].
Adoptée en 2012 par la chambre du peuple, la motion de la commission de politique extérieure du Conseil national (CPE CN) «
Réserve stratégique de logements pour les requérants d’asile » a été débattue au Conseil des Etats. Cette motion demande que le gouvernement soit prêt à faire face à un afflux soudain de requérants d’asile, notamment dans le domaine du logement. Les sénateurs ont également adopté la motion
[17].
Lors de la session extraordinaire Schengen/Dublin, le Conseil national a approuvé une motion libérale-radicale demandant au Conseil fédéral d’appliquer la
clause de souveraineté prévue dans le règlement Dublin II. Selon cette clause, les pays recevant des demandes d’asile cataloguées Dublin peuvent exceptionnellement renvoyer eux-mêmes les requérants dans leur pays d’origine. Au vue de la surcharge de travail dans le domaine de l’asile en Italie, le groupe radical-libéral souhaite que le gouvernement suisse renvoie lui-même les requérants ne remplissant clairement pas les critères de l’asile et provenant d’un Etat avec lequel la Suisse a un accord de retour. Malgré l’avis défavorable du Conseil fédéral, la chambre basse a adhéré à la proposition du PLR par 159 voix contre 26 et 4 abstentions
[18].
Le parti agrarien a souhaité faire pression pour que l’
Algérie signe le protocole d’application relatif à l’accord de réadmission, accord signé par les deux parties en 2007. Le groupe UDC a ainsi déposé une motion afin que le Conseil fédéral prenne des contre-mesures (suppression de l’aide au développement ou rupture des relations diplomatiques) si l’Algérie ne signe pas ledit protocole. Le Conseil national a accepté cette motion par 111 voix contre 51 et 26 abstentions
[19].
Souhaitant un renvoi plus efficace des requérants d’asile criminels ou déboutés, le groupe UDC a soumis une motion au Conseil national. Le groupe souhaite que le gouvernement conclue des
accords de réadmission avec la Tunisie, le Maroc, l'Angola, la Guinée, le Ghana, l'Ethiopie, la Sierra Leone, l'Erythrée, la Côte d'Ivoire, le Niger, le Mali, l'Iran, le Népal, le Pakistan, le Yémen, l'Inde et l'Autorité palestinienne. La motion instaure également une menace de contre-mesures si les Etats susmentionnés ne s’engagent pas à signer un accord de réadmission. Les parlementaires de la chambre du peuple ont été séduits par les arguments de l’UDC et se sont exprimés en faveur de la motion par 107 voix contre 57 et 24 abstentions
[20].
La motion du groupe libéral-radical «
Pour des expulsions par le train! » a été traitée par le Conseil national lors de la session extraordinaire Schengen/Dublin. La motion demande que les requérants d’asile dits « cas Dublin » soient renvoyés vers l’Italie en train et non, comme le veut la pratique actuelle, en avion. Au parlement, suite à une erreur de la présidente, la motion a été votée deux fois. Au final, elle a été acceptée par 108 voix contre 75 et 5 abstentions
[21].
Le thème des
requérants en provenance d’Etats tiers sûrs (safe countries) a occupé la chambre du peuple lors de sa session extraordinaire Schengen/Dublin. Le groupe libéral-radical a déposé une motion demandant que les requérants originaires de ces pays ne soient plus confiés aux cantons. Les députés ont soutenu cette motion par 118 voix contre 66 et 2 abstentions
[22].
Par la voix de son président Philipp Müller (plr, AG), le groupe libéral-radical a présenté au Conseil national une motion demandant que les requérants d’asile troublant l’ordre public et résidant dans des cantons soient directement renvoyés dans un
centre d’accueil fédéral. C’est par 120 voix contre 63 et 5 abstentions que la chambre du peuple a accepté la motion
[23].
En août, le centre de Bremgarten (AG) a défrayé la chronique. Des informations contradictoires ont créé une rumeur selon laquelle les requérants d’asile seraient
restreints dans leurs déplacements, notamment dans leur accès à la piscine ou à la bibliothèque. La polémique s’est même étendue aux médias étrangers. Simonetta Sommargua a finalement désamorcé le problème en expliquant que la convention signée avec la commune argovienne avait été mal interprétée
[24].
Une motion Müri (udc, LU) a demandé au Conseil fédéral d’obtenir des
statistiques concernant le renvoi des étrangers criminels. Comme certains cantons n’effectuent pas de statistique, il est actuellement impossible de connaître le nombre d’étrangers devant quitter la Suisse et le nombre effectif de départs. La motion a été acceptée par le Conseil national
[25].
Deux
requérants d’asile déboutés en Suisse ont été renvoyés au Sri Lanka. A leur arrivée, les deux hommes ont été mis en détention par le gouvernement sri-lankais qui les a accusés d’être actifs au sein de LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam). Le cas a créé un certain malaise au sein de l’Office fédéral des migrations
[26].
Fuyant le conflit sanglant dans leur pays, les premiers
réfugiés syriens sont arrivés en Suisse dans le courant du mois de novembre. Ces premières sept familles ont été accueillies dans le cadre d’un projet pilote du Conseil fédéral. Ce projet prévoit l’accueil de 500 personnes particulièrement vulnérables et ayant déjà reçu le statut de réfugié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). De même, le Conseil fédéral a facilité pendant quelques mois les demandes de visas pour les syriens victimes du conflit et ayant des parents en Suisse. Ces personnes pourront ainsi séjourner légalement en Suisse pour une période limitée
[27].
En 2012, le canton du Tessin déposait une initiative cantonale demandant
de
renforcer le centre d’enregistrement des requérants d’asile de Chiasso. Le canton souhaitait de meilleures infrastructures et plus de moyens pour son centre. Au cours de l’année sous revue, la commission des institutions politiques du Conseil national (CIP CN) n’a pas donné suite à cette initiative. Elle a argumenté que l’acceptation des mesures urgentes de la loi sur l’asile (entrées en vigueur en septembre 2012) répondait déjà aux exigences tessinoises. Le Conseil national a suivi sa commission. Bien qu’elle ait soutenu ce projet en 2102, la CIP CE n’a pas non plus souhaité donner suite à l’initiative. Cette proposition a été suivie par les sénateurs qui n’ont pas donné suite à l’initiative tessinoise
[28].
[10] Mo. 12.3909:
BO CN, 2013, p. 655;
Lib., 21.05.13; voir
APS 2012, p. 319
[11] MCF 10.052: FF, 2013, p. 878s.;
NZZ 18.1.13;
LT, 26.3.13;
TG, 26.3.13;
LT, 9.4.13;
TG, 8.5.13. (Darbellay ; voir aussi partie IIIa, CVP);
LM, 2.9.13.;
Lib 10.9.13; cf. Lit. Milic/ Vatter; Lit. Bühlmann; voir
APS 2012, p. 315ss.
[15] Communiqué du DFJP du 21.1.13;
LT, 22.1.13;
Lib. 22.1.13.
[17] Mo. 12.3653:
BO CE, 2013, p. 189;
APS 2012, p. 321.
[18] Mo. 12.3052:
BO CN, 2013, p. 651.
[19] Mo. 11.3832:
BO CN, 2013, p. 650.
[20] Mo. 11.3831:
BO CN, 2013, p. 650
[21] Mo. 11.3802:
BO CN, 2013, p. 649.
[22] Mo. 11.3800:
BO CN, 2013, p. 649.
[23] Mo. 11.3781:
BO CN, 2013, p. 649.
[25] Mo. 13.3455:
BO CN, 2013, p. 1744;
LT, 17.10.13.
[26] Communiqué du DFJP du 3.10.13.
[27] Communiqué du DFJP du 29.11.13.
[28] Iv.cant.12.305:
BO CN, 2013, p. 1399;
BO CE, 2013, p. 1146s.; Communiqué de presse de la CIP-CN du 27.6.13; Communiqué de presse de la CIP-CE du 21.10.13; voir
APS 2012, p. 321.
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