Année politique Suisse 1966 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Relations bilatérales
Dans les relations bilatérales, ce sont essentiellement celles qui concernent les neutres européens,
Autriche et
Suède, qui ont été à l'ordre du jour. La politique suisse a subi dans ce domaine une nouvelle orientation et s'y est montrée fondamentalement active. Les échanges d'information, les contacts personnels se sont multipliés et ont été institutionnalisés de façon à mettre sur pied une véritable coopération dans le renforcement de la neutralité. Ainsi, en ce qui concerne la Suède, il faut mentionner l'accord conclu le 4 août en vue de développer la collaboration technique militaire, et la visite du conseiller fédéral Chaudet
[30]. De même, avec l'Autriche, la visite du chef du service techniqùe militaire à Vienne
[31], celle du nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Toncic, en Suisse
[32], ont conduit à la décision de procéder à des rencontres régulières: la première de ces rencontres, au niveau des fonctionnaires, a eu lieu en octobre à Vienne
[33]. On a assisté dans ce domaine à l'élaboration d'une politique des intérêts communs, dont la portée a été mise en évidence par les problèmes posés aux neutres par l'ONU et par l'intégration européenne. De même, les parlementaires délégués des trois pays au Conseil de l'Europe se sont réunis à Strasbourg en une séance spéciale
[34]. Les positions des neutres sont ainsi mieux défendues.
La guerre du
Vietnam a considérablement agité les esprits en Suisse, où les manifestes et les résolutions ont été nombreux. Le Conseil fédéral, qui, fidèle à son attitude de principe à l'égard des pays partagés, n'a reconnu officiellement aucun des deux Vietnam, a cependant autorisé le Vietnam du Sud à ouvrir une ambassade à Berne, mais sans réciprocité. A la fin de l'année, une visite à Hanoi de notre ambassadeur auprès de la Chine populaire a permis de jeter les bases d'une aide sur le plan humanitaire au Vietnam du Nord. La Suisse s'est efforcée de ne faire aucune différence sur le plan humanitaire dans ses relations avec les deux Vietnam
[35]. Elle a été sollicitée d'offrir ses bons offices aux belligérants par le pape Paul VI et par l'Autriche, qui souhaitait une démarche commune des pays neutres. Dans sa réponse au Saint-Père, elle a déclaré qu'elle était toujours disposée à offrir ses bons offices, notamment pour organiser une conférence sur son territoire; une démarche particulière ne se justifiait pourtant pas
[36]. On peut se demander, d'ailleurs, si les principes de l'attitude suisse à l'égard des pays partagés, et surtout les entorses qu'ils subissent (ambassadeur du Vietnam du Sud à Berne, consulat général à Saigon, ambassadeur suisse à Séoul, etc.) ne constituent pas des obstacles à des efforts médiateurs dans le conflit.
L'affaire de la
Rhodésie du Sud, dont l'indépendance n'a pas été reconnue par la Suisse, a illustré les difficultés de nos relations avec l'ONU. Le Conseil fédéral avait décidé, le 17 décembre 1965, de ne pas appliquer les sanctions économiques recommandées par le Conseil de sécurité; pour ne pas offrir à la Rhodésie le moyen de tourner les résolutions prises, il avait décidé l'embargo sur les exportations d'armes, le blocage des avoirs en Suisse de la « Reserve Bank » de Rhodésie et de soumettre les importations et les exportations au régime de l'autorisation, en appliquant à celles-ci le principe du « courant normal » calculé sur la moyenne des deux dernières années. La politique suisse restait ainsi fidèle à la neutralité, tout en ne s'opposant pas aux sanctions de l'ONU. La Suisse s'est tenue tout au long de l'année à cette ligne de conduite. Le 16 décembre, le Conseil de sécurité a décidé d'appliquer contre la Rhodésie des sanctions économiques sélectives, de caractère obligatoire; le lendemain, U Thant a demandé à la Suisse de s'y associer. Le Conseil fédéral a préféré poursuivre la politique mise au point un an auparavant
[37]. L'application de sanctions économiques obligatoires constitue un des obstacles à l'accession de la Suisse à l'ONU, dont la charte n'a visiblement pas subi la révision tacite espérée.
Toujours dans le domaine bilatéral, où la nature même des relations diplomatiques limite considérablement la publicité, et par conséquent les sources accessibles au chroniqueur, il faut signaler les démarches menées par l'URSS qui ont abouti à l'ouverture à Zurich d'une banque soviétique destinée à financer le commerce extérieur. De même, la Suisse a négocié au cours de l'année de nouvelles conventions destinées à éviter la double imposition. Dans les traités signés avec la Suède, l'Espagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Irlande et la France, il a été difficile de maintenir le principe de l'imposition au lieu de domicile; nos partenaires, la France en particulier, et l'Allemagne avec laquelle les négociations n'ont pas encore abouti, ont combattu ce principe. Ils ont craint que nos divers systèmes d'imposition cantonaux ne favorisent l'établissement en Suisse de sociétés dont le capital est étranger et dont la plus grande partie des activités se fait hors de nos frontières, ce qui leur permet de tourner leurs législations nationales destinées à freiner la pénétration économique étrangère; ainsi, les contribuables français ou allemands, par exemple, seraient moins protégés que par le passé contre la doùble imposition, lorsqu'ils investissent en Suisse ou lorsqu'ils s'établissent en Suisse tout en opérant dans leur pays d'origine
[38].
Le traité d'immigration conclu avec l'Italie, dont la ratification avait entraîné des remous en 1965, a pu être appliqué sans difficultés et à la satisfaction des deux parties.
[30] Cf. NZZ, 3968, 21.9.66.
[31] Cf. NZZ, 483, 4.2.66.
[32] Cf. NZZ, 2631, 15.6.66.
[33] Cf. NZZ, 4385, 14.10.66; 4449, 19.10.66.
[34] Rapport de M. Duft au CE , cf. Ostschw., 232, 7.10.66.
[35] Cf. notamment NZZ, 2404, 1.6.66 et GdL, 32, 8.2.67.
[36] Cf. GdL, 30, 5.2.66; NZ, 61, 7.2.66; TdG, 32, 8.2.66.
[37] Cf. RO, 1965, p. 1217 ss.; GdL, 301, 24.12.66; RO, 1967, p. 209 s.
[38] Cf. FF, 1966, I, p. 825 ss.; I, p. 1345 ss.; I, p. 1361 ss.; Il, p. 593 ss.; II, p. 671 ss.
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