Année politique Suisse 1966 : Chronique générale / Défense nationale
 
Armement et infrastructures
Le programme d'armement n'a pas vu en 1966 de nouveaux grands projets. Pourtant, il a été caractérisé par les contacts pris avec les autres pays neutres européens sur le plan technique. L'accord conclu avec la Suède le 4 août prévoit la collaboration dans tous les problèmes d'armement; les recherches nucléaires en ont pourtant été écartées [14]. Le voyage du conseiller fédéral Chaudet en Suède, comme celui du chef du service technique militaire en Autriche, ont illustré cette politique qui devrait conduire à réduire les frais de recherche et d'acquisition d'armes nouvelles. Le développement et la fabrication du « Mirage » ont fait l'objet de deux rapports intermédiaires du Conseil fédéral; la dépense totale pour les cinquante-sept appareils restera dans la marge annoncée précédemment, soit entre 1,3 et 1,4 milliard. Les essais se sont déroulés sans accroc majeur et la livraison des appareils à la troupe a commencé [15]. Cependant, les résultats obtenus ont été diversement appréciés, et les rapports jugés trop optimistes par certains critiques, en particulier pour ce qui touche à la polyvalence de l'appareil et à l'efficacité du système de guidage [16]. Les Chambres ont pris acte des deux rapports après avoir reçu des explications [17]. La question des nouveaux avions à acquérir pour succéder à des modèles vieillis, une fois que les « Mirage » seront tous en service, a pris au cours de 1966 une actualité nouvelle: le DMF a formé une commission pour l'achat d'avions avec des spécialistes de la recherche et de l'industrie [18]. Pour faire contrepoids aux ouvertures du DMF à l'égard des neutres européens, les partisans d'une industrie aéronautique indigène ont relancé la possibilité de reprendre l'ancien P 16 avec ses améliorations récentes, et demandé, en tout cas, qu'on assure à l'industrie suisse sa part de travail. En tout état de cause, la décision d'acquérir de nouveaux avions ne pourra intervenir avant 1969, faute de moyens financiers [19]. A la fin de l'année, dans un domaine moins offensif mais tout aussi politique, le Conseil fédéral a demandé aux Chambres d'approuver l'acquisition, pour la troupe, de manteaux de sortie et d'imperméables pour le travail [20].
Les places d'armes, d'exercice et de tir ont constitué un souci croissant pour l'armée, qui a besoin de plus en plus d'espace pour faire manoeuvrer ses unités et qui se heurte aux exigences des protecteurs de la nature et des espaces verts. Ces difficultés, jointes à des problèmes politiques locaux, comme aux Franches-Montagnes ou au Luziensteig [21], ont conduit le DMF a élaborer un plan d'ensemble des besoins pour les prochaines années [22]. S'il n'est pas question de rechercher des terrains d'exercice à l'étranger tant que toutes les possibilités n'auront pas été épuisées en Suisse, la situation est néanmoins sérieuse. On a renoncé à déplacer la place d'armes de cavalerie d'Aarau aux Franches-Montagnes, où cependant le DMF compte installer le centre d'acclimatation de la remonte, actuellement au Sand, à moins que les propositions faites par Avenches et par Appenzell Rhodes-Intérieures ne soient plus favorables [23]. Les besoins principaux peuvent se résumer à l'installation de deux places d'armes, l'une pour l'infanterie motorisée à Drognens (FR), l'autre en Valais pour l'infanterie de montagne [24]; de même, six nouvelles casernes doivent être construites, dix-sept places doivent être rénovées; il faut encore six places de tir principales et deux places de tir pour blindés. La place de tir des Pradières (NE) a attiré contre elle l'opposition de milieux intéressés à la protection de la nature et à l'aménagement des loisirs. De même, une opposition s'est manifestée dans le Guldenthal (SO) et aux environs de Brougg (AG) contre la politique d'achats du DMF dont les prix sont très supérieurs aux conditions locales et faussent le marché [25]. La place de tir de Nant (VD), incluse par l'Etat de Vaud dans un plan d'extension protecteur, a créé un conflit entre le canton et la Confédération. Le 23 décembre, le Conseil fédéral a demandé 288 millions pour des constructions militaires et des places d'armes [26].
 
[14] Cf. NZZ, 3968, 21.9.66; GdL, 220, 21.9.66., et plus haut, p. 30.
[15] IIIe et IVe rapports sur l'état de l'acquisition des avions de combat « Mirage», in FF, 1966, 1, p. 81 ss. et II, p. 157 ss.
[16] Cf. NZ, 388, 24.8.66; NBZ, 199, 26.8.66; BN, 362, 27.8.66.
[17] Cf. NZZ, 1002, 8.3.66; 1158, 17.3.66; 4196, 4.10.66; 4215, 5.10.66.
[18] Cf. NZZ, 2352, 27.5.66; 3846, 13.9.66.
[19] Cf. NZZ, 436, 1.2.66; 482, 4.2.66; 1920, 1.5.66; 3984, 21.9.66; TdG, 27, 2.2.66; 69, 18.3.66; 221, 22.9.66.
[20] Cf. FF, II, p. 927 ss.
[21] Opposition de la population aux Franches-Montagnes réclamations des habitants du Liechtenstein voisin contre les tirs d'armes lourdes au Luziensteig.
[22] Cf. FF, I, p. 761 ss.
[23] La renonciation à la place d'armes des Franches-Montagnes a été accueillie avec soulagement par la population, qui s'oppose néanmoins au centre d'acclimatisation. Cf. en outre, NZZ, 108, 10.6.66; 128, 12.1.66; Bund, 21, 17.1.66; 111, 21.3.66.
[24] A propos de cette dernière, l'emplacement choisi, à proximité de Sierre et du Bois de Finges, a soulevé une opposition considérable dans la région. Le Bois de Finges, phénomène unique dans les Alpes occidentales, trouve de nombreux défenseurs; ce n'est pas la première fois que l'armée le convoite. Cf. TdG, 285, 6.12.66; 286, 7.12.66; 288, 9.12.66; 291, 13.12.66.
[25] Cf. Bund, 101, 2.3.66; BN, 93, 2.3.66; NZ, 454, 2.10.66.
[26] FF, 1966, II, p. 869 ss.