Année politique Suisse 1966 : Economie / Politique économique générale
 
Politique concurrentielle
Le rétablissement des conditions qui permettraient à la concurrence de se développer librement et d'exercer ainsi son influence stabilisatrice s'est exercé principalement dans le domaine cartellaire et dans celui de la formation des prix. La commission d'études du DEP sur les prix, les coûts et les structures a mené une enquête pilote sur les prix des appareils ménagers, dont les conclusions ont été assez dures pour les vendeurs suisses et critiques pour les normes d'installations électriques [22]. L'activité de la Commission des cartels s'est élargie, et a porté sur la formation des prix dans la construction, dont plusieurs branches sont fermées à la concurrence, dans le marché de la bière et des eaux minérales, dans celui des produits pharmaceutiques; les rapports concernant ces études ont été publiés [23]. D'autres enquêtes ont été faites sur le marché des produits pétroliers (enquête spéciale), sur celui des installations sanitaires et sur la question des travaux de peinture à la Raffinerie de Cressier. La commission a dû encore donner son avis sur des projets de loi, celui modifiant l'approvisionnement du pays en blé, et celui renforçant l'égalisation des marges de mouture [24]. L'importance des travaux de la commission, exécutés pourtant avec des moyens très réduits, a été soulignée par la presse dans son ensemble, alors que les milieux visés réagissaient de façon défavorable. Les enquêtes conduites par les organisations privées de défense des consommateurs ont, elles aussi, soulevé la curiosité; elles ont porté essentiellement sur des comparaisons de prix et sur l'étude des emballages. Deux organisations de défense représentent actuellement la presque totalité des groupes de consommateurs, la Communauté d'action des salariés et des consommateurs et la Fédération suisse des consommateurs. L'une et l'autre sont représentées dans la Commission consultative fédérale de la consommation, dont l'activité a été, semble-t-il, fort réduite en 1966. La commission n'a pas été réunie lorsqu'il s'est agi de décider les transferts de prix de la caisse fédérale sur le consommateur, ce qui a entraîné des hausses sur les prix du pain, sur le fromage, sur le beurre, sur les graisses et huiles comestibles [25].
La guerre des prix imposés, dans la branche de l'alimentation, s'est développée considérablement au cours de l'année. Un conflit a opposé les fabricants d'articles de marque, appuyés par les associations du commerce de détail, à un groupe composé de grands magasins à succursales et de coopératives. La firme Denner, qui a pris la tête du mouvement, accordait des rabais doubles de ceux admis par Promarca, représentant les fabricants d'articles de marque. Aux menaces de boycott succédèrent les procès. Un premier armistice à la fin de mars resta sans effets durables [26]. Un second accord, auquel Promarca espérait attirer ses adversaires, fut signé le 3 juin, mais par les détaillants seulement; il autorisait certains rabais supplémentaires et créait un groupe d'études chargé de surveiller le marché. Denner, les grands magasins et les coopératives s'abstinrent d'y souscrire et s'efforcèrent, devant de nouvelles tentatives de boycott, de produire leurs propres articles pour éviter d'avoir recours à ceux dont le prix était imposé [27]. Au début de février 1967, Promarca a abandonné le système des prix imposés pour celui des prix indicatifs [28]. Une évolution analogue s'est produite sur le marché des disques [29].
Dans son programme conjoncturel complémentaire, le Conseil fédéral avait mis l'accent sur la collaboration des partenaires sociaux à la stabilisation et à la lutte contre l'inflation. Or, les accords envisagés, dans le domaine des prix et des salaires, dans celui des mesures à prendre pour la succession des arrêtés d'urgence, dans celui des finances fédérales, pour ne citer que les plus importants, n'ont pas eu lieu, faute de volonté réelle de la part des groupes d'intérêts. Ceux-ci, tout en prônant le système des accords volontaires, se sont refusés à faire des concessions à l'intérêt général chaque fois que cela aurait impliqué la nécessité de faire comprendre à leurs mandants que leurs intérêts primaires ne pouvaient être défendus pour le moment. Plusieurs observateurs, avec le Conseil fédéral, ont exprimé leur déception sans équivoque à cet égard [30]. La volonté politique a fait défaut, et les partenaires sociaux, seuls interlocuteurs valables dans le domaine économique, n'ont pas eu le pouvoir d'engager leurs membres. Cette situation a été d'autant plus désagréable que la démocratie directe n'a pas trouvé le moyen de surmonter les obstacles posés par les intérêts de groupe.
 
[22] Cf. 76° supplément à La Vie économique, Berne 1966; voir aussi NZZ, 168, 14.1.66; GdL, 12, 15.1.66; TdG, 48, 26.2.66.
[23] Publications de la Commission suisse des cartels, 1/1966, cahiers W. 1, 2 et 4.
[24] Ibid., cahier N° 3, voir plus bas, p. 68, 75.
[25] Cf. NZZ, 530, 7.2.66; 4453, 19.10.66; 4990, 19.11.66; TdG, 157, 8.7.66; 270, 13.11.66; 'dL, 259, 5.11.66.
[26] Cf. BN, 94, 3.3.66; 95, 4.3.66; TdG, 64, 17.3.66; 118, 23.5.66; TdL, 84, 25.3.66; NZ, 146, 29.3.66; NZZ, 2239, 20.5.66; 2248, 21.5.66.
[27] Cf. TdG, 125, 1.6.66; 143, 22.6.66; 232, 5.10.66; TdL, 154, 3.6.66; 155, 4.6.66; GdL. 233, 6.10.66; BN. 231, 4.6.66; 518, 6.12.66; NZZ, 4744, 4.11.66; NZ, 259, 9.6.66; 264, 12.6.66.
[28] Cf. NZZ, 466, 3.2.67.
[29] Cf. TdG, 42, 19.2.66; 43, 21.2.66; 45, 23.2.66.
[30] Cf. réponse du président de la Confédération, M. Schaffner, à l'interpellation Eibel, in Bull. stén. CN, 1966, p. 13 ss. Voir aussi GdL, 31, 7.2.66; 92, 21.4.66; NZZ, 4743, 4.11.66; Tw. 215, 13.7.66.