Année politique Suisse 1966 : Chronique générale / Finances publiques
 
Dépenses
Tout au cours de l'année, mis en éveil par le budget 1966 et ses perspectives déficitaires, la plupart des groupes n'ont cessé de réclamer une compression massive des dépenses publiques. Le DFD lui-même, jusqu'à la fin de mai, a mis l'accent sur cette nécessité: il s'agissait là d'une condition primordiale à la recherche de l'équilibre financier et la création de nouvelles recettes ne devait avoir lieu que plus tard [16]. Mais, dès ce moment-là, l'adaptation du fisc à la situation est devenue elle aussi urgente aux yeux de l'administration, sans pour autant que les mesures d'économie perdent de leur nécessité; il y a eu simplement un déplacement de valeurs [17]. La commission d'experts instituée à la suite d'une motion adoptée par les Chambres en décembre 1964 et chargée d'examiner les subventions fédérales (Commission Stocker, du nom de son président) a déposé son rapport en juillet 1966 [18]. Elle n'a eu à s'occuper que d'un secteur, particulièrement coûteux, des dépenses de la Confédération: les subventions ont augmenté très rapidement au cours des dernières années, sans répondre à une politique définie. Selon la commission, la subvention doit servir à régulariser l'évolution économique; elle ne doit pas devenir un instrument de sauvegarde des structures; par conséquent, elle devrait n'être permanente qu'aussi longtemps qu'elle concourt au but fixé, et prévoir des délais de démantèlement progressif. De même, dans certains cas, le poids de la subvention pourrait être supporté par les consommateurs sans inconvénients pour les ajustements structurels recherchés. En outre, le taux de subventionnement devrait être fixé assez bas, de façon à ce que les milieux intéressés, participant au financement, fassent preuve de plus de réserve. Enfin, le rôle de la subvention dans la péréquation financière entre les cantons est important; il faut donc renforcer la clé de répartition. Ces considérations ont amené la commission, après examen de toutes les subventions, à proposer des réductions ou des suppressions de l'ordre de 140 millions, soit 10 % des montants versés en 1966. Ce sont entre autres l'aide aux chemins de fer privés (couverture de déficits, rapprochement des. tarifs), les mesures d'abaissement des prix agricoles (lait, produits laitiers surtout), l'aide aux caisses-maladies et aux compagnies d'assurance-accidents, celle attribuée à diverses organisations sociales dispersées, le soutien des syndicats, la subvention à l'école primaire qui ont fait l'objet de propositions de réduction ou de suppression. Le Conseil fédéral s'est associé aux conclusions de la commission et a décidé de les réaliser dans leur ensemble et le plus rapidement possible [19]. En même temps, il a confié à une Commission Stocker élargie le soin de soumettre toutes les dépenses fédérales à un examen analogue; un regroupement des dépenses selon leur affectation permettrait peut-être d'effectuer de nouvelles économies.
Le rapport Stocker a, comme les observateurs le prévoyaient, suscité des réactions fort négatives de la part des milieux visés par les réductions. Alors que certains faisaient valoir la nécessité de réaliser tout en bloc, d'autres ont reproché au Conseil fédéral de reprendre les propositions Stocker sans examen et de rejeter ainsi sur le Parlement la responsabilité des décisions politiques. Les cantons financièrement faibles ont posé comme préalable la révision de la péréquation en leur faveur [20]. Les groupements de gauche ont protesté contre le transfert des charges au consommateur [21]. L'Union des entreprises de transports publics, dans un mémoire, chercha à justifier l'utilisation des fonds reçus en fonction des améliorations survenues ou en cours [22].
Après avoir consulté les cantons, le 26 septembre, le Conseil fédéral mit au point un programme de compression des dépenses, dont le premier élément apparut dans le budget 1967. Sur les propositions de la commission Stocker, un certain nombre pouvait être réalisé par la voie budgétaire, en fonction des compétences attribuées au gouvernement, soit près de 50 millions. Pour les autres, il convenait de procéder à des révisions de lois et d'arrêtés fédéraux, soit pour un montant de 73 millions; les propositions ont fait l'objet d'un message au début de 1967 [23]. En ce qui concerne l'abandon du subventionnement à l'école primaire, la révision de l'article 27 bis Cst. est nécessaire.
 
[16] Cf. TdG, 96, 26.4.66; NZ, 189, 26.4.66; Vat., 102, 3.5.66; Weltwoche, 1695, 6.5.66.
[17] Cf. NZ, 241, 28.5.66; NZZ, 2839 et 2843, 28.6.66; Ostschw., 191, 20.8.66.
[18] Réexamen général des subventions fédérales, Rapport de la Commission d'experts instituée par le Conseil fédéral, Berne, juillet 1966.
[19] Cf. GdL, 208, 6.9.66; 210, 8.9.66; 211, 9.9.66; NZZ, 3729 et 3743, 6.9.66; voir aussi Message du Conseil fédéral concernant le budget 1967, p. 18 ss.
[20] Cf. Vat., 210, 10.9.66; 219, 21.9.66 (Interpellation Torche, ccs., FR, au CE); Bund, 372, 24.9.66; NZZ, 3907, 16.9.66; 4037, 24.9.66; 4099, 28.9.66.
[21] Cf. NZ, 413, 7.9.66; 464, 7.10.66; TdG, 234, 7.10.66.
[22] Cf. GdL, 257, 3.1 1.66.
[23] Cf. FF, 1967, 1, p. 301 ss. Voir aussi Message du Conseil fédéral concernant le budget 1967, p. 18 ss.