Année politique Suisse 1967 : Chronique générale / Finances publiques
Dépenses
Il fallait comprimer les dépenses et pratiquer autant d'économies que possible: telle était la nécessité reconnue par la plupart des groupes politiques et sociaux en 1966. L'Union des arts et métiers a poussé même cette exigence jusqu'à formuler, au début de 1967, la « politique des caisses vides », où, faute de ressources nouvelles, l'Etat en viendrait tout naturellement à réduire ses engagements et à renoncer à intervenir dans l'économie; ce libéralisme forcé s'explique par la répugnance éprouvée devant une hausse probable des impôts
[9]. Une telle manière de voir a été jugée contraire à l'une des missions essentielles de 1'Etat, qui est de contribuer au maintien et à la croissance du bien-être général. Les dépenses de la Confédération devaient être cependant passées au crible, afin de déterminer toutes les possibilités de réduction. Après que le rapport de la Commission Stocker sur les subventions fédérales eut été publié, et que le Conseil fédéral en eut tiré les conséquences, celui-ci chargea une nouvelle commission, plus large que la précédente, d'examiner l'ensemble des dépenses. Cette commission, présidée par le professeur Theo Keller, de Saint-Gall, s'est mise au travail et devrait présenter un rapport à la fin de 1969; son champ d'action est trois fois plus vaste que celui de l'ancienne Commission Stocker
[10]. L'exigence a été aussi formulée, par les radicaux, de ne pas laisser croître les dépenses publiques plus vite que le produit national, alors que les Indépendants réclamaient avec le PAB un programme d'économies
[11].
Le sort réservé à la politique de réduction des subventions a particulièrement retenu l'attention. Le Conseil fédéral avait déjà obtenu, lors des délibérations sur le budget 1967, des réductions s'élevant à 49 millions de francs
[12]. Par message du 17 janvier, il demanda aux Chambres de modifier quelque dix-huit lois et arrêtés fédéraux de façon à obtenir une nouvelle réduction de l'ordre de 55 millions; il annonçait enfin pour plus tard des modifications d'articles constitutionnels afin d'épargner encore 6 millions. On arrivait ainsi à une réduction totale de 110 millions, alors que le rapport Stocker arrivait à 140 millions et que le total des subventions prévues dans le budget 1967 se montait à 1471 millions
[13]. Le second train de réductions proposées était certes modeste, mais il frappait essentiellement, si l'on s'en rapporte aux dimensions des montants escomptés, les chemins de fer privés et l'aide aux assurances-maladie et accidents. D'autres propositions pouvaient toucher à des domaines où les considérations émotionnelles jouent un rôle prépondérant. Les commentaires émis, tout en louant les intentions, ont presque tous formulé des réserves sur un point ou sur un autre; il était clair que le Conseil fédéral entendait mettre les Chambres, initiatrices de cette entreprise par une motion approuvée en 1964, devant leurs responsabilités
[14]. Premier à traiter le sujet, le Conseil des Etats refusa de ramener de 331/3 % à 25 % la contribution globale aux chemins de fer privés, par 29 voix contre 8; il refusa également d'entrer en matière sur l'arrêté concernant le rapprochement des tarifs des chemins de fer privés, par 21 voix contre 9; de même, le subventionnement des établissements pénitentiaires et des instituts de rééducation fut maintenu in'tégralement; il refusa en outre de supprimer les contributions à l'assurance du bétail dans les régions de montagne, maintint une subvention réduite à l'écoulement de la laine et refusa enfin de modifier le subventionnement des constructions destinées à la protection civile. Ses débats s'étalèrent sur les deux premières sessions de l'année. Des 55 millions de réductions prévus, il en accepta 36. L'élan était rompu
[15].
La commission du Conseil national se rallia à la plupart des conclusions du Conseil des Etats; par des votes majoritaires, une forte minorité se dessinant dans la plupart des secteurs, elle proposa 38 millions de réductions
[16]. En séance plénière, le Conseil national suivit le Conseil des Etats sur la contribution aux chemins de fer privés (par 98 voix contre 53), sur celle du rapprochement des tarifs, celle des maisons de rééducation, sur l'assurance du bétail en montagne et sur l'écoulement de la laine, enfin sur les constructions destinées à la protection civile. Il ajouta à cette liste le maintien de la subvention intégrale aux primes d'assurance-maladie (par 76 voix contre 55), mais accepta la suppression de la subvention aux primes d'assurance pour lès accidents non professionnels, malgré une forte opposition; il maintint encore diverses subventions de faible portée financière
[17]. Après l'élimination des divergences, ce sont environ 30 millions d'économies qui furent approuvées. Le déchet, 25 millions, auquel il faut ajouter 57 millions de subventions rétablies en fin d'année pour assurer la mise en valeur des produits laitiers, compensant ainsi largement l'économie faite lors du vote du budget 1967, est important. Sur 104 millions d'économies proposés, un peu plus de 20 étaient effectivement réalisées à la fin de l'année
[18]. Il s'agit bien là d'un échec.
[9] Cf. NZ, 27, 17.1.67; TdG, 14, 17.1.67; JdG, 15, 19.1.67.
[10] Cf. Bund, 31, 24.1.67; NZZ, 2036, 10.5.67; GdL, 163, 15.7.67.
[11] Cf. NBZ, 18, 23.1.67; NZZ, 1405, 3.4.67; 3849, 15.9.67.
[12] Cf. APS 1966, p. 59.
[13] Cf. Réexamen général des subventions fédérales, Rapport de la Commission d'experts instituée par le Conseil fédéral, Berne, juillet 1966; Message du Conseil fédéral concernant le budget de la Confédération pour 1967; Message du Conseil fédéral du 17 janvier 1967, in FF, 1967, I, p. 301 ss.
[14] Cf. Bund, 32, 24.1.67; NZZ, 307, 24.1.67; 315, 24.1.67; GdL, 19, 24.1.67; 21, 26.1.67; Vat., 19, 24.1.67; Ostschw., 20, 24.1.67; JdG, 19, 24.1.67; BN, 43, 28.1.67; NZ, 59, 5.2.67; 61, 6.2.67; Tw, 31, 7.2.67.
[15] Cf. Bull. sien. CE, 1967, p. 93 ss. et 143 ss.; NZZ, 2319, 27.5.67; Bund, 161, 2.6.67; cf. aussi plus haut, p. 45 et plus bas, p. 88.
[16] Cf. NZZ, 3485, 24.8.67; GdL, 197, 24.8.67.
[17] Cf. Bull. stén. CN, 1967, p. 315 ss.; voir aussi plus bas, p. 115.
[18] Cf. Bull. stén. CE, 1967, p. 278 ss., 311 ss., 318 s.; Bull. stén. CN, 1967, p. 481 ss., 500 s. — Voir aussi Message du Conseil fédéral concernant le budget de la Confédération pour 1968, p. 12* ss. et Bund, 324, 10.12.67.
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