Année politique Suisse 1967 : Chronique générale / Finances publiques
Recettes
Dans le domaine des recettes, la situation n'a pas été plus favorable. Le programme immédiat de ressources nouvelles, qui avait été proposé par le Conseil fédéral à la fin de 1966 et accepté par le Conseil national le 20 décembre, prévoyait la suppression du rabais de 10 % accordé sur l'impôt sur le chiffre d'affaires (ICHA), la suppression des médicaments, des livres, des savons et produits de lessive de la liste franche de l'ICHA, la hausse du taux de l'ICHA pour les travaux professionnels du bâtiment à 3 %, ainsi que la suppression du rabais de 10 % sur l'impôt pour la défense nationale (IDN). Les débats avaient écarté de la proposition le raccourcissement de la liste franche de l'ICHA. Sur les autres points, des oppositions très vives s'étaient manifestées, une partie de la droite refusant de renforcer l'impôt direct, et la gauche, qui juge antisocial l'impôt de consommation, s'étant efforcée d'obtenir une hausse de la progressivité de l'IDN
[19]. Au début de l'année, alors que le projet devait encore passer en délibération au Conseil des Etats, il devint évident que les socialistes s'opposeraient à lui lors du vote populaire si la Chambre haute ne modifiait pas radicalement le programme dans le sens qu'ils souhaitaient
[20]. Cette opposition ne fut pas désarmée par les tentatives de compromis au sujet de l'initiative contre la spéculation foncière
[21]. Un autre courant d'opposition se dessina aussi du côté des représentants des milieux d'affaires, qui contestaient quant à eux l'urgence de la révision et le principe de la hausse de l'IDN
[22]. Le programme paraissait condamné et, dans les milieux radicaux notamment, on ne voulait pas courir le risque d'avoir à mener contre les socialistes, en période électorale, une campagne référendaire sur un sujet qui rarement s'attire l'adhésion des citoyens
[23]. La publication, au début de mars, des résultats des comptes de la Confédération, jointe aux enseignements tirés par le plan financier 1968-1969 présenté aux commissions des finances, plus favorables que les publications précédentes du Conseil fédéral, fournit aux opposants l'argument de l'absence d'urgence. Le 8 mars, le Conseil des Etats, après avoir repoussé par 20 voix contre 17 une motion d'ordre visant à renvoyer le projet au Conseil fédéral pour rapport complémentaire (motion présentée par le radical argovien Bachmann), adopta le programme par 22 voix contre 8
[24]. Mais le sort de celui-ci était scellé. Le 15 mars, au vote final, le Conseil national le repoussa par 87 voix contre 73; les ides de mars ne virent que les conservateurs chrétiens-sociaux et le PAB soutenir groupés le Conseil fédéral, alors que les socialistes en majorité, les radicaux en majorité, les libéraux, les indépendants et les communistes passaient à l'opposition
[25]. La question de ressources nouvelles était éliminée du champ de bataille politique jusqu'après les élections. Mais elle est restée sous-jacente pendant l'année, évoquée à plusieurs reprises par les autorités, soit en relation avec les déficits croissants, soit en rapport avec la perte nette de substance entraînée par les accords de 1'AELE ou du Kennedy Round. Il n'a pas été question, dans les milieux officiels, de recourir dans une plus large mesure au marché des capitaux, soit intérieur, soit étranger, pour financer les travaux d'infrastructure, malgré les suggestions faites. La commission chargée, sous la présidence de M. Rohner, d'étudier les moyens de procurer à la Confédération de nouvelles ressources, a poursuivi ses travaux. De plusieurs côtés, l'opinion a été émise que les nouveaux impôts devraient dépendre d'un réexamen des tâches gouvernementales
[26]. La nécessité d'adapter la taxation indirecte de façon à ne pas ressentir de discrimination dans le commerce extérieur, notamment avec la CEE qui a généralisé le système de la taxe à la valeur ajoutée, a été exposée
[27].
Parallèlement, le projet d'amnistie complémentaire aux amnisties cantonales, tel qu'il avait été établi par le Conseil des Etats, a été transformé par le Conseil national qui en a fait une amnistie générale, par l'adjonction d'un article transitoire à la Constitution fédérale. On a voulu ainsi tenter d'épuiser les ressources possibles actuelles. Le Conseil fédéral n'est pas parvenu à adjoindre au projet des mesures renforçant la lutte contre la fraude. Le Conseil des Etats s'est rallié à cette solution
[28].
Deux nouvelles lois fiscales ont été encore approuvées. La loi sur l'imposition du tabac devait permettre de remplacer les droits de douane diminués, afin d'assurer le financement de l'ANS. La fiscalité elle-même n'a pas été combattue, mais l'adjonction au projet du maintien des prix imposés, pour une période transitoire de cinq ans, a soulevé les oppositions. La firme Denner a fait aboutir un référendum visant cette prescription
[29]. Une hausse du prix de la bière a entraîné le Conseil fédéral à demander la modification de la taxation, et, en même temps, la compétence d'adapter la taxe aux variations de prix; ces modifications ont été approuvées
[30], Des hausses frappant les carburants ont en outre été décidées
[31].
[19] Cf. Message du 7 novembre in FF, 1966, II, p. 657 ss. et APS 1966, p. 60 ss.
[20] Décision du Comité central du Parti socialiste suisse, par 41 voix contre 9, in NZZ, 704, 19.2.67; Tw, 42, 20.2.67; PS, 42, 20.2.67. — Appui de l'Union syndicale suisse, avec des réserves, in NZZ. 208, 17.1.67, de la Fédération des sociétés suisses d'employés, in GdL, 15, 19.1.67, etc. Voir aussi PS, 50, 2.3.67; Tw, 46, 24.2.67; 50, 1.3.67.
[21] Cf. NZZ, 135, 12.1.67 et plus bas, p. 94.
[22] Cf. Communiqué de 1'« Aktion für freie Meinungsbildung — Trumpf-Buur» in Weltwoche, 1731, 13.1.67; communiqué de la Société pour le développement de l'économie suisse in JdG, 23, 28.1.67; prise de position de l'Union suisse des arts et métiers, voir plus haut, p. 62.
[23] Cf. NZ, 83, 20.2.67; Bund, 70, 20.2.67; 71, 21.2.67; 74, 22.2.67; 88, 4.3.67; 90, 7.3.67; NZZ, 735, 21.2.67. Voir aussi TdG, 46, 23.2.67; 55, 6.3.67; GdL, 49, 28.2.67; BN, 85, 25.2.67; 96, 4.3.67; Weltwoche, 1737, 24.2.67; 1738, 1.3.67; Vat., 47, 25.2.67; 53, 4.3.67.
[24] Cf. Bull. stén. CE, 1967, p. 29 ss. — Réaction, voir Vat., 57, 9.3.67; 59, 11.3.67; Bund, 92, 9.3.67; 94, 12.3.67; NZ, 112, 9.3.67; GdL, 56, 9.3.67; Ostschw., 60, 11.3.67.
[25] Cf. Bull. stén. CN, 1967, p. 97 ss.; NZZ, 1130, 15.3.67; 1148, 16.3.67; Tw, 64, 17.3.67; Bund, 98, 16.3.67; Tat, 63, 16.3.67; Ostschw., 64, 16.3.67; Vat., 63, 16.3.67; 65, 18.3.67; NBZ, 66, 20.3.67.
[26] Cf. Vat., 102, 3.5.67; NZZ, 2001, 6.5.67; 2349, 29.5.67; 3707, 8.9.67; 5399, 14.12.67; Bund, 177, 21.6.67; BN, 148, 10.4.67. — Sur l'aspect institutionnel, cf. BN, 118, 18.3.67; GdL, 79, 6.4.67.
[27] Cf. Bund, 56, 9.2.67; PS, 45, 23.2.67; 56, 9.3.67; GdL, 100, 1.5.67; NZZ, 2255, 24.5.67; Bund, 167, 9.6.67; TdG, 198, 24.8.67; Bund, 340, 29.12.67.
[28] Cf. Bull. stén. CN, 1967, p. 149 ss., 485 ss. et 500; Bull. stén. CE, 1967, p. 283 ss. et 317. Voir aussi APS 1966, p. 63. Le projet a été accepté en votation populaire au début de 1968.
[29] Cf. Message du 10 janvier 1967 in FF, 1967, I, p. 113 ss.; NZZ, 825, 27.2.67; 2255, 24.5.67; 3114, 21.7.67; Bull. stén. CN, 1967, p. 201 ss., 258 ss., 297, 494 ss. et 500; Bull. stén. CE, 1967, p. 293 ss. et 317. Voir aussi plus haut, p. 11 et 53.
[30] Cf. Message du 30 mai 1967 in FF, 1967, I, p. 980 ss.; Bull. stén. CN, 1967, p. 444 ss. et 617; Bull. stén. CE, 1967, p. 372 ss. et 406.
[31] Cf. plus bas, p. 84 s.
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