Année politique Suisse 1968 : Chronique générale / Défense nationale
 
Armement et infrastructures
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Armement
Dans le domaine de l'armement, le problème qui a retenu le plus l'attention a été certainement celui de l'industrie indigène d'armements. L'affaire Bührle, survenue en fin d'année et relevant d'abord de la politique extérieure [23], ne l'a pas simplifié, mais n'en était pas le premier signe. A plusieurs reprises en effet, des interventions politiques ont eu lieu pour demander que le DMF tienne compte, pour ses achats, de la production indigène; on a insisté sur la nécessité de faire travailler cette industrie pour la maintenir en état pour le temps de guerre, et de lui assurer des conditions d'existence qui la rendent concurrentielle, ce qui pratiquement exclut toute interdiction générale d'exporter [24]. M. Schulthess, pour sa part, dans une conférence de presse où il a présenté ses idées sur la planification à long terme de l'armement, a mis l'accent sur la collaboration à établir entre le DMF et les entreprises suisses d'armement, comme sur la coopération technique avec l'Autriche et la Suède [25]. Le problème principal au cours de l'année a été celui des avions destinés à succéder aux Venom vieillis, et dont le choix fait l'objet d'études préalables très poussées au point de vue scientifique. Une proposition de revenir au Mirage III S pour compléter la série a été très mal accueillie [26]. La presse s'est faite l'écho des multiples pressions exercées par les industriels suisses ou étrangers, dont les produits faisaient l'objet d'examens préalables, et le DMF a dü mettre l'opinion en garde contre les données publiées par les agences de relations publiques [27]. On a annoncé des retards dans ces études, mais le premier choix entre les appareils retenus pour examen devrait avoir lieu au début de 1969 [28]. L'introduction des Mirage III s'est poursuivie, selon un programme de livraison légèrement ralenti par les multiples réglages à effectuer; le prix total des appareils ne devrait pas dépasser, y compris les dédites survenues lors de la réduction de la série commandée, la somme de 1200 millions [29].
Deux programmes d'armement ont en outre été votés par les Chambres. Le premier portait sur l'achat de 140 obusiers automoteurs blindés du type américain M-109, ainsi que de 170 chars blindés 68 d'origine suisse, pour une somme de 870 millions comprenant le matériel accessoire et les munitions. Une procédure inhabituelle a été suivie pour l'achat des M-109, avec l'approbation des commissions militaires des Chambres et de la délégation des finances: le Conseil fédéral a signé un contrat d'achat honorant une option dont l'échéance venait à terme à fin janvier, et a ainsi épargné 40 millions sur le total. Le programme n'a pas soulevé de grande opposition, sinon de la part des milieux qui contestent les achats d'armes aux USA [30]. Le second programme portait sur 461 millions d'armement et d'équipement: munitions d'infanterie et d'artillerie, véhicules et machines de chantier, matériel de transmissions, équipement collectif anti-atomique, équipement personnel (tenues de combat pour le gros de l'armée, guêtres de cuir), etc. Il n'a pas suscité d'opposition [31]. Le traité de non-prolifération des armes atomiques a fait beaucoup parler de lui jusqu'à la fin du mois d'aoflt, sans que l'attitude des autorités change au sujet de l'éventualité d'un armement atomique suisse [32]. L'affaire tchécoslovaque a sérieusement compromis la signature du traité par la Suisse. Elle a entraîné en outre dans notre pays la proposition de doter personnellement les soldats de grenades antichars, ou à tout le moins les sociétés de tir; cette suggestion a été repoussée par le Conseil fédéral pour des raisons de sécurité [33].
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Places d'armes
Le plan d'acquisition et d'aménagement des places d'armes, d'exercice et de tir, formulé en 1966, a été suivi en 1968 de façon soutenue [34]: De nouveaux crédits ont été demandés pour un montant de 346 millions, et approuvés par les Chambres [35]. Le litige existant avec la commune liechtensteinoise de Balzers, au sujet du bruit causé par les tirs sur la place du Luziensteig, n'a pas trouvé encore de solution définitive; un autre incident, dû à une erreur de tir, a ému les populations [36]. La place d'armes de Bure, inaugurée le 20 avril, ainsi que l'affectation des terrains appartenant à la Confédération dans les Franches-Montagnes, ont suscité des oppositions et des controverses vives, dues essentiellement aux conditions politiques jurassiennes. Dans les Franches-Montagnes, on est presque arrivé à un accord entre le Comité d'action contre la place d'armes et le DMF, mais les militants de l'opposition ne semblent pas prêts à l'accepter [37]. A Bure, les difficultés sont surgies de l'utilisation de terrains situés hors du périmètre de la place d'armes, pour des tirs, ainsi que des transports de troupes; on sait que c'est la crainte d'un coup de main sur les installations de Bure qui a conduit le Conseil fédéral à prendre des mesures militaires [38]. Une nouvelle place d'armes du génie a été inaugurée à Bremgarten (AG), alors qu'une solution était trouvée au déplacement hors de ville de celle d'Aarau [39]. Le déplacement de la place d'armes de Zurich a été controversé, comme les achats de terrain dans le Jura soleurois [40]. Mais ailleurs, on a constaté, à Schaffhouse, à Bemhardzell (SG), à Elm (GL) un intérêt évident pour la création de places d'armes [41].
 
[23] Cf. plus haut, p. 35 s.
[24] Intervention de M. Wüthrich (soc., BE) au CN, voir plus haut, note 6; ainsi que NZZ, 723, 21.11.68; GdL, 285, 5.12.68. D'autres interventions ont été lancées en rapport avec l'acquisition de nouveaux avions, cf. postulat Eggenberger (soc., SG) au Conseil national le 18 décembre, in NZZ, 784, 18.12.68.
[25] Cf. NZZ, 692, 8.11.68; JdG, 262, 8.11.68. Voir aussi NZZ, 785, 19.12.68.
[26] Cf. GdL, 35, 12.2.68; Vat., 41, 17.2.68; Lb, 45, 22.2.68. Déclaration de M. Celio au Conseil national le 15 mars, in NZZ, 170, 15.3.68.
[27] Cf. NZZ, 131, 28.2.68; TdL, 62, 2.3.68. Voir aussi NZZ, 142, 4.3.68.
[28] Cf. NZZ, 706, 14.11.68 et 784, 18.12.68.
[29] Cf. 8e Rapport in FF, 1968, II, p. 138 ss.
[30] Cf. FF, 1968, I, p. 481 ss., ainsi que NZZ, 359, 14.6.68; 384, 25.6.68.
[31] Cf. FF, 1968, I, p. 941 ss.; NZZ, 608, 2.10.68; 765, 10.12.68.
[32] Voir plus haut, p. 38, ainsi que APS 1967, p. 36 et 46; en outre, NZZ, 307, 20.5.68; 117, 20.5.68; 470, 2.8.68.
[33] Cf. NZZ, 539, 2.9.68; Bund, 205, 2.9.68; GdL, 261, 7.11.68.
[34] Cf. APS, 1966, p. 38 et 1967, p. 47.
[35] Cf. FF, 1968, I, p. 1533 ss.; NZZ, 608, 2.10.68; 765, 10.12.68.
[36] Cf. APS, 1967, p. 47 s., ainsi que Lb, 132, 8.6.68; NZZ, 417, 10.7.68.
[37] Cf. NZZ, 390, 27.6.68 (interpellation Marthaler, PAB, BE, au Conseil national); Bund, 149, 28.6.68; 279, 27.11.68; TdG, 59, 9.3.68; 279, 27.11.68; 280, 28.11.68; GdL, 61, 13.3.68; 82, 6.4.68; 184, 8.8.68; 282, 2.12.68. La solution proposée consisterait à créer une station d'estivage pour la Remonte fédérale, une station de recherches pour l'élevage du cheval et un centre civil du cheval.
[38] Cf. plus haut, p. 20 s. Voir aussi NZZ, 243, 21.4.68; Bund, 183, 22.4.68; 137, 14.6.68; GdL, 134, 11.6.68; 190, 15.8.68; 208, 5.9.68; 220, 20.9.68; 239, 12.10.68; TdG, 119, 21.5.68; 140, 17.6.68; BN, 248, 17.6.68.
[39] Cf. Bund, 211, 9.9.68; Lb, 211, 9.9.68; BN, 377, 9.9.68; GdL, 180, 3.8.68; Lb, 191, 16.8.68.
[40] Cf. NZZ, 33, 16.1.68; 34, 17.1.68; 187, 24.3.68; 246, 23.4.68; 339, 5.6.68; Tat, 19, 24.1.68; Lb, 94, 23.4.68 (Zurich); NZZ, 77, 5.2.68; 759, 8.12.68; 779, 17.12.68; NZ, 63, 7.2.68 (Guldenthal-Spittelberg).
[41] Schaffhouse, cf. Bund, 92, 21.4.68; Bernhardzell, cf. Ostschw., 289, 13.12.68; Elm, cf. NZZ, 178, 20.3.68; Bund, 96, 25.4.68.