Année politique Suisse 1968 : Economie / Crédit et monnaie
 
Banques
Les troubles des marchés monétaires et de l'or ont exercé une influence plus favorable que néfaste sur la croissance rapide du chiffre d'affaires des banques suisses. L'année 1968 a été placée sous le signe de l'expansion des grandes banques, qui ont accru leurs bilans de façon considérable, d'abord en augmentant sensiblement leurs affaires avec l'étranger, mais aussi en intégrant à leurs bilans des établissements bancaires qui leur appartenaient déjà et en en absorbant d'autres qui, du moins certains d'entte eux, connaissaient des difficultés [15]. La commission des cartels constata qu'il ne pouvait s'agir d'un processus de concentration caractérisé; de même, les nombreux accords passés entre les banques, qui sont des cartels au sens de la loi, devraient pour la plupart être de caractère inoffensif. Seule la convention sur le contrôle des émissions, conclue par l'Association suisse des banquiers, pouvait s'attirer le reproche de contenir des clauses impliquant un boycott par assujettissement. Mais une concurrence véritable et vive était de règle en général [16]. Le désir de protéger les épargnants et de sauvegarder des intérêts nationaux a conduit le Conseil fédéral à proposer aux Chambres, pour la session de décembre, un projet d'arrêté urgent prévoyant l'autorisation obligatoire pour l'établissement de banques dont le capital est en mains étrangères mais qui sont organisées selon le droit suisse. La commission fédérale des banques accorderait l'autorisation aux conditions suivantes: droit de réciprocité dans l'Etat dont la banque porte les couleurs, raison sociale qui indique clairement le caractère étranger de la banque, renonciation à utiliser le siège suisse comme argument publicitaire et attestation de la Banque nationale selon laquelle la banque a fourni les sécurités nécessaires à la protection des politiques suisses de la monnaie et du crédit. La clause d'urgence fut motivée par le grand nombre de nouvelles banques étrangères; on ne pouvait pas attendre jusqu'à ce que la réforme entreprise de la loi sur les banques soit prête, dans deux ans environ [17]. Alors que l'Association suisse des banquiers soutenait le projet, un groupe de banques suisses le combattit, avec l'appui, pas total du reste, de certains journaux. L'opposition visa d'abord la clause d'urgence, qui n'était pas nécessaire du moment que la commission fédérale des banques avait soumis un projet de révision partielle de la loi sur les banques en 1966 déjà et que le Conseil fédéral avait attendu depuis lors. De plus, le Conseil fédéral ne proposait rien du tout au sujet de ce qu'il avait déclaré, en réponse à des questions, être l'un des objets principaux de la révision, à savoir la soumission au contrôle légal des sociétés financières à but industriel ou commercial qui sollicitent les épargnants comme les banques. Le projet violerait le principe d'égalité devant la loi; on pouvait bien penser que les créanciers avaient eu jusqu'ici plus à souffrir des agissements de Suisses que d'étrangers [18]. La commission du Conseil des Etats, dont la formation, comme celle de l'autre Chambre, avait été demandée par le Conseil fédéral avant l'adoption du message, refusa la clause d'urgence [19]. M. Celio n'insista pas sur ce point au Conseil des Etats et donna l'assurance que la révision totale de la loi ne serait pas retardée par cette révision partielle. Il réfuta les critiques selon lesquelles l'autorisation obligatoire déclencherait des représailles contre des industries suisses à l'étranger. Ce serait même aux Etats-Unis, où l'on envisagerait de prendre des meiures de rétorsion contre les banques suisses à cause du secret bancaire, objet de nouvelles et vives critiques, que le projet rencontrerait le plus de compréhension. Le DPF était d'avis, en outre, que les relations extérieures de la Suisse pourraient subir une détérioration si l'on n'instituait pas un contrôle des banques en mains étrangères. Le Conseil des Etats finit par approuver le projet, avec quelques modifications, par 28 voix contre 3 [20].
 
[15] Au sujet de l'absorption de petites banques cf. NZZ, 120, 23.2.68; 171, 17.3.68; 312, 22.5.68; 323, 28.5.68; 332, 31.5.68; 340, 6.6.68; 395, 1.7.68; 484, 8.8.68; augmentation des bilans, cf. NZ, 52, 1.2.69; 72, 13.2.69; 127, 18.3.69; Tat, 39, 15.2.69; NZZ, 116, 21.2.69.
[16] Cf. NZZ, 95, 13.2.69; Tat, 40, 17.2.69; Publications de la Commission suisse des cartels, 3/1968, p. 235 ss.
[17] Cf. NZZ, 663, 27.10.68; 705, 14.11.68; 726, 22.11.68; voir le message in FF, 1968, II, p. 782 as.
[18] Cf. NZZ, 695, 10.11.68; NZ, 528, 14.11.68; 551, 27.11.68; GdL, 279, 28.11.68; Tat, 283, 2.12.68; petites questions du CN Biel (ind., ZH) in Tat, 233, 4.10.68; NZZ, 564, 12.9.68, du CN Gerosa (ind., SG) in NZZ, 564, 12.9.68 et du CN Blatti (rad., BE) in NZZ, 154, 8.3.68. Cf. aussi Association suisse des banquiers, Rapport..., 56/1967-68, p. 84 ss.
[19] Cf. NZ, 532, 16.11.68; NZZ, 766, 11.12.68; JdG, 290, 11.12.68.
[20] Cf. NZZ, 784, 18.12.68; délibérations au CE du 18 décembre in Bull. stén. CE, 1968, p. 327 ss. Au sujet de la critique américaine du secret bancaire, cf. NZZ, 765, 10.12.68;.791, 22.12.68; Lb, 294, 14.12.68; TdG, 293, 13.12.68 (réplique de l'Association suisse des banquiers).