Année politique Suisse 1968 : Economie / Crédit et monnaie
 
Banque nationale
La révision de la loi sur la Banque nationale, qui, selon le programme complémentaire, aurait dit être sous toit à l'expiration de la validité des arrêtés conjoncturels de 1964, n'a guère progressé en 1968 [21]. Avant que le Conseil fédéral ne publie son message, les milieux intéressés répétèrent leurs arguments déjà connus. Des partisans de l'extension des pouvoirs reprochèrent à leurs adversaires de tenter de donner prématurément à la discussion un tour décisif par des menaces de référendum [22]. Au cours de la controverse opposant le directoire de la Banque nationale et les banques privées, surtout les grandes banques, les arguments des savants et des experts consultés ne menèrent à aucun rapprochement des points de vue [23]. Des experts de l'OCDE louèrent le projet qu'ils jugèrent progressiste, mais estimèrent que les pouvoirs qu'on se propose de donner à la Banque nationale seraient d'une efficacité insuffisante [24]. La commission des cartels, pour sa part, examina les conséquences en matière de concurrence des différents pouvoirs proposés et jugea que l'abandon de la limitation du crédit au profit d'une politique de réserves minimales plus efficace auraient des effets plus favorables sur le plan de la concurrence [25]. La commission d'études économiques plaida dans le même sens en faveur de réserves minimales calculées sur le montant des dépôts plutôt que sur leur croissance [26]. Du moment que les fronts paraissaient gelés, le Conseil fédéral présenta encore son projet remanié de message aux leaders des partis gouvernementaux, qui tous reconnurent la nécessité d'étendre les pouvoirs de la Banque nationale; les radicaux cependant émirent des réserves sérieuses [27]. Le message, sous sa forme définitive, prévit le développement, non contesté, de la politique d'« open market »; l'introduction de réserves minimales fondées sur l'augmentation du passif des bilans, variant entre 5 et 40 % selon la nature des postes passifs et pouvant être doublées pour les capitaux étrangers; en outre une limitation de l'augmentation du crédit, applicable de façon subsidiaire pour une période limitée de temps; enfin, la surveillance des émissions par la Banque nationale, mesure qui avait été réclamée par plusieurs des groupements consultés. Contrairement aux dispositions prévues dans l'avant-projet, la compétence d'appliquer les quatre moyens d'action proposés devrait être attribuée au directoire de la Banque nationale. Les milieux économiques pourraient faire valoir leur point de vue par le canal du Comité de Banque auquel des fonctions consultatives sont attribuées. Les doutes portant sur la constitutionnalité des mesures envisagées étaient réfutés vigoureusement sur la base des art. 31 quater et 39 de la Constitution fédérale. Le Conseil fédéral avait ainsi tenu compte des critiques exprimées lors de la consultation préliminaire en lénifiant les points les plus controversés [28]. Les représentants de la Banque nationale défendirent le projet à diverses occasions [29]. Du côté des syndicats, ,on approuva celui-ci sous réserve de quelques petites modifications [30]. L'opposition des banques, appuyée par le patronat et les arts et métiers, se dressa principalement, comme auparavant, contre la limitation du crédit, repoussée parce qu'on la juge dirigiste, bien que la mesure proposée, dans son état définitif, ait été rendue moins rude: limitation dans le temps, principe de la subsidiarité, garanties données à une augmentation du crédit au moins équivalente à celle du produit national. Le contrôle des émissions proposé par le Conseil fédéral fut traité de superflu, du moment que celui-ci avait fort bien fonctionné sans intervention de l'Etat. Le pouvoir de décision définitive du directoire de la Banque fut repoussé également [31]. Enfin, on exigea qu'avant toute extension des pouvoirs de la Banque nationale on établisse une base constitutionnelle nouvelle et adéquate, ce qui aurait pour effet de retarder tout le projet [32]. Un autre retard intervint encore lorsque la commission du Conseil national chargée d'examiner celui-ci décida en novembre, après que ses membres eurent pris connaissance d'un aide-mémoire issu de l'Association suisse des banquiers, de repousser la décision d'entrer en matière afin de procéder en janvier 1969 à des « hearings » avec des représentants des banques et de la recherche. A la fin de l'année toutefois, une nouvelle situation fut créée par l'adhésion des banques cantonales et des banques locales au principe de la limitation du crédit: le front unique présenté jusqu'alors par les banques avait lâché [33].
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U.K.
 
[21] Cf. APS, 1965, in ASSP, 6/1966, p. 158 ss.; APS, 1966, p. 49; APS, 1967, p. 55 ss.
[22] Cf. NZZ, 123, 25.2.68; Tw, 164, 16.7.68.
[23] Cf. NZ, 19, 12.1.68; table ronde à Zurich avec W. Linder, F. Leutwiler, le prof. F. Lutz et A. Schäfer (NZZ, 17, 19.1.68); Business Lunch de la Vereinigung akademischer Volkswirtschafter avec F. Leutwiler et H. J. Mast (NZZ, 51, 24.1.68).
[24] Cf. NZ, 43, 26.1.68; 55, 3.2.68.
[25] Publications de la Commission suisse des cartels, 2/1967, p. 312 ss., Rapport de la Commission de recherches économiques, 189, supplément de La Vie économique, 41/1968, juillet.
[26] Cf. NZZ, 186, 22.3.68; cf. aussi les déclarations de M. Stopper à la conférence de presse du 29 août in Vat., 203, 31.8.68. Le même aspect fut souligné par F. Schaller in GdL, 125, 30:5.68.
[27] Cf. Vat., 101, 30.4.68; GdL. 100, 30.4.68; NZZ, 268, 2.5.68 (Parti radical-démocratique suisse); 297, 15.5.68.
[28] Cf. Bund, 203, 30.8.68; NZZ, 533, 29.9.68; 537, 1.9.68; voir le message in FF, II, 1968, p. 253 ss.
[29] Cf. la conférence d'A. Hay à l'assemblée générale de l'Office suisse d'expansion commerciale (NZZ, 362, 16.6.68), conférences d'E. Stopper à l'assemblée générale de la Banque nationale (NZZ, 186, 22.3.68) et devant la presse accréditée au palais fédéral (Vat., 203, 31.8.68), de plus A. Hay à l'Efficiency-Club (GdL, 271, 19.11.68) et F. Leutwiler à la table ronde du 15 novembre à Zurich (NZZ, 717, 19.11.68) et dans un article in BN, 477, 12.11.68.
[30] Cf. gk, 34, 5.9.68; NZZ, 675, 31.10.68 (Fédération des sociétés suisses d'employés); 727, 24.11.68 (Confédération des syndicats chrétiens de la Suisse); 789, 20.12.68 (Coop).
[31] La Bankpolitische Korrespondenz de l'Association suisse des banquiers souligna que le refus des banques ne concernait que certains aspects (NZZ. 556, 10.9.68). Voir aussi les déclarations d'Alfred Sarasin, président de l'Association suisse des banquiers, à la journée des banquiers suisses (NZZ, 584, 23.9.68) ainsi que son article in NZZ, 682, 4.11.68; de plus wf, Dokumentations- und Pressedienst, 48, 25.11.68; 49, 2.12.68; Migros, Die Zeitung in der Zeitung, 116, 7.9.68 (NZ, 414, 8.9.68). Pour l'attitude des arts et métiers voir NZZ, 781, 17.12.68 (Otto Fischer, directeur de l'Union suisse des arts et métiers); Schweizerische Gewerbe-Zeitung, 9, 1.3.68; 27, 5.7.68; 37, 13.9.68.
[32] Cf. la décision du Comité central du Parti radical-démocratique suisse (NZZ, 268, 2.5.68). La constitutionnalité affirmée par B. Müller in Bund, 244, 17.10.68; 246, 20.10.68, contestée in wf, Dokumentations- und Pressedienst, 37, 9.9.68. Cf. aussi Hans Giger, « Zwangsmassnahmen der Notenbank sind verfassungswidrig », in Gewerbliche Rundschau, 13/1968, p. 149 ss.; de plus Schweizerische Gewerbe-Zeitung, 17, 26.4.68.
[33] Cf. wf, Dokumentations- und Pressedienst, 45, 4.11.68; Tat, 256, 31.10.68; GdL, 256, 1.11.68; Vat., 33, 10.2.69.