Année politique Suisse 1969 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Principes de la politique étrangère suisse
Les principes de la politique étrangère suisse, définis l'an dernier par le Conseil fédéral
[2], ont continué en 1969 à retenir l'attention des autorités et du public. La Commission Wahlen, chargée de préparer la refonte de la Constitution fédérale, a recueilli les réponses les plus diverses aux questions posées à ce sujet aux gouvernements cantonaux, aux Universités et aux partis politiques
[3]. Elles montrent les divergences d'opinion sur l'introduction éventuelle de maximes de politique étrangère dans la Constitution fédérale. Beaucoup expriment l'idée que cette politique est trop fluide pour s'enfermer dans la rigidité d'un texte constitutionnel. Nombreuses également sont celles qui font de la neutralité, non un but en soi, mais seulement un moyen de sauvegarder l'indépendance nationale. Avis partagés aussi sur le rôle respectif de l'exécutif et du législatif dans la conduite des affaires étrangères: les unes affirment la prérogative du Conseil fédéral
[4], les autres estiment au contraire insuffisants le rôle des commissions parlementaires et les pouvoirs des Chambres
[5]. Certaines souhaitent par ailleurs augmenter les compétences du peuple en matière de traités internationaux
[6]. Relevons enfin l'affirmation de la primarité du droit international sur le droit interne helvétique
[7]. La Société suisse de politique étrangère, réunie en avril à Lenzbourg, a pris connaissance de ces travaux
[8]. L'assemblée a montré que les principes de politique extérieure de la Suisse, tout en formant une doctrine apparemment cohérente, étaient parfois difficilement conciliables entre eux. Ainsi de la neutralité et de la solidarité. Un orateur a souligné par exemple que l'entrée de la Suisse aux Nations Unies s'avérait nécessaire par solidarité, mais que la neutralité y faisait obstacle
[9]. Obstacle non insurmontable cependant, ajouta-t-il, à condition d'opter pour une politique de neutralité appropriée. Or, entre les trois modalités théoriques de la politique étrangère suisse — minimum de collaboration internationale et application extensive de la politique de neutralité, maximum de collaboration internationale et renonciation à la politique de neutralité, optimum de collaboration internationale et application restrictive de la politique de neutralité — seule la, troisième, selon lui, était actuellement à envisager: la première signifierait un isolement dangereux, la seconde le départ à l'aventure.
La réunion de Lenzbourg témoigne des efforts fournis en Suisse en faveur d'une politique extérieure plus active
[10]. Mais on a observé que cette politique manquait d'appui dans les masses, que la grande majorité des citoyens étaient encore insensibles aux problèmes qu'elle posait, ainsi qu'aux devoirs qu'entraînait la solidarité; que faire comprendre la neutralité était chose peu commode, surtout la politique de ce nom, souvent tributaire des circonstances et des impératifs de l'heure; qu'un juridisme étroit compliquait encore la situation et déconcertait le citoyen jugeant avec son simple bon sens; que ce juridisme n'était parfois qu'un prétexte pour cacher un embarras; enfin que les autorités feraient mieux d'avouer leurs difficultés et que cet aveu sensibiliserait davantage une opinion encline à se réfugier dans la méfiance ou l'indifférence
[11].
[2] Dans son rapport sur les « Grandes lignes » (ibid., p. 32 s.).
[3] Cf. supra, p. 11, notamment note 17.
[4] C'est aussi l'avis de l'ancien chef du DPF et président de la Commission, M. Wahlen (cf. infra, note 8).
[5] Entre autres du Conseil d'Etat du canton de Saint-Gall.
[6] Entre autres les cantons de Zurich, Lucerne, Fribourg, Bâle-Ville, Saint-Gall, Vaud, Valais, Neuchâtel; les partis radical et conservateur; les Universités de Zurich et de Neuchâtel, ainsi que l'Ecole polytechnique fédérale; le Vorort de l'Union suisse du commerce et de l'industrie.
[7] Les cantons de Saint-Gall et du Valais; les Universités de Zurich et de Saint-Gall.
[8] Exposé du Prof. J.-F. Aubert (TdG, 113, 16.5.69; NZZ, 257, 29.4.69; Europa, 36/1969, 5, p. 2 ss.).
[9] ALOIS RIKLIN, « Modell einer schweizerischen Aussenpolitik », in Europa, 36/1969, 6, p. 6 ss. Cf. aussi ibid., 5, p. 2 ss.; TdG, 113, 16.5.69.
[10] Cf. APS, 1968, p. 31 ss.
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