Année politique Suisse 1969 : Chronique générale / Défense nationale
 
Infrastuctures
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Places d'armes
Malgré leur importance et abstraction faite du livre de la défense civile, les objets traités jusqu'ici sont cependant à mettre au second plan en regard de l'effort considérable fourni par l'armée en vue de son équipement et de son armement. Un crédit supérieur à 150 millions de francs a été alloué par les Chambres pour la construction d'ouvrages et des acquisitions de terrains [40]. Malgré les difficultés à se procurer des emplacements — croissance simultanée des besoins civils et militaires — l'armée est cependant en train d'installer trois places d'armes à Drognens (FR), Isone (TI) et Wangen (BE), auxquelles s'ajoutent de nombreux projets de moindre envergure, dont la modernisation des places existantes. Un arrangement a été conclu avec le Liechtenstein à propos de la place de Luziensteig [41]. Le Grand Conseil du canton de Vaud, malgré l'opposition des socialistes, popistes, chrétiens-sociaux et radicaux de gauche, a voté la création de la place d'armes de l'Hongrin [42]. Par contre, en Argovie, la commune d'Hägglingen et le comité régional de planification du val de Bünz se sont opposés à une réalisation semblable prévue à Rüti [43]. Quant au projet relatif à la région des Franches-Montagnes, le DMF y a finalement renoncé malgré l'acquisition en bonne et due forme de 300 hectares de terrain et la transformation du projet initial en un « centre du cheval ». Le problème jurassien explique cette attitude, et non seulement les trois communes concernées ont décidé le rachat des terres d'une valeur de 4.500.000 francs, mais les séparatistes ont demandé que cette remise soit faite gratuitement afin d'améliorer les rapports de la population jurassienne avec les autorités fédérales [44]. Il faut dire aussi que les adversaires de cette station du cheval avaient prévu la suppression de la cavalerie dans l'armée, annoncée effectivement en automne par le Conseil fédéral [45]. Ce projet, applicable dès 1975, a soulevé des critiques chez les défenseurs de la plus noble conquête de l'homme. Dans l'immédiat, le Conseil des Etats a accepté de maintenir temporairement l'effectif actuel des chevaux et mulets de l'armée [46]. Une somme de 12 millions a été allouée à cet effet, mais le gouvernement, soucieux de développer la motorisation des troupes, a demandé un subside de même nature pour les véhicules susceptibles d'être réquisitionnés par l'armée [47].
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Armement
L'armement a fait l'objet d'un programme de 491 millions, dont près de 300 pour l'aviation et la DCA (défense contre avions). Si la décision d'acheter des hélicoptères français Alouette-3 n'a provoqué aucune réaction défavorable dans l'opinion, il en a été différemment de celle de commander à Bührle les canons de DCA [48]. Le scandale causé par cette firme est à l'origine du mouvement visant à interdire les exportations d'armes et à nationaliser leur fabrication [49]. Après plusieurs versions, une initiative populaire a été lancée dans ce sens. Elle n'avait pas abouti à la fin de l'année, mais partisans et adversaires ont déjà pris position. Pacifistes, communistes, « Team 67 », « Jeune Berne » et divers milieux socialistes lui sont favorables, tandis que les partis gouvernementaux bourgeois et certains groupements syndicaux et patronaux la rejettent [50]. Une enquête d'opinion publique a donné les résultats suivants: 60 % des personnes interrogées (contre 27) se déclarent pour le maintien d'une industrie d'armement, 42 % sont d'accord qu'elle reste privée (contre 37% en faveur d'une nationalisation), 66% souhaitent un renforcement de la législation fédérale de contrôle sur les exportations [51].
Alors que le dernier «Mirage» à été livré a l'armée suisse en août selon le programme prévu [52], il a été beaucoup question, durant toute l'année, de l'acquisition d'un nouvel appareil de combat. La presse y a consacré de très nombreux articles, au fur et à mesure des événements dont voici les principaux: institution d'une commission d'experts chargée de l'étude du problème; décision de limiter le choix à deux avions, le A-7 Corsair américain et le G-91 Y Fiat italien; discussion sur le mode d'acquisition, achat ou fabrication sous licence; renonciation de la firme Pilatus, affiliée à Bührle, de fabriquer sous licence le nouvel appareil [53].
Le système Florida, réseau radar d'alerte initiale, a mobilisé l'opinion et les autorités fédérales lorsque le Conseil national a appris les difficultés auxquelles se heurtait sa mise en place. Les principales questions agitées à ce propos ont déjà été traitées ailleurs, car elles dépassent le cadre des affaires purement militaires [54]. Le Conseil fédéral a reconnu un retard dans la réalisation, mais a affirmé qu'il n'y avait aucun scandale financier et que le système n'avait rien de défectueux [55].
 
[40] FF, 1969, I, p. 313 ss. (message du Conseil fédéral); NZZ, 385, 26.6.69 (CE); 611, 8.10.69 (CN); texte définitif, in FF, 1969, II, p. 1089 s.
[41] NZZ, 123, 14.4.69; 233, 17.4.69; 236, 18.4.69; GdL, 85, 14.4.69.
[42] PS, 270, 25.11.69; VO, 275, 27.11.69.
[43] NZZ, 408, 7.7.69; NZ, 395, 30.8.69; PS 143, 27.6.69.
[44] GdL, 56, 8./9.3.69; 98, 28.4.69; 259, 6.11.69; TdG, 63, 15./16.3.69; 120, 24./26.5.69; 231, 3.10.69; Lib., 131, 8./9:3.69; cf. APS, 1968, p. 48.
[45] GdL, 218, 18.9.69.
[46] FF, 1969, II, p. 449 ss.; Bull. stén. CE, p. 307 ss.; NZZ, 430, 16.7.69; sur la suppression de la cavalerie, cf. Bund, 250, 26.10.69; GdL, 225, 27./28.9.69.
[47] FF, 1969, II, p. 717 ss.; NZZ, 558, 11.9.69; NZ, 415, 11.9.69.
[48] FF, 1969, I, p. 343 ss. (message du Conseil fédéral); NZZ, 385, 26.6.69 (CE); NZZ, 611, 8.10.69 (CN). Critiques, cf. NZ, 110, 8.3.69; TLM, 67, 8.3.69; TdG, 57, 8./9.3.69; Tw, 56, 8./9.3.69; VO, 8.3.69.
[49] Cf. APS, 1968, p. 35 et 47; supra, p. 46.
[50] Version définitive: NZZ, 224, 14.4.69. Partisans: Conseil suisse des asssociations pour la paix (PS, 20, 27.1.79); Jeune Berne (Tw, 88, 17.4.69); Team 67 (NZZ, 228, 15.4.69; GdL, 86, 15.4.69); Communistes (VO, 116, 23.5.69); partis socialistes vaudois (PS, 99, 5.5.69), jurassien (Tw, 91, 21.4.69); partis socialistes de Bâle-Ville (NZZ, 368, 19.6.69) et de Bâle-Campagne (NZ, 375, 18.8.69). Adversaires: partis radical (NZZ, 283, 9.5.69), conservateur chrétien-social (Vat., 47, 26.2.69), socialiste (NZZ, 256, 28.4.69; 283, 9.5.69), PAB (NBZ, 53, 5.3.69); Société industrielle SIG (JdG, 107, 9.5.69); Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers (FOMH) (GdL, 90, 19./20.4.69). Abstention socialiste: PS, 95, 29.4.69.
[51] Enquête de l'ISOP; échantillon: 1000 personnes (Lb, 73, 29.3.69).
[52] JdG, 164, 17.7.69; TLM, 198, 17.7.69; Bund, 164, 17.7.69.
[53] NZZ, 212, 8.4.69; 357, 15.6.69; 416, 10.7.69; 720, 10.12.69; Bund, 11, 15.1.69; 71, 26.3.69; 21.8.69; 197, 25.8.69; JdG, 119, 24./26.5.69; 158, 10.7.69; 180, 5.8.69 - 182, 7.8.69; 189, 15.8.69 192, 19.8.69; 194, 21.8.69; TdG, 141, 19.6.69; 158, 9.7.69; 159, 10.7.69; 193, 19.8.69; 21.8.69; Tat, 85, 12.3.69; 162, 12.7.69; Weltwoche, 1868, 29.8.69; Lib., 274, 28.8.69; NZ, 391, 28.8.69; GdL, 211, 10.9.69; 212, 11.9.69; 231, 4./5.10.69; Délib. Ass. féd., 1969, II, p. 12; APS, 1968, p. 47.
[54] Cf. supra, p. 23 f.
[55] NZZ, 626, 16.10.69; 734, 18.12.69; NZ, 475, 16.10.69; Bund, 242, 16.10.69; GdL, 241, 16.10.69; TdG, 242, 16.10.69; 296, 18.12.69; TLM, 352, 18.12.69.