Année politique Suisse 1969 : Economie / Agriculture / Production animale
La
politique laitière du gouvernement, compte tenu des difficultés des années précédentes
[28], a cependant trouvé la possibilité d'assouplir quelque peu le régime en vigueur. En automne, le Conseil fédéral, satisfaisant en partie aux revendications des paysans, a allégé les dispositions d'endiguement de la surproduction laitière: retenue sur le litre de lait ramenée de 5 à 3 centimes, avec maintien toutefois du « centime d'élimination », destiné au financement d'une campagne d'encouragement à la production du bétail de boucherie; renonciation, vu les efforts des producteurs de lait et la diminution sensible de la production, au contingentement prévu pour le ler novembre. Par la même occasion, et pour améliorer la situation de l'économie laitière, les décisions suivantes ont été prises: augmentation du volume de la production de 24,5 à 25 millions de quintaux, étant donné l'apparition de meilleures conditions d'écoulement; crédit fédéral de 15 millions de francs en faveur de l'écoulement des produits laitiers vers les pays souffrant de la faim; autre crédit de 500.000 francs affecté à la propagande de la crème et du fromage à pâte molle; amélioration de la qualité du lait par la détection des antibiotiques et par la punition des producteurs de lait trouvés responsables
[29]. D'autre part, la montagne de beurre ayant complètement fondu en 1968, deux mesures propres à diminuer le déficit enregistré par la Confédération sont entrées en vigueur. La première a consisté à atténuer ses campagnes, fort chères, de mise en valeur. On sait en effet que, pour écouler les excédents de stocks, elle avait pratiqué de véritables prix de liquidation. Elle a donc réduit ses subventions et augmenté les prix de certaines sortes de beurre, tout en maintenant celui de table à Fr. 12,50 le kilo. Vu la diminution de la fabrication du beurre et l'augmentation de sa consommation, l'autre mesure a été la reprise des importations. Elle est au profit de tous les intéressés: le consommateur bénéficie d'importations qui rendent le beurre meilleur marché; les taxes de douane contribuent à renflouer la Caisse fédérale; le déficit du compte laitier est atténué grâce à ces mêmes recettes
[30]. Ce lent redressement laisse néanmoins l'économie laitière dans une situation précaire. Les dépenses de la Confédération pour assainir le marché du lait sont encore énormes et certains ont parlé d'une véritable « dilapidation des fonds publics »
[31]. Sur un autre plan, . juridique celui-là, il convient de relever que les statuts, parfois très anciens, des organisations laitières se trouvent souvent en contradiction avec le droit cartellaire actuellement en vigueur. C'est ainsi que la Commission suisse des cartels, sollicitée par le DFEP de donner son avis sur certains droits des fédérations et des coopératives laitières, a répondu que, si une indemnité de sortie pouvait se justifier dans les coopératives, en revanche le droit de préemption inséré dans les statuts des fédérations était contraire à l'art. 5 de la loi sur les cartels
[32].
La nouvelle réglementation du marché du
fromage, adoptée en 1968 par le Conseil des Etats, a passé l'année suivante devant le Conseil national où la discussion a pris une tournure également juridique
[33]. Alors que tout le monde s'est accordé pour reconnaître l'importance de l'économie fromagère dans l'agriculture nationale, une divergence fondamentale s'est élevée à propos de la définition juridique de l'organisme chargé de sa commercialisation. Tandis que la majorité de la commission du Conseil national donnait son appui au projet gouvernemental de la création d'une société anonyme, la minorité, composée de socialistes et de conservateurs, préconisait la formule d'une société coopérative de droit public. Bien que la société anonyme en question ait été considérée par cette minorité comme un non-sens juridique et que la Division de l'Agriculture se soit d'abord déclarée en faveur de la société coopérative, la proposition de la majorité l'a emporté par 113 voix contre 44
[34]. Il faut dire que les cantons et les groupements économiques consultés se sont montrés constamment hostiles au projet d'une société coopérative, ce qui explique l'attitude finale du gouvernement
[35].
[28] Cf. APS, 1968, p. 76 ss.
[29] Mesures de libéralisation: RO, 1969, p. 1061 ss.; p. 1067 ss.; cf. NZZ, 649, 30.10.69; Bund, 254, 30.10.69; TLM, 303, 30.10.69; GdL, 253, 30.10.69; NZ, 498, 30.10.69.
[30] RO, 1969, p. 287 ss.; NZZ, 201, 1.4.69; TLM, 91, 1.4.69; GdL, 76, 1.4.69; Rapp. gest., 1969, p. 188.
[31] Entre autres Domaine public, 122, 11.12.69.
[32] Publications de la Commission suisse des cartels, 4/1969, p. 83 ss.
[33] Séance du CN du 5 juin: Bull. stén. CN, 1969, p. 267 ss.; NZZ, 338, 6.6.69; 10.6.69; Bund, 129, 6.6.69; 132, 10.6.69; NZ, 252, 6.6.69; 258, 10.6.69; NBZ, 129, 6.6.69; Tat, 127, 2.6.69; 132, 7.6.69; TLM, 157, 6.6.69; TdG, 130, 6.6.69; GdL, 134, 12.6.69; Lb, 131, 10.6.69; Tw, 132, 10.6.69; La Gruyère, 67, 14.6.69. Séance du CE du 27 juin (procédure de conciliation): Bull. stén. CE, 1969, p. 128 ss. Cf. aussi APS, 1968, p. 78 s. Texte définitif: RO, 1969, 41, p. 1070 ss.
[34] Composition de la minorité de la commission: Bull. stén. CN, 1969, p. 267. Intervention Felber (soc., NE): ibid., p. 272 s..
[35] Affirmation du CN Felber (soc., NE): ibid.
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