Année politique Suisse 1973 : Eléments du système politique / Institutions et droits populaires
Gouvernement
La
réforme de l'organisation et de la composition du Conseil fédéral est demeurée en discussion. A la question de savoir s'il convenait de renoncer à la disposition fédéraliste selon laquelle on ne peut désigner plus d'un membre par canton, le gouvernement a répondu pour le moment par la négative, quand bien même la plupart des partis s'étaient prononcés pour un assouplissement ; ce qui fit pencher la balance, c'est le fait qu'une majorité de cantons rejetait une modification ou ne pouvait y adhérer qu'en cas d'une augmentation du nombre des conseillers fédéraux
[1]. La réforme de l'organisation prévue dans le cadre de la revision de la loi sur l'organisation de l'Administration fédérale, en est restée au stade préparatoire. Une procédure interne ayant eu lieu en 1972 au sein de l'administration, les groupes parlementaires des partis gouvernementaux ont désiré également s'exprimer. Dans la mesure od leurs positions furent publiées, elles indiquèrent peu de penchant pour des innovations ; cela vaut autant pour l'élargissement du collège gouvernemental que pour. l'introduction d'un département présidentiel
[2]. L'initiative parlementaire Schwarzenbach (mna, ZH) demandant une confirmation par le peuple de l'élection du Conseil fédéral a été rejetée par la Commission préparatoire du Conseil national
[3].
A la fin de l'année, le Conseil fédéral a connu les plus gros
changements de personnel depuis l'existence de la formule magique 2 : 2 : 2 : 1. Depuis le grand remaniement de 1959, les démissions se suivaient, en général, isolées ; en 1969, le parlement eut à repourvoir une double vacance, pourtant. Durant l'automne 1973, l'entente se fit, au sein du gouvernement, sur une triple démission ; M. Celio s'étant résolu à quitter ses fonctions, ses deux collègues les plus anciens en charge — MM. Tschudi et Bonvin — décidèrent de l'imiter pour faciliter la succession. L'ordre dans lequel les démissions étaient présentées, déterminant pour la procédure de l'élection, se fit sur la base de l'ancienneté. Le fait de démissionner en commun fut très apprécié. La presse a rendu hommage à l'énorme puissance de travail de H. P. Tschudi, au grand rayonnement personnel de N. Celio et à l'opiniâtreté, mêlée de charme, du Valaisan Bonvin
[4].
Compte tenu de la « formule magique », il appartenait à chacun des trois grands partis nationaux de désigner un successeur. Contrairement à d'autres vacances, la décision ne se fit qu'avec peine au sein des groupes parlementaires. Nulle part, la nomination n'intervint du premier coup, mais
aucune fraction ne voulut présenter de double candidature. Chez les radicaux, le président du parti, H. Schmitt, conseiller national et directeur de la police genevoise, l'emportait sur le président du groupe, G.-A. Chevallaz, qui avait déjà annoncé sa démission de la présidence de la ville de Lausanne. Chez les chrétiens-démocrates, le président du Conseil national, E. Franzoni (TI), passait devant le conseiller national L. Schürmann (SO) et H. Hürlimann, député zougois aux Etats. Chez les socialistes, enfin, le président du parti, A. Schmid, conseiller national, prenait le dessus sur le directeur soleurois des finances W. Ritschard et sur le conseiller national bâlois A. Gerwig
[5]. Les candidatures officielles cependant n'étaient pas admises sans discussions et les partis gouvernementaux ne s'accordaient que sur le respect mutuel de leur droit à un siège
[6]. On ne fut pas très étonné de voir que, finalement, aucun des candidats officiels n'était élu : au premier tour chaque fois, l'Assemblée fédérale se prononça pour
Willi Ritschard,
Hans Hürlimann et
Georges-André Chevallaz. Elle montrait, ainsi sa préférence pour des personnalités manifestant, tant chez les socialistes que chez les radicaux, une tendance vers le centre. En outre, fidèle au système du tournus gouvernemental, elle élit E. Brugger à la présidence de la Confédération et P. Graber à la vice-présidence
[7].
Le désaveu infligé aux groupes provoqua quelques accès de mauvaise humeur au sein de l'aile gauche du PSS ainsi qu'au secrétariat général du PDC, mais on l'accepta généralement comme l'expression de la liberté de vote ; on fêta avec Willi Ritschard l'arrivée du premier ouvrier au Conseil fédéral, du moins au XXe siècle
[8]. Lors de la
répartition des départements, on tint compte de la répugnance du Parti socialiste à s'engager en matière de politique financière. Ainsi le chef sortant des finances soleuroises se vit confier le DFTCE. H. Hürlimann, de longues années durant président de la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique, entra au DFI et G.-A. Chevallaz hérita du DFFD, bien que du côté radical on eût volontiers vu le parti déchargé d'une fraction de la politique conjoncturelle
[9].
[1] BN, 49, 27.2.73 ; 214, 13.9.73 ; NZZ, 128, 18.3.73. Cf. APS, 1972, p. 20.
[2] Rapp. gest., 1972, p. 1 ; TA, 16, 20.1.73 ; NZZ (ats), 93, 26.2.73 ; '7'w, 47, 26.2.73 ; Lib., 135, 14.3.73 ; cf. APS, 1971, p. 20 s. ; 1972, p. 21.
[3] NBZ (ats), 348, 1.11.73 ; (dds), 350, 2.11.73. Cf. APS, 1972, p. 20.
[4] Cf. l'ensemble de la presse du 2.10.73. Sur l'échelonnement des décisions personnelles, cf. M. Bonvin in Nouvelliste et Feuille d'Avis du Valais, 228, 2.10.73.
[5] PRD : GdL, 269, 17/18.11.73 ; cf. TLM, 145, 25.5.73. PDC et PSS : TLM, 322, 18.11.73 ; Bund, 271, 19.11.73 ; Vat., 268, 19.11.73. Les CN Muheim (ps, LU), Binder (pdc, AG) et Canonica (ps, ZH) et la CE Lise Girardin (prd, GE) avaient renoncé à faire acte de candidature (Ldb, 257, 6.11.73 ; NZ, 348, 7.11.73 ; GdL, ats, 264, 12.11.73 ; TG, ats, 266, 14.11.73).
[6] NZ, 373, 29.11.73 ; Vat., 279, 1.12.73 ; TG, 281, 12.12.73 ; NZZ, 560, 2.12.73.
[7] Résultats : Ritschard 123, Hürlimann 132, Chevaliez 137, Brugger (président) 198, Graber (vice-président) 182 voix (BO CN, 1973, p. 1875 ss.). Ce n'est que par l'élection de M. Chevallaz que le canton de Vaud regagna son siège au CF, M. Graber étant considéré comme Neuchâtelois (d'après la loi sur les garanties politiques et de police en faveur de la Confédération ; cf. APS, 1966, p. 20 s. ; 1969, p. 21 s.).
[8] Cf. l'ensemble de la presse du 6-9.12.73 et infra, p. 163. Le premier ouvrier au CF fut Numa. Droz (1875-92) (NZZ, 585, 17.12.73).
[9] TG, 299, 2223.12.73 ; NZZ, 597, 24.12.73. Critique radicale : Bund, 301, 24.12.73 ; NZZ (ats), 601, 28.12.73.
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