Année politique Suisse 1973 : Economie / Agriculture
 
Politique agricole
Ces indications dénotent une évolution générale réjouissante quant à la productivité agricole. Elles cachent toutefois de graves difficultés, aussi bien structurelles que conjoncturelles. Il sera question bientôt du revenu paysan. En ce qui concerne les structures, les préoccupations parlementaires ont notamment porté sur les principes de la politique agricole et sur la propriété foncière. Dans le premier cas, une nouvelle orientation, visant à privilégier les critères de rentabilité, a été demandée par le conseiller aux Etats Heimann (ind., ZH). Il s'agirait surtout pour le gouvernement de déterminer les formes et catégories d'exploitations désormais non viables, d'établir un rapport sur l'affectation des fonds publics aux domaines rentables, ainsi que de proposer des mesures de reconversion pour les paysans appelés à quitter l'agriculture. Dans le second cas, revision a été proposée de la loi sur le maintien de la propriété rurale, en vue de renforcer les compétences des cantons et d'accorder éventuellement aux cultivateurs un droit de préemption amélioré lors de ventes d'immeubles à vocation agricole, mesures propres à freiner leur très fréquente acquisition par des personnes étrangères à la paysannerie. L'exécutif s'est déclaré disposé à examiner ces diverses questions [2]. Pour les cantons, certains choix s'imposent également. L'Etat d'Argovie, en précurseur, a fait dresser une conception-pilote de son agriculture de demain. Il en ressort que l'option la plus réaliste consiste à maîtriser l'évolution en conciliant les impératifs divergents des divers secteurs de l'économie [3].
Au niveau national, plusieurs suggestions, plus ou moins neuves, ont été émises ici et là quant aux moyens de préserver le secteur primaire d'une fâcheuse disparition. Le groupe de travail pour la préparation d'une refonte totale de la Constitution fédérale a souligné la nécessité de lui conserver son statut spécial [4]. Dans son rapport final, la conférence de prospective de la Nouvelle Société Helvétique, après s'être déclarée pessimiste quant aux conséquences prévisibles de la politique agricole actuelle (irritation croissante contre les pouvoirs publics, impasse), a placé ses espoirs dans les effets bénéfiques d'un aménagement judicieux du territoire. Des économistes ont suggéré, qui la poursuite assidue des mesures de rationalisation (notamment en réduisant d'un tiers le nombre des exploitations existantes, soit de 150 000 environ à 100 000), qui une restructuration de notre appareil de production pour épargner au pays les suites catastrophiques d'une probable et prochaine disette mondiale, annoncée à maintes reprises déjà par d'éminents savants et instituts spécialisés [5].
L'inflation aidant, le problème des structures est devenu particulièrement aigu ces dernières années dans l'agriculture de montagne. En dépit des efforts spéciaux consentis en sa faveur, la politique en vigueur ne suffit plus. De multiples démarches, parlementaires et autres, témoignent d'une prise de conscience à ce sujet. L'exode rural [6], l'abandon des alpages [7], les conditions défavorables de logement [8] retiennent surtout l'attention. Après des études poussées, le gouvernement a proposé un vaste plan d'investissements dont l'originalité consiste à embrasser la globalité de l'économie de montagne. Il en a été question plus haut. D'autres mesures fédérales sont prévues, notamment l'augmentation des subventions aux détenteurs de bétail. Dans le canton de Zurich, le peuple a accepté, à une forte majorité, une importante revision de la loi sur l'aide à l'agriculture qui permettra en particulier un soutien plus substantiel aux paysans de l'Oberland [9].
 
[2] Heimann : motion acceptée sous forme de postulat par le CE (BO CE, 1973, p. 803 ss.). Bien-fonds : motion Broger (pdc, AI) adoptée aussi comme postulat par le CE (ibid., p. 759 ss.). CF : ibid. Sur la question de l'exode rural, cf. Jacques Gaude, Emploi agricole et migrations dans une économie dualiste, Genève 1972. Sur la politique agricole fédérale en général, cf. aussi Documenta, 1973, no 6, p. 22 ss. (J.-C. Piot) et 30 (CF Bonvin) et no 8, p. 21 ss. (CF Tschudi).
[3] Argovie : cf. E. Dettwiler, L'agriculture argovienne contemporaine et future. Perspectives et conceptions directrices, Tänikon 1973 (Comptes rendus de la station fédérale d'économie d'entreprise et de génie rural de Tänikon, 4).
[4] Cf. Rapport final, Berne 1973, p. 390.
[5] NSH : cf. Anno 709 p.G., Genève 1973, p. 328 ss. Rationalisation : cf. position de H. Kleinewefers, in Le fédéralisme réexaminé, Zurich 1973, t. 2, p. 549. Disette mondiale : cf. Walter Wittmann, Wohin geht die Schweiz ? Strategien des Überlebens, München 1973, p. 219 ss. A propos d'auto-approvisionnement, cf. aussi petite question Schaffer (ps, BE) et réponse du CF (BO CN, 1973, p. 1857 s.). L'épuisement des ressources alimentaires a été notamment mis en évidence par le Club de Rome et le Massachusetts Institute of Technology (MIT) : cf. APS, 1972, p. 58.
[6] Cf. par exemple la motion Nef (prd, SG) visant à stabiliser la population montagnarde : Délib. Ass. féd., 1973, III, p. 30 s. Cf. aussi la création de Pro Vita Alpina, groupe de travail .de jeunes savants pour la sauvegarde et la promotion des régions de montagne : TA, 36, 8.9.73. Cf. aussi Documenta, 1973, no 6, p. 22 s. (J.-C. Piot).
[7] Cf. par exemple la motion Tschumi (udc, BE) en faveur de contributions aux frais d'alpage : Délib. Ass. féd., 1973, p. 39 s. Cf. aussi le postulat Ueltschi (udc, BE), adopté par le CN (BO CN, 19'73, p. 64 s.).
[8] Cf. les motions Tschumi (udc, BE) au CN et Leu (pdc, LU) au CE pour l'amélioration du logement en régions de montagne, toutes deux adoptées comme postulats : BO CN, 1973, p. 423 ss. ; BO CE, 1973, p. 421 ss.
[9] Etudes : cf. APS, 1972, p. 59 s. et 111 ; supra, p. 53 s. Investissements : cf. supra, p. 53. Bétail : NZZ, 480, 16.10.73 ; Rapp. gest., 1973, p. 261 ; postulat Bodenmann (pdc, VS), adopté par CE : BO CE, 1973, p. 222 s. ZH : NZZ, 561, 3.12.73 ; TA, 281, 3.12.73.