Année politique Suisse 1974 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Missions traditionnelles
Des deux volets de la tradition d'hospitalité (pratique du droit d'asile ; accueil d'organisations internationales), c'est indéniablement le premier qui a fait le plus parler de lui, en bien comme en mal, quoique le second n'ait pas suscité que des commentaires positifs non plus. En effet, l'octroi de prêts additionnels, d'un montant de 56 millions de francs, à la Fondation des immeubles pour les organisations internationales (FIPOI), l'autorisation donnée à l'ouverture à Genève d'un bureau permanent du Conseil mondial de la paix (d'obédience communiste), ainsi que les facilités d'espionnage offertes à l'étranger par le truchement des organismes internationaux siégeant en Suisse ont provoqué, sur l'extrême-droite de l'échiquier politique principalement, certaines réactions d'hostilité
[52]. Quant à l'accueil de réfugiés politiques, notre pays jouit toujours, en dépit de la réapparition en force depuis quelques années d'un courant xénophobe, d'une solide réputation: 1132 demandes d'asile ont été déposées en 1974 ; 128 seulement avaient été rejetées à la fin de l'année. L'installation dans notre pays du célèbre écrivain russe A. Soljénitsyne, banni de l'Union soviétique, a encore contribué à asseoir la renommée suisse
[53]. Mais l'accueil presque triomphal qui lui a été réservé, ainsi que les obstacles mis par Berne à l'afflux massif de réfugiés de gauche en provenance du Chili, en particulier l'instauration du visa obligatoire, ont soulevé des critiques souvent très vives voire des remous et fait dire que notre hospitalité, et partant notre neutralité, étaient fortement inspirées de motivations idéologiques
[54]. En réponse aux nombreuses interventions parlementaires suscitées par l'affaire, le conseiller fédéral K. Furgler a déclaré que les autorités ne devaient pas se laisser forcer la main et qu'il convenait, sous peine de ne pouvoir honorer des engagements pris à la légère sous le coup de l'émotion, d'adapter l'octroi de l'asile à nos capacités d'accueil. Le Conseil national, conformément à sa demande, a encore rejeté la motion Ziegler (ps, GE) sur la redéfinition de notre politique d'asile dans les ambassades
[55].
[52] FIPOI : FF, 1974, II, no 34, p. 441 ss. (message du CF) ; BO CN, 1974, p. 1743 ss. Le CN a ôté 2 millions de francs à la somme demandée par le CF. Conseil mondial : cf. interpellation Gut (prd, ZH) et réponse du CF, in BO CN, 1974, p. 1350 ss. Espionnage : cf. interpellation Oehen (an, BE) et réponse du CF, in BO CN, 1974, p. 1350 ss.
[53] Demandes : JdG, 25, 31.1.75. Soljénitsyne : cf. la presse depuis le 16.2.74.
[54] Cf. notamment la presse à partir des dates suivantes : 29.1, 24.2 et 18.10.74. Cf. aussi petite question Schmid (ps, SG) avec réponse du CF : BO CN, 1974, p. 1110. Le même reproche de partialité a été formulé lors de l'interdiction faite à deux exilés communistes espagnols de prendre la parole dans un meeting organisé à Genève. La mesure du CF aurait été prise à la suite de pressions exercées par Madrid (cf. supra, part. I, 1b).
[55] Intervention au parlement : cf. les 4 interpellations Breny (an, VD), Caruzzo (pdc, VS), Gerwig (ps, BS) et Sahlfeld (ps, SG), ainsi que les 5 petites questions Bretscher (udc, ZH), Schwarzenbach (mna, ZH), Villard (ps, BE), Vincent (pdt, GE) et Ziegler (ps, GE) : BO CN, 1974, p. 653 ss. Cf. aussi P. Braunschweig, J. Meyer, Chile-Flüchtlinge. Schweizer Aussenpolitik, Basel 1974. Motion Ziegler : BO CN, 1974, p. 665 ss. ; APS, 1973, p. 42.
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