Année politique Suisse 1975 : Eléments du système politique / Structures fédéralistes
 
Relations entre la Confédération et les cantons et entre les cantons
L'accroissement des sollicitations faites aux institutions a provoqué une réflexion sur les fondements de la structure fédérative de l'Etat. Dans la perspective des élections au Conseil national, quelques partis ont tenté d'adopter des positions plus différenciées. La question d'une nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons s'est posée tout particulièrement. Le PDC proposait dans son programme d'action un projet accordant dans tous les domaines une certaine compétence législative à la Confédération, que ce soit de manière concurrente avec les cantons, ou sous forme de loi-cadre, voire de façon exclusive. Dans ses thèses, le PRD réclamait des dispositions constitutionnelles plus précises concernant l'attribution des compétences en matière de planification, de législation, d'exécution et de contrôle. Les libéraux recommandaient de profiter des mauvaises finances de la Confédération pour renforcer la position des cantons et la collaboration intercantonale [1].
De divers côtés, on souligna que la possibilité d'une séparation des compétences de la Confédération et des cantons était limitée et qu'il fallait davantage tendre, du côté des cantons, à mieux collaborer avec la Confédération (participer à la planification et à la législation fédérales, compléter des lois-cadres, aménager de manière autonome l'exécution des arrêtés fédéraux) [2]. Le Redressement national mettait au premier plan une meilleure séparation en matière financière par une réduction des versements réciproques d'argent qui s'annulent entre la Confédération et les cantons et en liant le moins possible les subventions à des affectations précises [3]. Mais, lorsqu'en début d'année, le Conseil fédéral se proposa de faire un pas dans ce sens — en préconisant, dans son programme d'assainissement, non seulement de réduire les subventions mais surtout de diminuer de 20 %, pour un an, la part des cantons aux revenus fédéraux — les directeurs cantonaux des finances lui opposèrent une résistance énergique. Le parlement diminua alors cette réduction de moitié [4]. Afin de renforcer l'influence des cantons sur la législation fédérale, une intervention socialiste demande que soient fixés des délais à l'examen des initiatives cantonales par le Conseil fédéral et les Chambres [5].
Le vote fédéral du 2 mars, qui vit l'article conjoncturel échouer en raison de la répartition égale des voix des cantons, provoqua un débat sur le poids des cantons lors des décisions fédérales et notamment sur la justification de la nécessité d'un vote majoritaire des cantons. Par une initiative parlementaire, le jeune indépendant saint-gallois Jaeger porta le débat devant le Conseil national. Il fit valoir que les cas de modifications constitutionnelles succombant en raison du veto des cantons se multipliaient, ce qui favoriserait l'abstentionnisme dans les cantons populeux. Sa suggestion, tendant à ce qu'un projet soit réputé accepté s'il réunit la majorité dans huit cantons, fut écartée par respect des principes mêmes de l'Etat fédéral et vu les travaux en cours pour la revision totale de la Constitution [6].
Outre la remise en question du principe de la majorité des cantons, on essaya aussi de changer le rapport de force réel des cantons. Personne ne songeait à transformer le Jura en formation et le reste du canton de Berne en demi-cantons ; dès lors il semblait logique de transformer les deux demi-cantons relativement importants de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne en cantons à part entière. Le gouvernement de Bâle-Campagne acceptait une motion lui demandant de prendre une initiative dans ce sens, sous réserve cependant de la collaboration de Bâle-Ville [7].
Les efforts de la Fondation pour la collaboration confédérale, qui aborde les problèmes du fédéralisme également sous l'angle théoriqué, aboutirent à la création de l'Institut de recherches sur le fédéralisme et les structures régionales à Riehen, près de Bâle [8]. Sur le plan pratique, la Fondation créa une Conférence suisse sur l'informatique destinée à favoriser la coordination du traitement des données au sein de la Confédération, des cantons et des communes [9].
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Collaboration entre les cantons
La collaboration entre les cantons ne progressa que lentement. Il faut relever que lors d'une consultation les cantons du nord-ouest de la Suisse (AG, BE, BL, BS, SO) ont formulé un contre-projet commun à la loi fédérale sur la protection de l'environnement, visant en particulier à décharger les administrations cantonales lors de son exécution. A la suite de la convention scolaire conclue en 1974, ils ont élaboré des principes provisoires de péréquation régionale des charges. Lors de conférences des gouvernements de la région on tenta de surmonter les divergences surgies, notamment entre l'Argovie et les deux Bâles, au sujet de la centrale nucléaire de Kaiseraugst [10].
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Collaboration régionale
La collaboration régionale fut efficacement stimulée par la loi fédérale sur l'aide aux investissements dans les régions de montagne, entrée en vigueur en mars. Cantons et communes concernés ont été invités à constituer de telles régions. Les communes doivent former une personnalité juridique propre et créer les organes et délégations de compétence nécessaires ; de manière générale, cette fonction incombe à une association de communes. Des communes de cantons différents peuvent également se regrouper. Comme nous le verrons, de telles régions de développement se sont formées sans tarder dans divers cantons [11]. L'offre d'une aide fédérale matérielle entraînait ainsi un changement des structures politiques. Dans le canton de Vaud cette évolution a rencontré un soutien institutionnel, une revision de loi venant renforcer le pouvoir des associations de communes ; en contrepoids à ces nouvelles compétences supra-communales, le référendum facultatif a été introduit au niveau de l'association [12].
 
[1] PDC : Programme d'action 1975, p. 71 ss. PRD : Revue politique, 54/1975, p. 147 ss. ULDS : Relations cantons-Confédération, Résumé des rapports présentés au Congres de l'ULDS à Neuchâtel le 5.4.1975, p. 9 ss.
[2] Cf. R. C. Rasi, Die kantonale Militärhoheit als Problem des Verhältnisses von Bund und Kantonen, Thèse Bâle 1974 ; E. H. Giesser, « Föderalismus bedeutet Zusammenarbeit », in Revue politique, 54/1975, p. 160 ss. ; R. E. Germann, « Vollzugsföderalismus in der Schweiz als Forschungsobjekt », in Die Verwaltung, 9/1976, p. 223 ss. et NZZ, 76, 3.4.75.
[3] Zur Frage der Aufgabenteilung zwischen Bund und Kantonen, Grundsätzliche Problemstellung und methodische Ansätze, Zürich 1975 (Etudes d'économie et de politique suisse, 103) ; R. Rohr, « Für eine föderalistische Finanzverwaltung », in Revue politique, 54/1975, p. 165 ss. Cf. aussi la prise de position du gouvernement zurichois : Ldb, 178, 6.8.75.
[4] Cf. infra, part. I, 5 (Massnahmen zur Verbesserung des Bundeshaushaltes).
[5] Motion Merz (ps, AR) : BO CN, 1975, p. 1866 ss.
[6] BO CN, 1975, p. 1170 ss. Sur la votation et le débat de principe, cf. infra, part. I, 4a (Konjunkturartikel). Pour l'opinion romande, cf. notamment R. Bernhard, « Das föderalistische Ärgernis », in Schweizer Monatshef te, 55/1975-76, p. 280 ss. Pour un échelonnement des voix des cantons : L. Neidhart in TA, 206, 6.9.75.
[7] BN, 135, 13.6.75. Cf. BN, 148, 28.6.75 ; 183, 9.8.75 ainsi que APS, 1974, p. 22. Pour la formation du canton du Jura, cf. infra, Question jurassienne.
[8] Cf. infra, part. I, 8a (Forschungspolitik). Les résultats des consultations sur l'état du fédéralisme suisse menées en 1972 et 1973 (cf. APS, 1973, p. 22) sont résumés par L. Neidhart (Föderalismus in der Schweiz, Zürich-Köln 1975). Cf. en outre M. Frenkel, « Kooperative und andere Föderalismen », in Schweizer Monatshe/te, 54/1974-75, p. 725 ss.
[9] Fondation pour la collaboration confédérale, Rapport annuel, 1975, p. 5 ; TA (ddp), 69, 24.3.75.
[10] Environnement : BN, 85, 12.4.75 ; cf. infra, part. 6d (Umweltschutz). Péréquation : BN, 16, 20.1.75. Convention scolaire : BN, 47, 25.2.75 (ratification par les cinq cantons, FR et LU) ; Bund, 14, 19.1.76 ; cf. APS, 1974, p. 23 et 137. Kaiseraugst : TA, 83, 11.4.75 ; SZ, 135, 14.6.75 ; cf. infra, part. I, 6a (Atomkraftwerke). Autres exemples de coopération intercantonale : consultation sur le projet de conception directrice de l'aménagement du territoire national (cf. infra, part. I, 6c, Raumplanung), police (supra, part. I, 1b, Ordre public), élimination des voitures hors d'usage (infra, part. I, 6d, Abfälle), enseignement de la deuxième langue (infra, part. I, 8a, Primar- und Mittelschulwesen).
[11] Loi : RO, 1975, no 8, p. 392 ss. Ordonnance d'exécution : RO, 1975, no 24, p. 1041 ss. Cf. infra, part. I, 4a (Strukturpolitik).
[12] Cf. infra, part. II, 1h. Sur les problèmes régionaux et communaux, cf. en outre H. R. Leemann, « Region und Gemeindeautonomie », in Verwaltungspraxis, 29/1975, no 4, p. 3 ss. ; H. P. Fagagnini, Kanton und Gemeinden vor ihrer Erneuerung, Eine interdisziplinäre Studie zum innern Aufbau des Kantons St. Gallen, Bern-Stuttgart 1974 (St. Galler Studien zur Politikwissenschaft, 2) ; R. Schäfli, Interkommunale Beziehungen in städtischen Agglomerationen unter besonderer Berücksichtigung der Gemeinden Gaiserwald und St. Gallen, Thèse St-Gall, Diessenhofen 1974 ; R. E. Trepp, Gemeindeautonomie und interkommunale Zusammenarbeit im Kanton Graubünden, Thèse St-Gall 1975.