Année politique Suisse 1975 : Politique sociale / Assurances sociales
 
Assurance-chômage
L'assurance-chômage a été le domaine d'une activité considérable de la part des autorités fédérales ; deux ordonnances, un arrêté fédéral urgent et deux modifications du règlement d'application l'attestent. A cela s'ajoute la revision de l'article constitutionnel s'y rapportant. Les deux ordonnances d'avril et de novembre portèrent la durée des prestations respectivement de 90 à 120 jours, puis à 150 jours par an [1]. Introduit fin avril par un message du Conseil fédéral, l'arrêté fédéral urgent, accepté avec quelques modifications par les Chambres le 20 juin, vise avant tout à garantir plus rapidement la protection de l'assurance, à en améliorer les prestations et à élargir le cercle des assurés. Il confère au Conseil fédéral la capacité de prolonger la durée annuelle d'indemnisation en cas de chômage persistant jusqu'à 180 jours ; il porte le gain journalier assurable à 120 francs par jour, augmente le supplément en cas d'assistance et d'entretien et raccourcit, jusqu'à fin décembre 1975, le délai d'attente de six à un mois. Considéré comme une réponse suffisante au postulat Canonica (ps, ZH), il fournissait la base légale nécessaire pour adapter l'assurance à l'évolution économique, à travers les revisions du règlement d'application de la loi [2]. Ce qui fut fait par deux fois, à fin août et mi-novembre. La première de ces modifications concerne essentiellement les étudiants de l'enseignement postscolaire et leur permet, sous certaines conditions, de s'assurer sans avoir à justifier d'une activité salariée antérieure. Les apprentis sont, quant à eux, déliés de l'obligation de verser une contribution d'entrée [3]. La deuxième refonte porte sur plusieurs points. Parmi les principaux, citons l'introduction des vacances et de cinquante jours de chômage dans le calcul des 150 jours de travail préalablement nécessaires à l'affiliation, l'abrogation des dispositions pénalisant jusqu'alors les travailleurs de la construction, ainsi que la possibilité d'assurance pour les jeunes sortant de l'école sans suivre de formation professionnelle. La réglementation est également assouplie pour les malades, les travailleurs à temps partiel et les chômeurs partiels. Etendant les possibilités d'assurance aux détenus libérés et aux invalides partiels, le nouveau règlement répondait aux préoccupations du postulat Villard (ps, BE) concernant ces deux catégories de personnes. De même un des points du postulat Schmid (ps, SG) devenait sans objet, les travailleurs à domicile ayant sous certaines conditions l'aptitude à s'assurer [4].
Selon les termes du message du Conseil fédéral, c'est un double objectif que se donne la révision de l'article constitutionnel sur l'assurance-chômage [5]. Premièrement, il faut pallier les lacunes du système actuel, particulièrement en ce qui concerne l'insuffisance du taux d'affiliation et la répartition trop limitée des risques. En effet, malgré une forte progression de 60,8 % en un an, le nombre total des travailleurs assurés, soit 860 791 à fin septembre, ne représente environ que le 32 % de l'ensemble des travailleurs [6]. La répartition des risques, découlant de l'indépendance financière des caisses et de leur recrutement par branche ou par région, était suffisamment mauvaise pour que l'intervention de la Banque nationale suisse soit prévue et que le DFFD accorde une avance de trésorerie de six millions aux caisses en difficultés [7]. A long terme, l'utilisation du fonds de compensation de la Confédération ne serait plus suffisant. En réponse à ces deux carences, le projet prévoit d'une part une obligation d'assurance quasi générale pour les travailleurs et envisage d'autre part la mise sur pied d'une centrale fédérale de compensation chargée de l'encaissement des cotisations et de la péréquation financière complète, le versement des indemnités restant du domaine des caisses existantes. Autre innovation, le financement sera assuré à parts égales par les travailleurs et les employeurs. En outre, l'évolution économique laissant prévoir l'existence d'un chômage structurel ou technologique, il était nécessaire d'élargir le but de l'assurance-chômage, qui jusqu'alors se limitait au versement d'indemnités journalières. Par l'une des clauses du nouvel article constitutionnel, l'assurance-chômage est habilitée à encourager financièrement les mesures destinées à prévenir et à combattre le chômage [8]. Lors du débat, le Conseil national suivit les propositions de la majorité de la commission, elle-même fidèle au projet de l'exécutif. C'est ainsi que fut repoussée une proposition de la minorité de la commission étendant l'assurance à la maternité, comme le furent les propositions Dafflon (pdt, GE) et Carobbio (psa, TI) en faveur d'une augmentation de la participation financière de l'employeur, sort partagé par la proposition Oehen (an, BE) limitant l'obligation aux seuls travailleurs indigènes et établis. La proposition de la minorité socialiste de la commission, refusant la mention d'un taux maximum de cotisation et la limitation du revenu soumis à cotisation fut également écartée [9]. Les cantons ne sont pas non plus restés inactifs dans le domaine de l'assurance-chômage ; que ce soit par l'élévation du montant du revenu soumis à l'assurance ou par l'introduction de l'obligation généralisée, la majorité d'entre eux répondit à l'aggravation du chômage par l'extension légale du cercle des assurés et des cotisants [10].
 
[1] RO, 1975, no 16, p. 670 ; no 47, p. 2220.
[2] Message : FF, 1975, I, no 21, p. 1869 ss. Arrêté fédéral : RO, 1975, no 25, p. 1078 s. Postulat Canonica (motion transformée) : BO CN, 1975, p. 509.
[3] RO, 1975, no 34, p. 1505.
[4] RO, 1975, no 47, p. 2210. Postulat Villard : BO CN, 1975, p. 1482. Postulat Schmid : BO CN, 1975, p. 1281.
[5] FF, 1975, II, no 42, p. 1573 ss.
[6] La Vie économique, 48/1975, p. 562 et FF, 1975, II, no 42, p. 1580.
[7] JdG, 269, 18.11.75 ; TG, 269, 18.11.75 ; NZ, 387, 12.12.75 ; Message du Conseil fédéral... concernant le compte d'État... pour l'année 1975, p. 65.
[8] FF, 1975, II, no 42, p. 1598.
[9] BO CN, 1975, p. 1698 ss.
[10] Cf. infra, part. II, 5f.