Année politique Suisse 1975 : Politique sociale / Groupes sociaux / Situation de la femme
print
Avortement
Le débat parlementaire sur l'initiative populaire en faveur de la décriminalisation de l'avortement a été particulièrement ardu et fourni [18]. En janvier, on apprenait que la commission du Conseil national s'était prononcée à une voix de majorité en faveur de la solution des délais, rejetant à l'unanimité l'initiative populaire [19]. La chambre ne suivit pas complètement sa commission ; car si le rejet de l'initiative ne fit pas problème, il en alla tout autrement pour les quatre solutions restant en lice. En effet, aux projets du Conseil fédéral (solution des indications, avec indication sociale) et à celui de la majorité de la commission (solution des délais) s'ajoutaient une proposition de la minorité de la commission (solution des indications, sans indication sociale) et une proposition Bonnard (lib., VD) laissant aux cantons le soin de choisir entre les trois possibilités [20]. La position intransigeante et monolithique du groupe démocrate-chrétien, soutenant la minorité de la commission, fut déterminante pour l'issue des débats. Effectivement, lors des votes finals, la proposition de la minorité fut repoussée au profit de celle du gouvernement ; dès lors, par la voix de son président, le groupe du PDC expliqua qu'il se refusait à soutenir l'un ou l'autre des projets restants. En conséquence, s'abstenant au moment du choix entre les deux solutions, il s'opposait avec succès, lors du vote d'ensemble, à la solution des délais, défendue par les communistes et la majorité des indépendants et des socialistes. Ainsi, bien que tous les orateurs en aient reconnu l'iniquité, la situation actuelle subsistait, les quatre projets ayant été successivement rejetés [21].
La prise de position de la commission du Conseil des Etats, qui se prononça en majorité pour la solution la plus restrictive (minorité de la commission du Conseil national), laissait peu d'espoir aux promoteurs de l'initiative pour la décriminalisation de l'avortement. Ceux-là organisèrent le 4 juin une réunion des partis et associations favorables à la solution des délais afin d'étudier la possibilité de lancer une nouvelle initiative constitutionnelle. La décision, sans surprise, de la chambre des cantons de se rallier, en l'adoucissant un peu, au projet défendu par sa commission ouvrait la voie du lancement de cette deuxième initiative [22]. Ce qui fut fait dès fin juin, avec l'appui d'un comité de soutien présidé par le conseiller national Gautier (lib., GE). Lors de l'examen du projet du Conseil des Etats, la commission de la chambre du peuple réitérait son vote de janvier, tout en proposant une motion en faveur de l'amélioration de la situation personnelle économique et juridique de la personne enceinte et de la mère d'un nouveau-né [23]. Début octobre, le Conseil national réexaminait les différents projets et se décidait en faveur de la proposition de la chambre des cantons en y ajoutant l'indication sociale ainsi que le lui avait demandé le radical soleurois Eng ; sans opposition, il adoptait la motion de sa commission. C'est donc un texte finalement assez proche de celui de l'exécutif qui fut transmis au Conseil des Etats [24].
 
[18] Initiative et projet du CF : APS, 1974, p. 127. Cf. également le dossier présenté par Les Cahiers protestants, avril 1975, no 2.
[19] NZZ, 11, 15.1.75 ; TLM, 15, 15.1.75 ; Lib., 12, 16.1.75.
[20] L'initiative fut rejetée par 141 voix contre 2, celles des socialistes Ziegler (GE) et Villard (BE) : BO CN, 1975, p. 277 et TLM, 65, 6.3.75. Proposition de la minorité : BO CN, 1975, p. 213 ss. Proposition Bonnard : BO CN, 1975, p. 232 s.
[21] Positions des groupes parlementaires : TLM, 64, 5.3.75 ; 24 Heures, 53, 5.3.75.
[22] JdG, 99, 30.4.75 ; NZZ, 99, 30.4.75 ; Comité d'initiative : NZ, 140, 6.5.75 ; 24 Heures, 105, 7/8.5.75 ; TG, 105, 7/8.5.75 ; TA, 127, 5.6.75 ; NZ, 173, 6.6.75. Conseil des Etats : BO CE, 1975, p. 383 ss. et 404 ss.
[23] Lancement de l'initiative : TG, 145, 25.6.75 ; JdG, 145, 25.6.75. Elle sera déposée le 22 janvier 1976 avec plus de 67 000 signatures, son dépôt provoquant le retrait de la première initiative : FF. 1976, 1, no 10, p. 847.
[24] BO CN, 1975, p. 1431 ss.