Année politique Suisse 1976 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Relations bilatéraux
Les Chambres ont autorisé le Conseil fédéral à ratifier toute une série de traités bilatéraux qui, dans la plupart des cas, règlent des questions concernant la sécurité sociale, la double imposition ou le trafic aérien
[25]. Des difficultés ont surgi uniquement au sujet des accords avec l'Italie dont les relations avec la Suisse ont été perturbées à plus d'un égard, et, de surcroît, assombries par la catastrophe de Seveso
[26]. Le Conseil national a accepté une motion Eisenring (pdc, ZH) demandant au Conseil fédéral de différer la ratification de l'accord concernant l'imposition des frontaliers et la compensation financière en faveur de l'Italie jusqu'à ce que la convention supprimant la double imposition puisse entrer en vigueur. La ratification de cette dernière est souhaitée par la Suisse, deuxième plus grand investisseur en Italie, alors que ce pays, après une cinquantaine d'années de tergiversations, réserve aujourd'hui encore sa décision
[27].
Dans le domaine des accords bilatéraux, le traité de non-prolifération des armes atomiques, que la Suisse a signé en 1969 déjà, a continué à donner lieu à de vives discussions. Dans un rapport complémentaire que la commission du Conseil des Etats avait demandé en automne 1974, afin de tirer au clair les variantes possibles, le Conseil fédéral confirme qu'il est convaincu que l'adhésion à ce traité est, malgré la discrimination affectant les Etats sans armement atomique, la solution la plus acceptable pour assurer, à l'avenir également, l'approvisionnement de la Suisse en combustible nucléaire
[28]. Sur ce point, il a été soutenu par l'industrie énergétique. Cependant, certaines entreprises de l'industrie d'exportation ont exprimé la crainte que le système de contrôle très sévère, imposé aux Etats signataires, ne compromette la recherche et le commerce dans le domaine de la technique nucléaire. Certains milieux ont même spéculé sur l'espoir que les développements les plus récents dans ce secteur puissent bientôt permettre à la Suisse de se rendre indépendante de l'étranger pour son approvisionnement en énergie nucléaire, ce qui rendrait alors superflue la signature du traité. L'armée a également émis des jugements très réservés, voire opposés à l'adhésion, ce traité diminuant, selon elle, la liberté d'action dans le domaine stratégique et restreignant la souveraineté de la Suisse. Malgré l'opposition, apparente ou souterraine, d'intérêts qui se sont également exprimés lors des auditions parlementaires — et dont le caractère de groupe de pression s'est confirmé encore après la clôture des débats parlementaires, durant la procédure de ratification — les Chambres ont approuvé le traité comme un moindre mal et le gouvernement l'a ratifié
[29]. Cette question de l'adhésion a illustré de manière vraiment exemplaire la limitation de notre indépendance par la réalité internationale, ce qui implique nécessairement une redéfinition des intérêts de la Suisse et de son identité nationale. Mais elle a aussi rappelé l'ensemble des problèmes posés par la légitimation démocratique de notre politique étrangère, la Suisse s'étant obligée en adhérant à ce traité, non soumis au référendum, à renoncer aux armes nucléaires, bien que le souverain ait rejeté massivement en 1962 une initiative populaire interdisant l'armement atomique
[30].
[25] Cf. Rapp. gest., 1976, p.' 75 s. et 205 ; FF, 1976, I, p. 373 ss. ; BO CE, 1976, p. 309 s. ; BO CN, 1976, p. 1069 s.
[26] Cf. la presse des 20.7.76, 24.8.76, 2.9.76, 15.12.76 ; BO CN, 1976, p. 1583 ss. Voir aussi APS, 1975, p. 44 et infra, Internationale Verflechtung, 6d (Luftverunreinigung und Lärm) et 7d (Politique à l'égard des étrangers).
[27] Imposition des travailleurs frontaliers italiens et compensation financière : cf. FF, 1975, II, p. 357 ss. ; BO CN, 1976, p. 788 ss. Double imposition : cf. FF, 1976, II, p. 653 ss. ; BO CN, 1976, p. 973 ss. Motion Eisenring : cf. BO CN, 1976, p. 1216 s.
[28] Cf. FF, 1974, II, p. 1009 ss. ; 1976, I, p. 714 ss. (message et rapport du CF). Voir aussi APS, 1975, p. 47 s.
[29] Cf. BO CE, 1976, p. 293 ss. ; BO CN, 1976, p. 1524 ss. et 1554 ss. ; RO, 1977, p. 471 ss. Sur la divergence des intérêts, cf. entre autres Ldb, 50, 1.3.76 ; 94, 24.4.76 ; 98, 29.4.76 ; 197, 26.8.76 ; TLM, 60, 29.2.76 ; NZZ, 122, 26.5.76 ; 141, 19.6.76 ; 281, 30.11.76 ; Ww, 23, 9.6.76 ; 43, 27.10.76 ; Vat., 140, 19.6.76 ; 196, 24.8.76 ; BN, 143, 23.6.76 ; 254, 30.10.76 ; Zeitdienst, 24, 25.6.76 ; 24 heures, 154, 3.7.76 ; 267, 15.11.76 ; NZ, 342, 2.11.76 ; LNN, 293, 15.12.76 ; JdG, 297, 20.12.76 ; Der Republikaner, 1, 14.1.77 ; TA, 68, 22.3.77 et la presse des 28.2.76, 3.5.76, 24.6.76, 27.8.76, 4.11.76, 14 et 15.12.76.
[30] Cf. R. Eberhard, « Die Abstimmung über die Atominitiative », in Annuaire de l'Association suisse de science politique, 1963, p. 72 ss. Voir aussi FF, 1974, II, p. 1046 ss. et plus particulièrement p. 1053 s.
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