Année politique Suisse 1976 : Politique sociale / Population et travail
 
Participation
Fixée au 21 mars, la votation populaire au sujet de l'initiative syndicale sur la participation a été précédée d'une intense campagne qui, malgré son ampleur et son objet, n'a pas réussi à entraîner la majorité abstentionniste aux urnes [16]. Rappelons qu'après un long débat, les Chambres fédérales avaient repoussé à la fois l'initiative et le contre-projet gouvernemental, pour y préférer une formulation propre, proche des propositions radicales [17]. Au début de la campagne les positions paraissaient claires : les syndicats et les partis de gauche, partisans de l'initiative, s'opposaient aux partis bourgeois et aux organisations patronales et économiques, défenseurs du contre-projet. Cependant, une troisième tendance allait se manifester en préconisant le double rejet. Elle reçut un renfort de poids lorsque le PDC, désireux de monter en ligne de manière homogène, choisit le double non. Il rejoignait ainsi les Jeunes radicaux et les syndicats autonomes, tout en s'éloignant des positions épiscopales et de la CSC [18].
Le débat durant la campagne opposa cependant principalement les partisans de l'initiative à ceux du contre-projet. Ces derniers, avec à leur tête l'ancien conseiller fédéral N. Celio, dirigèrent habilement leurs critiques non pas sur la participation des travailleurs en tant que telle, mais beaucoup plus sur la présence des fonctionnaires syndicaux dans les organes de participation. Ils reprochèrent aux syndicats de vouloir ainsi bouleverser l'ordre socio-économique, sous couvert de le démocratiser, de tenter de « syndicaliser » l'économie en général [19]. C'était dénier aux fonctionnaires syndicaux toute compétence et toute modération, alors qu'eux-mêmes croyaient avoir démontré qu'ils en étaient les garants. A cette première déception des syndicalistes s'en ajouta une seconde, amenée par le résultat même de la votation. En effet, ni l'initiative ni le contre-projet ne trouvèrent grâce devant le souverain. Qui plus est, les organisations syndicales n'ont pas pu et peut-être pas su mobiliser suffisamment leurs adhérents, le nombre de partisans du oui se situant en dessous du total des membres des trois organisations initiatrices. De l'avis de leurs dirigeants, les travailleurs se sentaient surtout concernés par des préoccupations matérielles immédiates et la participation ne répondait pas à cette attente [20]. Les partisans du contre-projet n'ont pas semblé ressentir l'échec de leur proposition comme une défaite, le rejet de l'initiative compensant cela [21]. Le danger de l'utilisation du contre-projet comme moyen de blocage, de maintien du statu quo, et non comme alternative avait été souligné durant le débat parlementaire et la campagne [22]. Le vote populaire négatif ne clôt cependant pas le chapitre de la participation. En effet, prévoyant le résultat du scrutin, le conseiller national F. Morel (ps, FR) a déposé, peu avant son déroulement, une initiative parlementaire qui, sous la forme d'une article constitutionnel, reprend les anciennes propositions gouvernementales. Une autre initiative parlementaire, celle du démocrate-chrétien Egli (LU), propose un projet constitutionnel plus restrictif, alors qu'une motion du président de l'USS, E. Canonica (ps, ZH), demande au gouvernement de remettre l'ouvrage sur le métier. Enfin, le groupe démocrate-chrétien a, se fondant sur la base constitutionnelle actuelle, présenté un projet de loi sur la collaboration au sein de l'entreprise [23].
 
[16] Selon l'enquête réalisée par l'Argus international de la presse à Zurich, 4750 annonces ont paru dans la presse ; 3500 en faveur du contre-projet, 1075 en faveur de l'initiative et 175 en faveur du double non (JdG, ats, 85, 11.4.76 ; Bund, 133, 10.6.76). La participation électorale a été de 39,4 % (Annuaire statistique suisse, 1976, p. 557).
[17] Cf. APS, 1974, p. 122.
[18] LNN, 64, 17.3.76 ; Vat., 64, 17.3.76 ; Ww, 11, 17.3.76. Les radicaux vaudois et lucernois se prononcèrent aussi pour le double non. Cf. également infra, part. III a (Parti radical-démocratique).
[19] Voir par exemple l'article de N. Celio, « Gewerkschaften wollen Machtverhältnisse ändern », in LNN, 55, 6.3.76 et les prises de position de la Chambre suisse du commerce et des associations patronales (RFS, 6, 10.2.76) ainsi que Schweiz. Gewerbe-Zeitung, 1, 8.1.76.
[20] L'initiative a été repoussée par 966 140 oui contre 472 094 non et par tous les cantons; le contre-projet par 974 695 oui contre 431 690 non et tous les cantons (FF, 1976, II, p. 639 ss.). Réactions : Ww, 12, 24.3.76 ; NZ, 97, 27.3.76 ; VO, 72, 27.3.76 ; TLM, 101, 10.4.76. Cf: infra, part. III b (Associations de travailleurs).
[21] Ww, 12, 14.3.76.
[22] BO CN, 1974, p. 1366 s. (intervention Aubert) et 1371 s. (intervention Renschler) ainsi que : SGB, CNG, SVEA, Nein zum Gegenvorschlag der Bundesversammlung, Bern 1976.
[23] Morel : Délib. Ass. féd., 1976, IV, p. 9. Egli : Délib. Ass. féd., 1976, IV, p. 9. Canonica : Délib. Ass. féd., 1976, IV, p. 25. Projet de loi : Délib. Ass. féd., 1976, IV, p. 20. Voir également : Vat., 43, 21.2.76 ; Ostschw., 60, 12.3.76 (Beilage) ainsi que : B. Zanetti, La participation des travailleurs en Suisse, Un projet de loi fédérale, Berne 1976.