Année politique Suisse 1976 : Politique sociale / Population et travail / Conventions collectives de travail
La statistique des conflits du travail indique une nette croissance de ceux-ci ; on en a dénombré 26 (1975: 8), dont 19 (6) ont entraîné un arrêt de travail de plus d'un jour ; ces dix-neuf cas ont concerné 492 (6) entreprises et 2395 (323) travailleurs, provoquant la perte de 19 586 (1773) journées de travail. Cinq ont eu lieu dans la construction, quatre dans l'industrie des métaux et machines, trois dans l'horlogerie. A l'origine de sept de ces conflits se trouvent des raisons de salaires, alors que six ont été causés par des licenciements et quatre par la conclusion d'un nouveau contrat collectif de travail: La majeure partie de ces conflits se sont déroulés en Suisse romande et ont été souvent accompagnés de manifestations, d'occupations, voire de piquets de grève
[36].
La lutte la plus longue a eu pour cadre le canton de Genève, où une quarantaine de travailleurs occupèrent une entreprise menacée de faillite durant plus de quatre mois ; elle se termina par le rachat de l'exploitation avec maintien de tous les postes de travail et de tous les avantages acquis
[37]. Dans le canton de Neuchâtel s'est déroulé le conflit le plus important et le plus connu, la grève de 4 semaines du millier de travailleurs de l'entreprise Dubied, qui entraîna la perte de 15 000 journées de travail environ. Elle a été déclenchée le 9 août après qu'un tribunal arbitral ait approuvé la décision de la direction de l'entreprise de ne verser que 25 % du 13e salaire
[38]. La décision des travailleurs plaça la FTMH dans une position difficile : ne voulant pas répéter l'erreur d'appréciation commise lors d'un précédent conflit dans la région lausannoise, qui avait largement profité à sa concurrente la FCOM, elle s'engagea dès le début à soutenir les grévistes ; cependant, la convention collective, signée par la FTMH, interdit le recours à de telles mesures
[39]. Dès lors, on lui reprocha, du côté patronal, une certaine duplicité, puisqu'elle défendait à la fois les grévistes et la convention
[40]. Du côté des travailleurs, surtout sur la fin du conflit, une certaine méfiance s'installa vis-à-vis de la centrale syndicale qui, convention oblige, ne put utiliser son fonds de grève pour les soutenir matériellement. On fit alors appel à la solidarité ouvrière et syndicale
[41]. Vu l'importance régionale de l'entreprise et la dureté des négociations, l'intervention médiatrice du Conseil d'Etat neuchâtelois fut requise ; le Conseil fédéral, pour sa part, exprima son inquiétude
[42]. Le découragement aidant, les travailleurs acceptèrent, début septembre, la proposition gouvernementale de versement d'un million de francs, prélevé sur la fondation en faveur du personnel
[43]. L'ambiguïté subsiste toutefois sur les modalités de paiement, qui sont diversement interprétées par les parties en cause
[44].
[36] La Vie économique, 50/1977, p. 61 ; Lib., 76, 31.12.76.
[37] TG, 130, 7.6.76 ; 158, 9.7.76 ; 164, 16.7.76 ; 177, 1.8.76 ; 220, 21.9.76.
[38] TLM, 223, 10.8.76 ; VO, 182, 10.8.76 ; 24 heures, 186, 11.8.76.
[39] Conflit lausannois : TLM, 69, 9.3.76 ; 24 heures, 57, 9.3.76 ; 58, 10.3.76 ; TA, 59, 11.3.76.
[40] JdG, 186, 11.8.76 ; 188, 13.8.76 ; TG, 186, 11.8.76, 206, 3.9.76. Critiques patronales : SAZ, 71/1976, p. 639 s.
[41] 24 heures, 206, 3.9.76 ; 207, 4.9.76 ; TLM, 248, 4.9.76 ; VO, 205, 6.9.76. Cf. également SMUV-Zeitung, 32, 18.8.76 ; 34, 25.8.76 ; 35, 1.9.76 ; 36, 8.9.76 ; 38, 22.9.76.
[42] Cf. LNN, 204, 2.9.76 ; NZZ, 205, 2.9.76 ; TA, 204, 2.9.76.
[43] VO, 203, 3.9.76 ; TLM, 247, 3.9.76.
[44] JdG (ats), 286, 7.12.76 ; TLM, 342, 7.12.76. La direction ayant décidé unilatéralement de verser la moitié seulement de cette somme en 1976, le Conseil d'Etat neuchâtelois publia une critique et la commission d'entreprise démissionna (24 heures, 287, 8.12.76 ; TA, 288, 9.12.76).
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