Année politique Suisse 1976 : Politique sociale / Assurances sociales
 
Prévoyance professionnelle
En publiant, fin janvier, son message et son projet de loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), le Conseil fédéral livrait à l'opinion publique un matériel complexe. Fruit d'un compromis élaboré lors d'une double procédure de consultation, il doit, avec l'AVS (premier pilier), assurer une rente équivalant à 60 % du dernier salaire brut (80 % pour les couples). Son financement repose sur une obligation générale pour tous les salariés ; il est autonome et paritaire, fonctionnant d'après le principe de la capitalisation des rentes. Le montant du salaire assuré est limité, en conséquence les rentes et les cotisations aussi. Selon ce projet, le taux de cotisation varierait entre 8 et 19 % du salaire (soit 4 et 10 % environ pour le salarié). Le principe de la capitalisation implique deux inconvénients : le premier, c'est de ne pouvoir répondre à l'objectif fixé (le maintien du niveau de vie antérieur) que lorsque certaines données économiques, telles que le taux d'intérêt, le niveau des salaires, le taux d'inflation, se développent de manière constante ; un taux d'inflation de 10 % obligerait l'exécutif — et il en demande la compétence — à revoir les objectifs de la prévoyance professionnelle à la baisse. L'autre défectuosité, c'est que pour un montant de cotisations identique, les sommes perçues en retour sont inférieures à celles de l'AVS [14]. Cette double imperfection a constitué le mur des critiques faites par l'extrême-gauche en général et par le PdT en particulier. Une autre attaque, souvent aussi virulente, a été menée par l'ancien conseiller national A. C. Brunner qui reproche au projet son perfectionnisme coûteux et dont les arguments s'inspirent beaucoup plus de technique financière et actuarielle [15]. Plusieurs séances ont été et seront nécessaires à la commission préparatoire du Conseil national pour traiter de ce vaste projet.
En attendant la mise en place de la LPP, le gouvernement a décidé d'introduire, sans prolongation de délai, une modification du Code des obligations concernant les conditions de libre passage en matière de prévoyance professionnelle facultative. Il s'agissait de trouver une solution pour les travailleurs qui quittent une institution de prévoyance sans avoir atteint la limite d'âge. Jusqu'alors, le paiement en espèces des cotisations versées était interdit, sauf si le montant était minime [16]. Les difficultés pratiques entraînées par cette interdiction ont amené l'exécutif, dans son projet de mars, à étendre les cas dans lesquels le paiement en espèces est requis légitimement par le travailleur. L'un de ces cas, celui où la femme, par suite de son mariage, abandonne son activité lucrative, a été particulièrement contesté. Lors du débat de juin au Conseil national, la socialiste Gabrielle Nanchen (VS) s'est opposée fermement à cette proposition, en lui reprochant de relever d'une conception figée des rapports entre hommes et femmes et d'être un frein à l'amélioration de la situation de la femme dans les assurances sociales. Le projet gouvernemental n'en fut pas moins adopté par les deux Chambres [17]. La modification conséquente du statut des caisses d'assurances du personnel de la Confédération fut acceptée sans discussion par le parlement durant la dernière session de l'année [18]. Dans ce même domaine des caisses de prévoyance, signalons la création à fin août, à Bâle, d'une fondation pour le placement des capitaux de ces caisses. Elle réunit l'USS, la CSC, l'ASSE et la Fédération des sociétés suisses d'employés ; l'ancien conseiller fédéral H. P. Tschudi préside son conseil de fondation, la Banque centrale coopérative de Bâle fonctionnant comme banque de dépôt [19].
 
[14] Message : FF, 1976, I, p. 117 ss. Cf. également M. Frischknecht, « Der Entwurf zu einem Bundesgesetz über die obligatorische berufliche Vorsorge », in Schweiz. Zeitschrift für Sozialversicherung, 20/1976, no 2, p. 73 ss.
[15] Critiques de l'extrême-gauche : POCH-Zeitung, 5, 4.2.76 ; Bresche, 63, 6.2.76 ; du PdT : VO, 8, 13.1.76 ; 24, 31.1.76 ; de A. C. Brunner : Ww, 5, 4.2.76 ; Tat, 80, 4.4.76 ; NZZ, 115, 18.5.76 ; Bund, 144, 23.6.76.
[16] Message : FF, 1976, I, p. 1273 ss.
[17] BO CN, 1976, p. 415 ss. et 1848 et BO CE, 1976, p. 199 ss. et 326.
[18] FF, 1976, II, p. 1545 ss. ; BO CN, 1976, p. 1433 s. ; BO CE, 1976, p. 656.
[19] Le Gutenberg, 37, 9.9.76.